Comment le coronavirus apprend aux Suisses à improviser
Dans la situation actuelle, de nombreux Suisses doivent improviser - et pour la plupart d'entre eux, il s'agit d'une nouvelle expérience. Dans une série d'articles, nous allons vous présenter des personnes qui se battent pour s'en sortir en plein confinement. Quelles sont leurs craintes, quels sont leurs espoirs? La professeure de yoga Anita Preece-Kopp ouvre le bal.
Depuis le 16 mars, tout tourne au ralenti en Suisse.
Du jour au lendemain, de nombreuses personnes ont fait face à de grands enjeux. Avec une clientèle très réduite, comment l’exploitant d’un stand de kebab paye-t-il le loyer à la fin du mois? Comment la propriétaire du salon de coiffure verse-t-elle un salaire à ses employés? Ou comment un couple indépendant qui a dû fermer son studio de yoga et de Pilates peut-il encore gagner sa vie?
Certes la situation en Suisse tend progressivement à revenir à la normale, mais l’art d’improviser restera d’actualité encore de longues semaines.
«Soudain, en tant qu’indépendants, mon mari et moi nous sommes retrouvés sans aucun revenu. Mais les coûts fixes, eux, restent. Il m’a d’abord fallu digérer cela. Après un moment de sidération – deux jours en ce qui me concerne – j’ai recommencé à fonctionner. D’une manière ou d’une autre, il faut continuer.
La fermeture de mon studio à la mi-mars ne m’a pas surprise. J’avais même réfléchi à fermer avant. Aussi parce que les mesures devenaient plus strictes de jour en jour. A ce moment-là il était difficile de suivre le rythme et d’informer mes élèves à temps.
J’ai travaillé extrêmement dur au cours du mois dernier. Plus de temps pour les loisirs ou pour lire un livre. Mon mari et moi avons dû nous renouveler pour survivre. Par exemple, nous avons mis en place des kits de soutien: nos clients peuvent s’approvisionner chez nous en tapis de yoga et de Pilates et ainsi nous soutenir financièrement. En plus de cela, toutes les questions administratives doivent être réglées.
On s’adapte très rapidement à la situation. C’est l’une des principales leçons que je tire de cette crise: les gens sont très réactifs. Mais la volonté d’improviser varie d’une personne à l’autre. Cela se voit dans la participation aux cours en ligne, que je ne voulais même pas proposer au début. Je pensais qu’il y avait déjà trop de vidéos gratuites sur le net. Mais quelqu’un m’a finalement convaincue, au bon moment, de proposer des cours en ligne malgré tout. Il fallait bien que je fasse quelque chose pour joindre les deux bouts.
Cependant, à peine un quart de ma clientèle suit mes cours en ligne, qui coûtent actuellement 20 francs ou peuvent être déduis de l’abonnement en cours. Alors soit ce n’est pas leur truc, soit, après une journée de télétravail, ils en ont assez d’être le nez sur leur écran.
Je le comprends, mais mon existence en dépend. Mentalement, c’est le grand huit. Des cours de Pilates avec près de 30 participants – comme mercredi dernier – me donnent l’élan nécessaire pour continuer. Désormais, l’affolement du début s’est apaisé et j’ai à nouveau le temps de m’occuper des choses en suspens.
J’avais tellement espéré que 2020 serait une année plus facile pour moi. En 2019, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Je me suis battue toute l’année dernière et j’ai mis à profit cette expérience pour faire le point sur ma situation. Et me voilà de nouveau obligée à réfléchir à ce que je veux faire de ma vie.
J’espère que nous surmonterons cette crise tous ensemble et qu’elle ne dépendra pas de chaque individu.
Je ne sais pas encore à quelle date je pourrai rouvrir mon studioLien externe – mais probablement pas avant le mois de juin.»
Traduit de l’allemand par Emilie Ridard
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