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Des gangs malmènent la frontière à Genève

Des malfrats ont utilisé des explosifs pour entrer dans une banque Migros de Thônex (GE), en novembre dernier. sf.drs

Une vague de braquages armés perpétrés par des gangs a secoué le canton de Genève. Le gouvernement a accepté de créer des postes supplémentaires. Pas suffisant, dit le syndicat des douaniers.

Outre Bâle, Genève est le haut lieu de la criminalité transfrontalière. «Les attaques récentes, extrêmement violentes, nous placent devant un problème majeur», a déclaré Jürg Noth, chef du Corps des gardes-frontière (Cgfr), devant la presse à Genève.

La région a en effet été le théâtre de braquages armés perpétrés par des bandes venues de Lyon, de Grenoble et d’autres endroits de la région Rhône-Alpes proches de la frontière suisse. En novembre 2010, un gang a utilisé des mitraillettes et des explosifs pour s’attaquer à la Banque Migros de Thônex. Un hold-up semblable a eu lieu en décembre dernier à Collonge-Bellerive.

Ressources insuffisantes

 

La situation est considérée comme critique, car la frontière genevoise souffre, depuis des années, de sous-effectifs. Début février, Eveline Widmer-Schlumpf, ministre des Finances, a donné son feu vert au recrutement de 24 gardes-frontière supplémentaires. Vingt-quatre gardes ont en outre commencé une formation en janvier.

GaraNto, le syndicat du personnel de la douane et des gardes-frontière, estime que «cette décision va dans la bonne direction», mais qu’elle n’est de loin pas suffisante. Pour le syndicat, il faut 200 personnes supplémentaires, dont 60 pour la région de Genève.

«Le gouvernement ne prend pas au sérieux les propositions déposées au Parlement et ignore tout simplement les motions qui ont été acceptées», critique le secrétaire central de GaraNto André Eicher.

Le syndicat a reçu le soutien de politiciens de tous bords. La socialiste Maria Roth-Bernasconi par exemple, députée genevoise, mais aussi le Zurichois Hans Fehr, de l’Union démocratique du centre (droite conservatrice) ont déposé des motions demandant le recrutement de gardes-frontière supplémentaires.

Contraintes de budget

 

Entretemps, le gouvernement a déclaré vouloir «continuer à considérer les demandes de postes supplémentaires, de façon restrictive» étant donné les contraintes budgétaires.

Le directeur général des douanes, Rudolf Dietrich, défend la position du gouvernement. «Il ne me revient pas de faire pression sur le gouvernement», a-t-il déclaré devant les médias.

«Lorsque le gouvernement explique que 4500 personnes travaillent à l’Administration fédérale des douanes, pour un budget de 450 millions de francs, je ne peux pas dire que je n’ai pas assez d’effectifs… Je dois travailler avec ce que j’ai et améliorer la formation», explique Rudolf Dietrich.

Le directeur ajoute que Genève n’a pas été oubliée. «Il y a davantage de gardes-frontière dans cette région qu’il y a dix ans». Sur les 300 gardes en fonction dans la région genevoise, 124 sont affectés à l’aéroport de Genève pour le contrôle des passagers entrant ou sortant de l’espace Schengen.

Depuis le 12 décembre 2008 et l’adhésion de la Suisse à l’Espace Schengen, les contrôles systématiques de personnes entrant en Suisse en provenance d’un pays de l’espace Schengen ont été abolis. La coopération pour la lutte contre le crime transnational a été renforcée.

Des Suisses «riches et naïfs»

 

Un récent documentaire de l’émission Temps présent de la télévision suisse romande TSR, thématise l’attraction exercée par la Suisse sur les malfrats français. «La Suisse est un pays magique, dit le membre d’un gang devant la caméra. Il y a tout et il y a moins de sécurité qu’en France. Les Suisses sont naïfs et tout le monde est riche.»

Selon le documentaire, l’erreur a été de déployer trop de gardes-frontière à l’aéroport, au détriment des patrouilles mobiles à la frontière. «Nous n’oserons plus y aller si nous ne recevons pas des renforts, car vous ne pouvez lutter contre ces gangs», dit, dans le documentaire, un garde-frontière qui désire rester anonyme.

Le chiffre de sept gardes en fonction durant la nuit est confirmé officiellement. «Mais c’était avant 2008-2009, aujourd’hui nous avons entre 10 et 17 collègues qui travaillent dans 5 ou 6 patrouilles», explique Claude Meylan. De son côté, la responsable de la police cantonale genevoise, Isabel Rochat, revendique une coopération renforcée avec les forces de police et les douaniers français.

«En 2010, nous avons pu stopper plusieurs tentatives criminelles grâce à l’échange d’informations. Cela nous permet d’anticiper les braquages et de poursuivre les réseaux criminels», a-t-elle déclaré au quotidien Le Temps.

«Passé idéalisé»

Dans le documentaire de Temps présent, le chef de la police judiciaire du canton de Neuchâtel, Olivier Guéniat, critique le fait que l’on «idéalise le passé: avant Schengen non plus, tous les postes frontières n’étaient pas gardés. Les criminels passaient aussi la frontière et il y avait des hold-up à Zurich, Genève ou Neuchâtel commis par des mafias de Corse, de Marseille ou de Lyon. Nous n’avons jamais eu une frontière de type israélien ou mexicain…»

«La Suisse est une passoire et, en ce moment, la police et les gardes-frontière semblent invisibles. Les gens semblent traumatisés, apeurés et frustrés. Mais, dans le passé non plus, les criminels ne se sont pas arrêtés à la frontière – il est absurde d’imaginer qu’ils l’ont fait.»

L’espace Schengen compte 25 pays, pour la plupart des membres de l’Union européenne et trois pays membres de l’Association de libre-échange (AELE), l’Islande, la Norvège et la Suisse.

L’Angleterre et l’Irlande ont signé des accords sur la sécurité.

La Suisse a finalisé son adhésion en mars 2009, en équipant les aéroports de contrôles des passeports pour les pays non-membres de Schengen.

Un des éléments clés de la coopération est le système d’information SIS (Système d’information Schengen), qui permet aux polices de tout Etat membre de Schengen de contrôler si un suspect a été impliqué dans un délit.

Le Corps suisse des gardes-frontière (Cgfr) se décrit comme le bras armé et en uniforme de l’Administration fédérale des douanes (AFD) et est rattaché au Département fédéral des finances (DFF). Il est actif dans les domaines de la douane, de la police de sécurité et des migrations.

Le Cgfr compte environ 2000 gardes-frontières, dont 154 femmes, qui travaillent dans 91 points fixes et 35 unités mobiles le long des 1881 kilomètres de frontière.

Le Cgfr est aussi actif dans la lutte contre les contrefaçons et le marché d’armes illégales, de plantes et d’animaux.

Environ 350’000 véhicules ou 490’000 personnes (y compris 57’000 travailleurs frontaliers) traversent, en moyenne, la frontière franco-genevoise chaque jour.

En 2010, la police genevoise a fait état de 13 braquages de stations-service (18 en 2009, 12 en 2008). Dans la plupart des cas, les bandits s’enfuient vers la France.

La France et la Suisse sont séparées, dans le canton de Genève, par une frontière de 100 kilomètres de long. 46 postes de gardes-frontière y sont installés, la plupart n’étant pas surveillés.

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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