Emprisonnées sans procès ni recours: plus jamais!
Lors d'une cérémonie commémorative vendredi à Hindelbank, la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf a présenté les excuses de la Confédération aux mineures incarcérées sans procès dans le pénitencier bernois.
Entre 1942 et 1981, des milliers de jeunes ont été placés dans divers établissements et institutions suisses pour des motifs tels que mauvaise conduite, paresse au travail ou ivrognerie. Bon nombre ont été internées pour «mauvaises mœurs», c’est-à-dire grossesse hors mariage, et ont été obligées de donner leur bébé à l’adoption.
Ces mesures d’«internement administratif» sans jugement préalable étaient prises par diverses autorités tutélaires. Il n’y avait aucune possibilité de demander l’examen du cas par un juge et les installations n’étaient pas adaptées à de quelconques «mesures d’éducation».
C’était le cas au pénitencier du château de Hindelbank, où les internées n’étaient en fait pas séparées des détenues. Certaines ont été ainsi exclues de la société pendant des années et en portent encore le stigmate. Une vingtaine d’entre elles était présentes lors de la commémoration de vendredi au château de Hindelbank.
Mme Widmer-Schlumpf a présenté les excuses de la Confédération et appelé à ce que de telles pratiques ne se reproduisent jamais. «On vous a fait beaucoup de mal et nous ne pourrons jamais vous rendre votre jeunesse, a ajouté la ministre de la Justice. Nous ne sommes ni juges ni historiens, mais il s’agit pour nous de vous porter le respect qui vous a manqué et de vous offrir une réparation morale.»
Appel à la Justice et à la société
Trois anciennes internées ont décrit leur calvaire et expliqué comment elles s’étaient senties exclues de la société ou discriminées pour le reste de leur vie.
Comme Ursula Müller-Biondi, été enfermée à Hindelbank alors qu’elle avait 17 ans et était enceinte de cinq mois. «J’en appelle à la Justice et à la société : faites que cela ne se reproduise jamais!» a-t-elle lancé.
Elle restait en cellule de 18h30 à 6h30 et toute la journée pendant les weekends, n’en sortant que pour les repas et pour une promenade d’une heure dans la cour avec les détenues, dont certaines étaient condamnées pour meurtre.
Dix jours après la naissance de son fils, il lui a été enlevé pour être confié à une famille adoptive. Avant de lui être rendu trois mois plus tard, face à son insistance, mais toutes les autres jeunes mères n’ont pas eu la même chance. Ursula Müller-Biondi a été libérée après plus d’un an de détention et ets devenue enseignante et auteure à succès.
De son côté, Hans Hollenstein, vice-président de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales, s’est réjoui que cette pratique ne corresponde plus aux idées ni à la jurisprudence actuelles. «En tant qu’homme et au nom de la Conférence, je regrette ce qui est arrivé et je vous prie de bien vouloir l’excuser.»
«Je suis si heureuse»
Après la cérémonie, le soulagement et la joie des anciennes internées était palpable. «C’est fou, je me suis battue pour ce moment pendant dix ans et, tout à coup, tout s’est passé très vite, s’est émerveillée une Ursula Müller-Biondi rayonnante. C’est le plus beau jour de ma vie!»
Cela dit, il y a encore beaucoup à faire, a-t-elle ajouté. «Il y a des victimes qui sont restées des victimes. Pour elles, Hindelbank a été le terminus. Une fois sortie de prison, elles n’ont jamais pu mener une vie normale. Nous voulons les aider à rendre le passé plus supportable.»
Quant à d’éventuels dédommagements financiers, ils sont encore à discuter, a laissé entendre Mme Müler-Biondi.
De 1942 à 1981, des milliers de jeunes ont été ont été placés en «internement administratif» sans procès ni possibilité de recours.
Il suffisait pour cela d’une décision des autorités tutélaires pour grossesse hors mariage, mauvaise conduite, paresse au travail ou ivrognerie.
Il est difficile de déterminer le nombre de personnes concernées, car nombre d’archives ont été détruites.
Ces dernières années, de plus en plus de personnes concernées par ces mesures administratives sortent du silence pour évoquer cette injustice.
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)
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