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L’aide au suicide à la croisée des chemins en Suisse

L'aide au suicide sera une nouvelle fois d'actualité en 2011. Keystone

Après l’acquittement d’une doctoresse inculpée d’euthanasie active, le débat sur l’aide au suicide rebondit en Suisse. D’autant plus que le dossier est repris par une nouvelle ministre de la justice. Des votations cantonales auront lieu bientôt.

En décembre dernier, une doctoresse neuchâteloise, ancienne médecin cantonale, a été acquittée de l’inculpation d’euthanasie active pour avoir aidé une femme d’une quarantaine d’année dont la seule perspective était de mourir étouffée, en raison de sa maladie incurable, à mettre fin à ses jours.

Le Tribunal de Boudry, dont le verdict n’est pas encore définitif, a jugé que la doctoresse n’était pas coupable de «meurtre sur la demande de la victime», tel que le sanctionne l’article 114 du Code pénal, ni d’assistance au suicide avec mobile égoïste (art. 115). Selon la Cour, le vœu très clair de la patiente ne laissait d’autre choix à la doctoresse que celui d’agir comme elle l’a fait, par compassion.

Ce verdict a suscité de nombreuses réactions, majoritairement positives. La Conférence des évêques suisses (CES), qui a fait part de son inquiétude, est une des exceptions.

«Convaincue qu´il n’existe pas de situations de vie humaine qui, par définition, seraient indignes d´être vécues», la CES «rejette avec force l´idée qu’il y aurait, dans certaines circonstances, une nécessité d’aider à mourir et encore plus que celle-ci soit assignée comme tâche aux médecins.»

Interventions parlementaires

 

Ce verdict a aussi eu des conséquences politiques. Deux sénateurs romands ont déposé deux postulats complémentaires à l’intention du Conseil fédéral.

Le socialiste neuchâtelois Didier Berberat demande ainsi au gouvernement suisse d’«examiner, dans une étude, les diverses pistes qui permettraient de trouver des solutions aux problèmes posés par l’application de l’article 114 du Code pénal».

«Mon but n’est pas d’autoriser l’euthanasie active directe, explique l’auteur du texte. C’est d’ailleurs un cas de figure relativement rare. Il ne s’agit en aucun cas d’une euthanasie de confort ou de laisser un médecin agir lorsque quelqu’un a un chagrin d’amour…»

Conditions strictes

 

Didier Berberat énumère les restrictions possibles, qui sont déjà mentionnées dans des lignes directives de commissions d’éthiques: il faut que la personne désireuse de mourir soit atteinte d’une maladie incurable, qu’elle se trouve dans une phase terminale, qu’elle subisse des douleurs insupportables et qu’elle soit capable de discernement.

Ces conditions sont du reste considérées comme de justes motifs de recourir à un suicide assisté, selon les sondages réalisés en Suisse. «Au long des années, la proportion de personnes favorables ne change quasiment pas: à 3 contre 1, les Suisses sont favorables à l’aide au suicide», rappelle l’ancien médecin cantonal vaudois Jean Martin, membre de la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE).

Le dossier change de mains

 

L’ancienne ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf, qui vient de reprendre le Département fédéral des finances, avait toutefois voulu serrer la vis en proposant deux options – l’interdiction de ces organisations ou un contrôle très strict. Or le gouvernement a changé de mains, qui sont désormais celles de la socialiste bernoise Simonetta Sommaruga.

Le responsable de l’information de l’Office fédéral de justice Folco Galli ne peut encore se prononcer sur les changements à venir dans le dossier de l’aide au suicide. «Le travail suit son cours», indique-t-il.

Dans son postulat, l’écologiste vaudois Luc Recordon, également membre du Conseil des Etats (Chambre haute), vise lui aussi la surveillance des organisations. Il demande des solutions pour être sûr que l’assistance au suicide ne puisse devenir une activité commerciale.

Ne pas fermer la porte aux étrangers

 

Mais il demande aussi, et c’est plus rare, l’ouverture de l’assistance au suicide à des ressortissants étrangers, tels que la pratique l’organisation zurichoise Dignitas, ce qui vaut à cette dernière une vaste réprobation. «Quand l’avortement était interdit en Suisse, nous étions assez heureux de pouvoir aller à l’étranger», rappelle Luc Recordon.

S’il estime que l’aide au suicide est, «en général, abordée de façon convenable, le Vaudois pense en revanche qu’il serait judicieux de «concrétiser la nécessaire absence de motifs égoïstes, telle que formulée à l’article 115». Pour de nombreux procureurs suisses, cet article n’est pas assez précis pour empêcher les abus.

Jean Martin, qui participe à l’ouvrage collectif «Il n’y a pas de mort naturelle» faisant le point sur la question, n’est pas, à priori, opposé à mieux surveiller les mouvements financiers des organisations d’aide au suicide. «Les dons des personnes recourant à leurs services devraient par exemple être interdits», estime-t-il.

«Mais il ne faut pas non plus, poursuit-il, que cela débouche sur une multiplication es contrôles chicaniers et bureaucratiques qui empêcheront les citoyens de faire usage de leur droit de déterminer leur mort. Il ne faut pas diluer les responsabilités qui, en l’occurrence, échoient au patient et à son médecin, et non pas à un juge ou à une quelconque commission!»

Le 6 décembre dernier, le Tribunal correctionnel de Boudry a acquitté l’ancien médecin cantonal de Neuchâtel dans une affaire d’assistance au suicide. Cette femme était accusée d’avoir accompli le geste fatal envers une personne atteinte de sclérose latérale amniotrophique, une maladie incurable, et demandant à mourir.

Le tribunal a retenu la prévention d’homicide au sens de l’article 111 du Code pénal. Mais comme aucun doute n’est possible sur le consentement de la patiente, il a admis le caractère licite du geste accompli par l’accusée.

Selon le verdict, le Tribunal fédéral (TF) a déjà reconnu par le passé le caractère excusable d’un homicide si ce dernier répond à la nécessité de mettre fin à un martyre.

Dans le cas examiné par le tribunal, la patiente était paralysée au point de ne pouvoir passer elle-même à l’acte.

La ministre de la justice suisse Simonetta Sommaruga devra présenter prochainement un projet de réglementation des activités des organisations fournissant une assistance au suicide.

Les Chambres fédérales devront aussi se pencher sur plusieurs interventions. Le demi-canton de Bâle-Campagne a déposé une initiative cantonale demandant une meilleure surveillance de ces organisations.

Les conseillers aux Etats Didier Berberat et Luc Recordon ont déposé des postulats lors de la session de décembre. Le premier demande une étude sur les possibilités d’euthanasie active et le deuxième un contrôle, en tout cas financier, des organisations d’aide au suicide.

Les Zurichois se prononceront le 15 mai sur deux initiatives populaires voulant interdire ou restreindre l’aide au suicide.

Dans le canton de Vaud, les citoyens devront se prononcer sur une initiative demandant que les organisations d’aide au suicide puissent intervenir dans les homes et sur un contre-projet du Conseil d’Etat. La date de la votation n’est pas encore fixée.

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