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La lutte contre les faux médicaments prend forme

Les douaniers ne peuvent pas contrôler tous les médicaments qui arrivent en Suisse. Keystone

La «Convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires» sera adoptée début mai. Elle devrait permettre de freiner un marché illégal qui prend des proportions «effrayantes», selon un des experts réunis à Bâle.

Une «pierre angulaire», un «événement décisif»: les responsables de la Conférence internationale sur les contrefaçons de produits médicaux qui s’est tenue jeudi et vendredi à Bâle n’ont pas ménagé leur vocabulaire pour décrire l’importance des travaux réalisés.

Les 140 participants de 40 pays (sur 47) membres du Conseil de l’Europe et de nombreux autres observateurs du monde entier ont en effet mis sur les rails la future Convention dite «Medicrime». Ce texte doit permettre de lutter contre les produits médicaux falsifiés.

«Le commerce illégal de médicaments est en train de prendre des proportions effrayantes», a expliqué, lors de la conférence de presse finale, Kristian Bartholin, de la Division de droit pénal du Conseil de l’Europe. Les experts estiment que la moitié de tous les produits médicaux diffusés par Internet sont des falsifications.

Criminalité organisée

«On sait que cette criminalité est le fait de bandes organisées, liées notamment à la drogue», précise Joachim Gross, porte-parole Swissmedic, l’Institut suisse des produits thérapeutiques qui organisait la conférence de Bâle.

L’adoption de mesures de lutte contre cette criminalité est jugée urgente. «Les falsifications ne touchent plus seulement les produits amincissants ou contre l’impuissance, mais aussi, de plus en plus, des préparations contre le cancer. Les criminels réalisent des bénéfices plus grands qu’avec les stupéfiants…»

Les Etats signataires de la Convention (qui doit être adoptée le 10 mai) s’engageront à lutter contre tous les acteurs des falsifications. «Il ne s’agit pas seulement des producteurs, mais aussi des diffuseurs et des revendeurs», précise Karoline Mathys Badertscher, responsable de la surveillance du marché chez Swissmedic.

Les Etats devront adopter leurs outils légaux, ou en créer. En Suisse, la Loi sur les produits thérapeutiques, qui est en cours de révision, devrait permettre de sanctionner plus sévèrement les coupables.

Sanctions aujourd’hui faibles

«Des sanctions sont déjà possibles, précise Karoline Mathys Baderstscher. Mais elles sont faibles.»

Un vendeur illégal s’en sortira avec une amende de quelques milliers de francs ou devra restituer les bénéfices, pour autant qu’on puisse en prouver le montant. «Les sanctions sévères ne sont aujourd’hui possibles que si une victime porte plainte», ajoute la responsable.

Les Etats sont appelés à collaborer et à échanger les informations par le biais de réseaux de responsabilité réunissant autorités douanières, judiciaires et sanitaires. «Nous avons déjà un tel réseau en Suisse, explique Karoline Mathys Baderstscher. Cela nous a permis d’estimer que quelque 50’000 produits falsifiés sont importés chaque année illégalement par le biais d’Internet.»

Les appareils médicaux aussi

La falsification est volontairement l’objet d’une définition très large. La convention porte sur les «produits» (donc également les appareils) médicaux et les «crimes similaires». Il s’agit autant de médicaments contrefaits, que de faux documents d’autorisation ou de faux étiquetages, ou de médicaments corrects mais non autorisés.

En Suisse, aucun faux médicament n’a encore été trouvé sur le marché officiel. Mais en Angleterre, des médicaments falsifiés contre les trithérapies ont déjà été découverts en dehors d’Internet.

«C’est une question de temps avant que ce phénomène ne touche la Suisse, lâche Karoline Mathys Baderstscher. Nous avons un très bon système de contrôle des filières, mais on ne peut pas tout vérifier…»

A noter que la Convention sera aussi ouverte aux pays non membres du Conseil de l’Europe. L’Angola, le Brésil, Singapour et le Mexique ont participé à certains travaux de préparation.

«La Convention sera le premier instrument d’une collaboration internationale, se réjouit Karoline Mathys Baderstscher. Plus le nombre de pays signataires sera grand, plus la lutte sera efficace».

Ariane Gigon, swissinfo.ch, Bâle

Plus de 140 participants de près de 40 Etats, des représentants d’organisations internationales et d’instances du monde entier, se sont réunis à Bâle les 15 et 16 avril 2010 pour débattre de la mise en œuvre pratique de la future Convention MEDICRIME du Conseil de l’Europe.

La Convention MEDICRIME est le premier instrument international prévoyant l’incrimination de la contrefaçon de produits médicaux et des infractions similaires en vue de protéger la santé publique et instituant à cet égard un cadre de coopération internationale en matière pénale entre les Parties.

Selon les estimations des experts, la moitié des médicaments et produits médicaux commandés sur internet sont des contrefaçons potentiellement dangereuses pour la santé.

Les contrefaçons sont le fait de bandes de criminalité organisée qui y réaliseraient de plus grands bénéfices qu’avec les stupéfiants.

En Suisse, quelque 50’000 produits médicaux contrefaits sont importés chaque année.

Les produits médicaux concernés par la convention incluent les médicaments, les dispositifs médicaux ainsi que les principes actifs et les excipients employés dans la fabrication de ces produits.

La convention prévoit également des mesures préventives et des systèmes de traçabilité des produits médicaux.

La convention invite les Etats à prendre des mesures visant à protéger les droits des victimes, y compris leur droit à exiger des compensations de la part des responsables.

La Convention devrait être adoptée par le Comité des ministres le 11 mai 2010, jour où la Suisse remettra la présidence, puis être signée le 25 novembre lors de la Conférence des ministres des la justice à Istanbul.

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