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Les Suisses de France à l’heure de la présidentielle

L'ambassadeur Jean-Jacques de Dardel entouré des présidentes et présidents des associations suisses de France. swissinfo.ch

Les délégués de la «5e Suisse» en France se sont retrouvés ce week-end à Clermont-Ferrand pour leur congrès annuel. L’occasion d’évoquer des relations bilatérales pas toujours simples, mais aussi de souligner la reconnaissance toujours plus grande accordée par Berne à la diaspora.

Rude tâche pour les défenseurs de la Suisse en France. Rarement lors d’une campagne présidentielle, le petit voisin helvétique, ses évadés fiscaux et ses coffres-forts supposés regorger d’une manne détournée à l’Etat français, n’avaient été la cible d’autant d’attaques, émanant de la gauche comme de la droite de l’échiquier politique.

«En cette période électorale, nous sommes confrontés au quotidien à des clichés récurrents à l’égard de la Suisse et nous devons mener un vrai travail de pédagogue pour faire comprendre toute la complexité de notre pays à nos interlocuteurs», a relevé Jean-Michel Begey, président de l’Union des associations suisses de France (UASF), en marge du 54e congrès de l’organisation qui s’est tenu ce week-end à Clermont-Ferrand.

Petit clin d’œil du calendrier, le président-candidat Nicolas Sarkozy, qui a eu à plusieurs reprises des mots très durs à l’égard de la Suisse, tenait samedi dans le chef-lieu auvergnat un de ses derniers meetings de campagne. Avec leur propre sensibilité politique, sans se muer en représentants du gouvernement ou de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), les Suisses de France ont à cœur de vanter les mérites de leur démocratie directe et de leur système politique, a souligné le président de l’UASF, estimant toutefois que les attaques allaient certainement se tasser dès la fin de la campagne.

«Pas de contentieux particuliers»

Dans son discours d’introduction, le nouvel ambassadeur de Suisse en France Jean-Jacques de Dardel a tenu à relativiser la portée de cette agitation: «Les questions financières et fiscales occupent une grande place dans l’imaginaire collectif en période électorale, mais ne représentent pas le point fort de nos relations. Il n’y a pas de contentieux particuliers dans ce dossier, uniquement des mésententes sur la manière de fournir des requêtes et des demandes d’entraide administrative, qui relèvent du domaine technique».

S’employant à prendre le contre-pied de certains articles de presse, l’ambassadeur a estimé que l’image de la Suisse en France «s’est améliorée, à la faveur des échanges et de la mondialisation», jugeant toutefois qu’elle demeurait «incomplète et parsemée de présupposés, propices à la caricature». La France ne se rend pas assez compte du fait qu’elle a un partenaire précieux à sa porte dont elle pourrait tirer davantage profit, a-t-il tout de même regretté.

Pour pallier ce déficit d’image, l’ambassade veut agir de manière ciblée sur les leaders d’opinion, en développant notamment le réseautage d’anciens étudiants de hautes écoles suisses ou en organisant des cycles de conférences pour des personnalités triées sur le volet. Jean-Jacques de Dardel s’est réjoui d’être soutenu dans sa mission par le nouveau ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter, qui «souhaite redonner une priorité dans son action aux pays voisins de la Suisse».

Des bonnes nouvelles

A Clermont-Ferrand, il n’a pas été uniquement question de commenter l’état des relations bilatérales entre les deux pays. Délégué aux relations avec les Suisses de l’étranger, Jean-François Lichtenstern a fait le déplacement de Berne avec des bonnes nouvelles dans ses bagages. «Didier Burkhalter veut renforcer la cohérence de la politique à l’égard des Suisses de l’étranger et soutient la création d’une loi spécifique. C’est d’ailleurs un des premiers dossiers qu’il a emmanché lors de son entrée en fonction au début de l’année», a-t-il affirmé.

Réclamée de longue date par l’OSE, la nouvelle loi en gestation prévoit notamment la création d’un guichet unique, qui permettra à la diaspora de ne s’adresser plus qu’à un seul département fédéral (ministère) pour toutes ses demandes spécifiques. Jean-François Lichtenstern a relevé que ce projet était sur les bons rails, citant l’exemple du conseil à l’émigration ou de l’aide sociale pour les Suisses de retour de l’étranger, qui devraient prochainement être regroupés au sein du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

En matière de politique d’information à l’égard des Suisses de l’étranger, le représentant du DFAE a confirmé, qu’«après bien des turpitudes et des agacements», la Revue suisse serait à nouveau éditée six fois cette année. Et les budgets devraient permettre d’assurer le même service pour les années à venir. Il a également relevé qu’un mandat de prestations avait été signé avec l’OSE pour le soutien à la plateforme Swisscommunity, sorte de Facebook des Suisses de l’étranger, «un instrument indispensable pour renforcer les liens des Suisses de l’étranger entre eux et avec la Suisse».  

Une évolution «phénoménale»

Président de l’OSE, Jacques-Simon Eggly a quant à lui évoqué les «avancées significatives réalisées en matière de vote électronique» lors des dernières élections et votations fédérales. Malgré les réticences de certains cantons, l’introduction généralisée du vote par internet reste l’un des buts stratégiques visés par l’organisation, avec une échéance fixée à 2015, a-t-il souligné.  

Des nouvelles réjouissantes qui font dire à Jean-Michel Begey que la considération dévolue à la «5e Suisse» a évolué de manière «phénoménale» ces derniers mois. «La création de la Direction consulaire voilà un an a représenté une véritable bouffée d’oxygène pour les Suisses de l’étranger, même si la restructuration du réseau consulaire nous crée toujours des soucis.»

La cicatrice de la fermeture du consulat de Bordeaux en 2008 n’a en effet pas encore été totalement refermée chez certains Suisses du Sud-Ouest. Dans ce domaine, Jean-François Lichtenstern n’a pas pu rassurer l’assemblée: «Il faut s’attendre à une nouvelle vague de rationalisation. Une décision, dont je ne peux vous donner les détails, a été prise récemment dans ce sens par le Conseil fédéral».

Discriminés par les banques

Autre motif d’inquiétude, la question de la politique restrictive appliquée par certaines banques suisses à l’égard des expatriés. «Depuis environ un an, les deux grandes banques suisses facturent 40 francs de frais de tenue de compte par mois aux petits épargnants. Il s’agit là d’une véritable discrimination!», s’est offusqué Jean-Michel Begey. Jean-François Lichtenstern a indiqué avoir adressé une lettre à l’Association suisse des banquiers (ASB) pour relayer ces préoccupations.

L’OSE a quant à elle lancé une pétition de protestation sur son site internet, mais Jacques-Simon Eggly, qui a pris langue récemment avec les responsables de l’ASB, n’a pas caché son pessimisme: «Leur marge de manœuvre est étroite, car ils ne peuvent pas édicter des règles contraignantes dans un domaine qui relève de la liberté économique».  

La présence des Suisses en France est très ancienne. Ainsi, certains clubs, amicales ou associations ont atteint l’âge vénérable de 200 ans.

En 1958, au 36ème congrès de l’Organisation des Suisses de l’étranger à Baden, l’impulsion a été donnée en faveur du regroupement de ces organisations sur le modèle de ce qui se passait alors en Allemagne ou en Italie.

L’Union des Suisses de France, devenue par la suite Union des Associations suisses de France (UASF), a vu le jour officiellement en 1959 à l’Abbaye de Royaumont (Val-d’Oise, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris).

L’UASF rassemble aujourd’hui près de 70 organisations. A la fin du mois d’avril, chaque année, l’UASF organise un congrès de trois jours au cours duquel a lieu son assemblée générale.

Le dernier congrès a eu lieu à Clermont-Ferrand. Le prochain aura lieu à Lyon.

En 2011, 703’640 Suisses vivaient à l’étranger, soit près d’un Suisse sur dix.

La France héberge la plus grande communauté d’expatriés avec 183’754 personnes, soit 26,11% du total, devant l’Allemagne (79’050) et les Etats-Unis (75’637).

Selon l’ambassadeur Jean-Jacques de Dardel, en comptant les non-inscrits, près de 200’000 Suisses résident en réalité dans l’Hexagone.

Trois quarts des Suisses de l’étranger possèdent la double nationalité. Fin 2011, 143’288 Suisses de l’étranger étaient inscrits sur un registre électoral. 

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