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Des mesures «courageuses» pour lutter contre les addictions

La consommation d'alcool par habitant est en baisse mais l'ivresse ponctuelle augmente. Keystone

Plus de 11'000 décès et des coûts sociaux dépassant les 14 milliards de francs par an: en Suisse, alcool, tabac, drogues illicites et autres dépendances font des ravages. La Fondation Addiction Suisse réclame des mesures politiques «courageuses».

«Avec sa réglementation libérale et son pouvoir d’achat élevé, la Suisse offre des conditions idéales pour la vente et la consommation de substances psychoactives»: c’est ainsi que s’ouvre le Panorama des addictions 2019 publié mardi par Addiction Suisse, qui fait le tour d’horizon des tendances actuelles en matière de dépendances en Suisse.

Les coûts sociaux des dépendances à l’alcool, au tabac, aux drogues illégales et aux jeux de hasard s’élèvent à 14 milliards de francs chaque année, note la fondation, qui se base sur les chiffres de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan). Plus de la moitié de cette somme – les coûts indirects – est supportée par la société, souligne l’Obsan.

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A eux seuls, l’alcool et le tabagisme sont responsables de plus de 11’000 morts chaque année, relève Addiction Suisse. Le tabagisme est particulièrement meurtrier, avec près de 9500 morts par an, soit 15% du total des décès. Parmi les maladies associées aux décès liés au tabac figurent les cancers (42%) et les maladies cardiovasculaires (39%).

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ALCOOL

Aujourd’hui, environ 250’000 personnes sont alcoolodépendantes en Suisse, dont un cinquième présente une consommation à risque, indique Addiction Suisse. La consommation d’alcool par habitant s’affiche en légère baisse ces dernières années, pour atteindre 7,8 litres d’alcool pur par personne en 2017, ce qui correspond à 55 litres de bière, 33 litres de vin et 3,6 litres de spiritueux.

Mais selon la fondation, ce recul cache une augmentation de l’ivresse ponctuelle – qui correspond à la consommation de cinq verres d’alcool ou plus au moins deux fois par mois chez les hommes, quatre verres ou plus chez les femmes. Ce type de consommation s’est stabilisé à haut niveau après deux décennies de nette hausse.

Pour résoudre ce problème, en plus de la prévention, il faut agir sur l’offre, selon Addiction Suisse. «Restreindre l’accès à l’alcool, disponible aujourd’hui partout et en tout temps à bas prix, permettrait de réduire la consommation problématique», estime le rapport. Ce dernier déplore toutefois que la Suisse mise sur la «dérégulation» du marché, «en contradiction avec la position de l’Organisation mondiale de la santé et avec les évolutions dans d’autres pays». 

Addiction Suisse

TABAC

«La Suisse reste le paradis de la nicotine», affirme Addiction Suisse. Cela fait près de sept ans que le taux de fumeurs a cessé de baisser, stagnant aux alentours de 25% de la population de plus de 15 ans, note la fondation. Le nombre de cigarettes industrielles vendues continue toutefois à baisser, certes très légèrement, du fait de la diminution du nombre de cigarettes par fumeur et de l’augmentation de la consommation de tabac en vrac.

Parallèlement, le marché se diversifie avec l’essor de la cigarette électronique et des produits sans combustion, qui chauffent le tabac sans le brûler. Ces modes de consommation – apparemment moins nocifs que la cigarette – restent néanmoins confidentiels en regard des produits classiques. 

En matière de lutte contre le tabagisme, Addiction Suisse dénonce le «pas en arrière» que constitue la nouvelle version de la loi sur les produits de tabac présentée au Parlement à la fin 2018. Elle regrette en particulier l’abandon des restrictions de la publicité, «pourtant souhaitées par la population» selon la fondation. Cette mesure figurait dans la première mouture du projet rejetée en décembre 2016.

Pour Addiction Suisse, la Suisse devrait faire preuve de «courage» et adopter des mesures fortes dans la lutte contre le tabagisme, à l’image de celles mises en place en France: hausse des prix, introduction du paquet de cigarettes neutre, soutien à l’arrêt du tabac. «De nombreux indices suggèrent que cette politique porte ses fruits en matière de santé publique», assure la fondation.

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DROGUES ILLICITES

Le cannabis est la substance illicite la plus consommée en Suisse. Alors que la situation évolue rapidement à l’étranger, avec de nombreux pays ou régions qui légalisent sa consommation, le débat sur cette question «tourne en rond» chez nous, déplore Addiction Suisse. La fondation espère toutefois que le projet d’essais pilotes de vente de cannabis légal ne sera pas abandonné.

En ce qui concerne l’héroïne, entre 1,8 et 2,5 tonnes sont consommées chaque année en Suisse, et les prix sont beaucoup plus bas qu’il y a 20 ans. Mais c’est surtout la consommation de cocaïne qui est préoccupante. Selon une étude récente menée dans le canton de Vaud, le marché helvétique «pourrait représenter environ cinq tonnes par année pour des revenus de l’ordre de 330 millions de francs».

Loin de n’être que des marginaux ou des fêtards, les consommateurs sont de plus en plus souvent des personnes bien intégrées socialement, qui utilisent la cocaïne pour doper leurs performances, notamment dans le cadre professionnel. La prévention auprès de ces personnes est plus difficile. C’est pourquoi les milieux de la prévention misent beaucoup sur des outils moins conventionnels comme la plateforme d’aide en ligne safezone.ch.

>> Le reportage du 19h30 sur cette question:

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MÉDICAMENTS

Les Etats-Unis font actuellement face à un explosion du nombre d’overdoses liées aux antalgiques opioïdes. Ces antidouleurs particulièrement puissants y ont fait 49’000 décès pour la seule année 2017. La Suisse, elle, est épargnée par le phénomène. La consommation de médicaments opioïdes a néanmoins crû fortement entre 1985 et 2015, selon une étude publiée dans la Revue médicale suisse. A noter cependant que cette étude inclut la méthadone, utilisée comme produit de substitution à l’héroïne.

Par ailleurs, environ 200’000 personnes prennent quasi quotidiennement des somnifères ou des tranquillisants durant plus d’un an. Cette consommation, bien que stable, doit être surveillée en raison des risques élevés de dépendance, note Addiction Suisse. L’usage des psychostimulants, en particulier le boom de son usage non médical comme dopage cérébral chez les jeunes, inquiète également les milieux de la prévention.

JEUX D’ARGENT

Casinos, loteries, jeux en ligne: le marché des jeux d’argent en Suisse est extrêmement dynamique. Ainsi, quelque 1,15 million des Suisses jouent régulièrement, ce qui représente près de 17% de la population de plus de 15 ans. Parmi eux figurent 76’000 joueurs excessifs, selon une étude datant de 2014.

Alors que le coût social du jeu excessif est estimé entre 551 et 648 millions de francs chaque année, les milieux de la prévention déplorent que la nouvelle loi sur les jeux d’argent, acceptée l’an dernier par le peuple, «n’accorde pas suffisamment d’importance à la protection des joueurs». Ils réclamaient notamment une taxe sur tous les jeux d’argent pour financer la prévention, mais n’ont pas été entendus.

Addiction Suisse


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