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L’Allemagne associe la Suisse aux célébrations de la Réforme

Wittenberg, petite ville du centre de l'Allemagne où Martin Luther a prêché de 1512 jusqu'à sa mort en 1546. swissinfo.ch

Il y a près de 500 ans, Martin Luther déclenchait la Réforme en affichant ses 95 thèses contre le commerce des indulgences. L'Allemagne fêtera largement cet anniversaire l'an prochain. La contribution des réformateurs suisses Zwingli et Calvin figure en bonne place dans les célébrations.

Le portrait d’Ulrich Zwingli se retrouve même en Une d’une des brochures centrales de cette année de jubilé. «Les gens croient que c’est Luther, mais c’est bien Zwingli. On le reconnaît à son couvre-chef», indique Christof Vetter. Le pasteur et ancien porte-parole de l’Église évangélique en Allemagne (EKD) coordonne les célébrations et leur promotion. C’est un projet de taille: son équipe compte désormais prüs de 70 collaborateurs et de collaboratrices.

Le portrait de ZwingliLien externe montre le réformateur lors de son premier prêche au Grossmünster de Zurich le 1er janvier 1519. En arrière-fond, on distingue la tour de la télévision de Berlin. C’est une manière de dire que la Réforme Lien externen’est pas qu’une affaire allemande et que son influence est toujours actuelle.

Elle a éclaté il y a un demi-millénaire presque simultanément dans plusieurs régions d’Europe, ce qui lui a conféré une force incroyable. Luther a utilisé ses contacts pour la diffuser et, dès leur publication en 1517, il a envoyé ses thèses à l’Université de Bâle. Finalement, la question de la communion devait séparer les réformateurs suisses et allemands. En 1529, Luther et Zwingli se sont encore rencontrés à Marbourg, mais n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur ce point.

Collaboration transfrontalière

La compréhension est bien meilleure aujourd’hui. Les églises réformées allemandes collaborent depuis longtemps avec leur pendant en Suisse. «Les relations sont très étroites et il n’y a aucun problème», souligne M. Vetter.

En Suisse, les célébrations de la Réforme auront lieu en 2019, 500 ans après le prêche de Zwingli au Grossmünster. Mais les Suisses sont déjà bien présents pour l’année Luther en Allemagne qu’ils utilisent aussi pour lancer leurs propres célébrations.

La collaboration par-dessus les frontières se manifeste également dans une nomination: la théologienne suisse Christina aus der Au assurera en 2017 la présidence du Kirchentag, les journées de l’église protestante allemande qui se tiendront à Berlin et à Wittenberg. «Un très bon choix», relève Christof Vetter. Également parce que la théologienne est convaincue que Luther n’a pas été le seul acteur de la Réforme, mais qu’elle a aussi été nourrie par ses contemporains helvétiques.

La Réforme voyage

Le point de départ du tour européen de la RéformeLien externe ne laisse guère de doute à cet égard: la grande exposition mobile du jubilé partira le 3 novembre prochain de Genève, qui est aussi le siège du Conseil œcuménique des églises. Au cours de sa traversée du continent, elle fera étape dans 86 lieux étroitement liés la Réforme. En Suisse, le camion s’arrêtera à Lausanne, Neuchâtel, Coire et Berne, Bâle, Zurich et Wildhaus. En tant que coorganisatrice, la Suisse sera également aux commandes.

«Des histoires en voyage», remarque M. Vetter en étalant la carte sur la table. La route mènera de Suisse jusqu’en Scandinavie et de la France à la Pologne, en passant par la Grande-Bretagne et l’Italie. Le convoi ne se contentera pas de présenter des bouts d’histoire, mais rassemblera au cours de son périple les histoires que lui raconteront les gens. A chaque étape, des manifestations seront organisées pour faciliter les discussions. L’église cherche le dialogue et souhaite identifier ce que les protestants d’Europe ont en commun.

«La Réforme n’est pas finie», dit M. Vetter. Ce message est pour lui très important et il se répètera comme un fil rouge tout au long de l’année de célébration. Luther, Zwingli et CalvinLien externe sont toujours actuels. Ils ont montré que des hommes simples pouvaient par leurs actions changer fondamentalement la société.

«Aujourd’hui comme hier, la Réforme nous incite à prendre nos responsabilités et à remettre le monde en question», estime Christof Vetter. C’est aussi pourquoi les protestants allemands tenaient à des célébrations œcuméniques et passant les frontières. A ce titre, le convoi fera aussi étape à Rome, le centre du catholicisme.

Wittenberg, la ville de Luther

Le tour s’achèvera en mai 2017 à Wittenberg, la petite ville du centre de l’Allemagne où Martin Luther a nourri ses convictions et prêché de 1512 jusqu’à sa mort en 1546. C’est là aussi qu’il a publié les thèses qui ont ébranlé la chrétienté. Cette ville, située à une centaine de kilomètres au sud de Berlin, se prépare fiévreusement pour le grand rendez-vous.

Martin Luther est aussi considéré comme le père de l’allemand moderne. swissinfo.ch

Il y a deux ans encore, elle n’était qu’un vaste chantier. Des échafaudages dissimulaient les principales églises où les touristes ne pouvaient pas entrer. Maintenant encore, il faut regarder entre des palissades pour apercevoir les portes de l’église de la Toussaint sur lesquelles le moine récalcitrant aurait affiché ses thèses il y a 500 ans. Parfois, des groupes en visite guidée s’y faufilent pour aller regarder la nef de l’église, presque entièrement rénovée.

La réouverture officielle de l’église aura lieu le 2 octobre en présence du président allemand Joachim Gauck. Et, au printemps prochain, le 28 mai 2017, de centaines de milliers de protestants sont attendus pour un service religieux en plein air aux portes de Wittenberg.

Ex-Allemagne de l’Est

Considérée comme l’épicentre de la Réforme, Wittenberg se trouve sur le territoire de l’ancienne Allemagne de l’Est, comme de nombreuses autres villes associées à ce mouvement. Le nom de Luther n’y était pas banni, mais il n’était pas non plus en odeur de sainteté chez les tenants du socialisme athée. Pourtant, lors du 500e anniversaire de sa naissance en 1985, les deux Allemagnes ont rivalisé dans les hommages à cette grande figure historique, raconte Astrid Mühlmann. De son bureau situé à l’arrière de la Maison Luther, cette native de Wittenberg dirige depuis l’an dernier le secrétariat de « Luther 2017 ». C’est ici que la partie profane des manifestations est planifiée et coordonnée avec les manifestations de l’église.

C’est grâce à la réunification que la ville de Luther peut faire bonne figure pour ces célébrations. « Elle est arrivée juste à temps », remarque Mme Mühlmann, « sinon, bien des choses ici se seraient tellement délabrées qu’il aurait été impossible de les rénover ». Le nom de Luther a suscité d’énormes investissements et attire des touristes du monde entier.

Pour leur part, les réformateurs suisses sont déjà présents depuis longtemps à Wittenberg: des médaillons de Zwingli et de Calvin ornent depuis 1893 la tribune de l’orgue dans la galerie en l’honneur des réformateurs de l’église de la Toussaint où sont enterrés Luther et Melanchthon. 

Toujours actuel après 500 ans

Martin Luther a beaucoup voyagé et il a prêché et enseigné en de nombreux endroitsLien externe qui lui rendront hommage l’an prochain. Il ne sera pas seulement célébré comme réformateur, mais aussi comme une sorte de révolutionnaire car la Réforme n’a pas bouleversé que l’église. Elle a marqué la fin du monde tel qu’on le voyait au Moyen-Âge et le début de l’époque moderne dans la pensée occidentale.

Les réformateurs ont mis l’accent sur la conscience individuelle et la responsabilité de chacun devant dieu. En privilégiant l’autorité de la conscience sur celle de la hiérarchie catholique, ils ont aussi jeté les bases de la pensée démocratique.

Luther est aussi considéré comme le père de l’allemand moderne. Au cours de sa réclusion dans le château de la Wartbourg, il a traduit la bible latine dans sa langue maternelle, la rendant plus accessible au peuple et engageant un processus d’unification des dialectes parlés dans les régions.

Bien que son antisémitismeLien externe ternisse sa renommée, il a conservé toute son influence. Les villes luthériennes allemandes et les lieux qu’il a marqués profitent toujours de son rayonnement. Le château de la Wartbourg, près d’Eisenbach, est l’une des destinations touristiques les plus prisées d’Allemagne.

Traduction de l’allemand: Olivier Hüther

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