Sept officiers accusés de génocide à Srebrenica
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a condamné sept hauts responsables de l’armée et de la police des Serbes de Bosnie pour le massacre de Srebrenica. L’expert Pierre Hazan s’en félicite mais reste «dubitatif» sur l’élargissement du concept de génocide.
Les juges du TPIY ont réaffirmé qu’un génocide avait bien été perpétré en juillet 1995 à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine.
Deux des sept accusés, le lieutenant-colonel Vujadin Popovic et le colonel Ljubisa Beara ont été reconnus coupables de génocide et condamnés à la perpétuité. Les cinq autres, coupables de crimes contre l’humanité, ont écopé de peines de 5 à 35 ans de prison. Dans un jugement de 300 pages, les juges reviennent par le détail sur le massacre de Srebrenica.
Selon eux, l’attaque avait été planifiée dès le mois de mars 1995 et avait été ordonnée par la Directive n°7 – l’une des 5300 pièces à conviction déposées au cours des trois ans de procès – émises par l’ex chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic. Elle ordonnait aux officiers de «créer des conditions de vie (…) sans espoir de survie pour les habitants de Srebrenica et Zepa.»
De nouveaux charniers
Lancée début juillet 1995, la prise de l’enclave, censée être protégée par un bataillon néerlandais de l’ONU, avait été suivie de la déportation des femmes et des enfants de moins de 16 ans vers des zones bosniaques. Les hommes, tous musulmans, avaient été emprisonnés puis exécutés sur plusieurs sites des régions de Srebrenica et Zepa.
S’appuyant sur les expertises médico-légales, les juges ont très précisément établi que 7826 hommes avaient été tués. Ils ont cependant précisé que ce chiffre pouvait changer, car de nouveaux charniers sont régulièrement découverts. Ce chiffre prend toute son importance dans la région, alors que l’ampleur du massacre est encore aujourd’hui contestée, notamment dans l’entité des Serbes en Bosnie-Herzégovine.
L’intention de détruire…
A ce jour, 21 personnes ont été jugées par le tribunal pour le massacre de Srebrenica. Mais seul le général Radislav Krstic avait été reconnu coupable de «complicité de génocide», même si les juges avaient établi que le massacre était un génocide, c’est-à-dire commis dans l’intention de détruire la population musulmane de Srebrenica. Le jugement du TPIY réaffirme donc plus fortement encore qu’un génocide a été perpétré.
Pierre Hazan, chercheur et écrivain, reste cependant «dubitatif». «Je crois que l’on assiste à un élargissement de cette notion de génocide, explique-t-il. La Cour pénale internationale avait inculpé le président soudanais pour crime de génocide [les juges ont cependant rejeté cette inculpation], alors qu’il y a 2 millions de Darfouris qui ont trouvé refuge près des villes de garnison.
On assiste à une inflation, et à terme, cela crée une perte de sens. Reconnaître que des crimes contre l’humanité ont été commis est déjà assez terrible.» Pour Pierre Hazan qui enseigne la justice postconflictuelle à l’Université de Genève et à l’Institut de hautes études internationales et du développement «ce qui est fondamental, c’est que l’histoire de Srebrenica est aujourd’hui connue et reconnue, puisque même le parlement serbe reconnait le travail du TPIY».
La réussite du TPIY
Depuis sa création par le Conseil de sécurité en 1993, le tribunal a bouclé 123 procès contre de hauts responsables des guerres d’ex-Yougoslavie. Parmi eux, plusieurs accusés ont plaidé «coupable»
«Sur le site du TPIY, il y a une dizaine de témoignages, entendus dans les procès, et qui ont été mis en ligne, explique Pierre Hazan, et parmi eux, on peut y voir qu’une quinzaine d’accusés reconnaissent leur responsabilité dans les crimes qu’ils ont commis eux même, et expriment leur remords et leur repentance».
«Je crois que le TPIY a réussi son mandat initial, qui consistait à pointer du doigt et trouver les responsables des pires crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie. C’est un résultat qui était inconcevable lorsque le TPIY a été créé, tant il suscitait de réserves. Finalement, toutes les républiques de l’ex-Yougoslavie ont reconnu le travail fait et y ont souscrit. Il y a une reconnaissance des crimes qui est porteuse d’avenir», précise-t-il encore.
Ratko Mladic toujours en fuite
Deux autres procès capitaux concernant Srebrenica sont encore attendus. Ceux des supérieurs hiérarchiques des sept hommes condamnés aujourd’hui, l’ex chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, en procès depuis octobre 2009 et l’ex chef militaire, Ratko Mladic.
Ce dernier est toujours en fuite, malgré les pressions de l’Union européenne sur les autorités serbes pour son arrestation. Début 2010, la police serbe a découvert, au cours d’une perquisition à son domicile de Belgrade, un carnet de notes manuscrites, de près de 3500 pages, couvrant toute la période de la guerre en Bosnie (1991-1995).
Stéphanie Maupas à La Haye, swissinfo.ch
Etabli par le Conseil de sécurité des Nations unies en 1993, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a, à ce jour, bouclé des procès contre 123 accusés parmi lesquels des ministres et des officiers supérieurs. Trente-huit autres accusés sont toujours en procès.
Le TPIY est chargé de poursuivre les «plus hauts responsables» des crimes commis pendant les guerres de Croatie, de Bosnie, du Kosovo et lors de soulèvements en Macédoine.
Les exécutants sont eux jugés dans les pays de l’ex-Yougoslavie, notamment en Bosnie où a été mise en place une chambre spéciale crimes de guerre.
Le procès contre les sept officiers et policiers accusés pour les crimes de Srebrenica a duré trois ans, au cours desquels 315 témoins ont déposé.
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