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Le chant du cygne du Salon automobile de Genève

Voiture couverte de jaune au Salon de l'automobile de Genève
Renault est le seul constructeur automobile traditionnel à avoir fait le déplacement à Genève pour y présenter un nouveau modèle. KEYSTONE/© KEYSTONE / MARTIAL TREZZINI

Après trois annulations et une délocalisation au Qatar, le Salon de l’automobile de Genève a retrouvé ses terres. Mais la voilure a été fortement réduite pour cette édition du renouveau, qui a ouvert ses portes au public ce mercredi. Dès lors, à quoi s’attendre pour l’avenir? Lors de la journée réservée aux médias, le verdict était sans appel.

«On ne se voit plus qu’aux enterrements», me dit un collègue de longue date en me saluant avec un sourire amical. L’humour noir est devenu un lieu commun dans le journalisme automobile. Depuis des années, c’est la crise. Dans les groupes de médias comme dans les groupes automobiles, la numérisation bouleverse tout.

On s’est habitué aux adieux. Et maintenant donc le GIMS, le Geneva International Motor ShowLien externe, ou le «Salon», comme on disait dans les bonnes années. Juste avant la pandémie, cet événement attirait encore 600’000 personnes. Mais pour cette édition 2024, on n’en attend que 200’000.

Mon collègue, l’un des journalistes automobiles les plus connus de Suisse, reste dubitatif. «Je ne peux pas vraiment m’imaginer qu’on attend autant de monde pour quelques stands», dit-il en montrant la petite halle.

Reportage sur l’ouverture au public dans le Téléjournal de la RTS du 27 février 2024

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Millionnaires en bras de chemise

Le Salon de Genève était autrefois un rendez-vous incontournable où se retrouvait le gotha de la branche. Il y avait des événements opulents la veille du salon, avec une gastronomie étoilée, des célébrités de la musique, du cinéma et du sport. Les présidents de conseils d’administration tiraient des bières aux membres de la presse internationale. On donnait alors à ce monde de papier glacé un air de famille. Et les journalistes du monde entier appréciaient la disposition compacte du site d’exposition et le fait de ne pas être exténué après la visite.

Et maintenant? Parmi les constructeurs établis, seul Renault est encore là, tous les autres ont annulé. «C’est dommage, mais c’en est sans doute terminé avec le salon», affirme un journaliste espagnol qui est en train de tourner un reportage sur la petite voiture électrique Renault 5, la grande première de Genève. «Je n’ai rien contre cette voiture, mais qui va se déplacer pour elle?», déclare-t-il.

Voiture électrique branchée
En première à Genève: la Renault R5 E-Tech. KEYSTONE/© KEYSTONE / MARTIAL TREZZINI

Cette affirmation est un brin exagéré. À côté, Dacia, filiale de Renault, présente la nouvelle génération du SUV économique Duster. Un étage plus haut, dans un décor triste, sont exposés de magnifiques objets prêtés. Des bizarreries comme la Matra Simca Rancho de 1977, pour ainsi dire le «Néandertal» des SUV actuels. Ou des classiques avec un potentiel de séduction comme l’Aston Martin DB 4 Vantage de la collection de l’importateur automobile suisse Emil Frey.

Mais ce sont surtout les Chinois qui sont présents cette année: MG Motors et BYD, le plus grand constructeur de voitures électriques au monde. Leur message est clair: les constructeurs chinois veulent s’implanter en Europe et y rester.

Reportage sur le dynamisme des constructeurs chinois dans la Téléjournal de la RTS du 26 février 2024

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Dans un contexte de protectionnisme croissant du marché, cela signifie aussi faire des concessions. L’histoire se répète à l’envers: alors que les constructeurs automobiles américains et européens devaient autrefois construire des usines en Chine pour accéder au marché, BYD investit aujourd’hui massivement en Europe, construit une usine en Hongrie et sponsorise l’Euro 2024. L’UEFA a même apporté la coupe à Genève pour une photo avec ses partenaires chinois.

Les hiérarchies du marché automobile ne sont plus ce qu’elles étaient. «Le Geneva Motor Show est de retour et complètement transformé. Le vide a été comblé par les Chinois», dit en anglais un jeune Allemand face à une caméra. Il s’emmêle les pinceaux, tourne encore une fois, puis une autre, jure. Il tient dans sa main un microphone avec le logo CGTN, China Global Television Network.

Deux voitures sur un stand d'un salon automobile.
Copier et être copié: le constructeur chinois BYD a présenté deux nouveautés à Genève. Le U8 de la sous-marque Yangwang rappelle fortement un Land Rover Defender. KEYSTONE/© KEYSTONE / Cyril Zingaro

Les montres à la place des voitures

En 2023, la marque Geneva International Motor Show s’est rendue au Qatar. Avec l’argent de l’État du Golfe, les Genevois ont organisé un événement illustre juste avant la course de F1 qui s’y déroulait. Si l’on en croit Sandro Mesquita, directeur général de l’organisation du salon, la marque devrait être visible tous les deux ans à Doha. Le contrat porte sur cinq salons et dix ans. Mais que se passera-t-il à Genève? Sandro Mesquita n’a pas répondu à une liste de questions de swissinfo.ch à ce sujet.

L’interview de Sandro Mesquita dans le Téléjournal de la RTS du 27 février 2024

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Andreas Burgener, directeur d’Auto SuisseLien externe, l’influente organisation faîtière des importateurs suisses d’automobiles, fait preuve d’un optimisme de circonstance. «Le retour du Salon de l’auto de Genève est l’occasion pour le salon de se réinventer. Nous nous trouvons au milieu de la plus grande transformation de la branche, avec des propulsions alternatives, une numérisation progressive et des véhicules hautement automatisés», indique-t-il. Le bilan sera tiré le 3 mars, date de la fin des journées ouvertes au public.

En 1905, le premier Salon national de l’automobile et de la bicyclette se tient dans un bistrot du boulevard Georges-Favon à Genève. Les débuts ne sont pas forcément couronnés de succès. En raison du climat anti-automobile qui règne à Genève, l’exposition doit être déplacée à Zurich en 1907. La percée n’a lieu qu’en 1923, lorsque la quatrième exposition attire tellement de visiteurs que Genève décide de créer un comité permanent pour l’organiser.

Le premier Salon international de l’automobile, du motocycle et du deux-roues se tient en 1924. Le mot «international» est important, car il marque un changement dans les attentes. L’événement se développe et prospère jusqu’à l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Après le retour du Salon de l’automobile en 1947, l’événement appuie sur la pédale d’accélérateur: en 1948, le nombre de visiteurs s’élève à 200’000, puis à 300’000 en 1960. Le Salon devient peu à peu trop grand pour le centre de Genève.

En 1982, il déménage dans le nouveau Palais des Expositions et des Congrès de Genève (PalexpoLien externe), un complexe d’exposition moderne situé à proximité de l’aéroport, ce qui accroît encore sa popularité. En 2005, le Salon enregistre une affluence record de 747’700 visiteurs.

L’affluence reste ensuite stable jusqu’en 2019 avec entre 600’000 et 700’000 visiteurs par édition. C’est alors que survient la pandémie. Le Salon est annulé en 2020, 2021 et 2022. En 2023, il revient, mais au Qatar, avec un événement parallèle au Grand Prix de Formule 1 du Qatar.

De son côté, Genève a digéré depuis longtemps la fin possible du Salon. Boris Fernandez, du Département de l’économie et de l’emploi (DDE) du canton, écrit qu’il se réjouit du retour de cet événement important, qui donne à la ville et à la région une visibilité internationale.

Toutefois, Genève s’est bien portée ces derniers temps, même sans le GIMS: l’industrie hôtelière a établi un nouveau record de nuitées en 2023, avec 7% de réservations en plus par rapport à l’année précédant le GIMS, soit 2019. Selon Boris Fernandez, le salon Watches and Wonders a généré une valeur ajoutée locale d’environ 200 millions de francs, soit à peu près la même chose que l’ancienne formule du Salon de l’automobile.

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Le cours des choses

On peut faire tout ce qu’il faut et échouer. Comme pour le Salon, on peut à juste titre se demander si certains exposants seront encore là dans quelques années. C’est le cas de Lucid Motors. Avec de nombreux ingénieurs de Tesla à son bord, le constructeur américain de voitures électriques tente de copier le succès d’Elon Musk.

Cependant, malgré une autonomie record, les ventes de ses voitures électriques de luxe sont en baisse et les pertes immenses. Avec une stratégie commerciale à la californienne, Lucid met environ 400’000 dollars de sa poche pour chaque voiture vendue, dans un environnement économique où les taux d’intérêt sont nettement plus élevés que ceux avec lesquels Tesla s’est développé.

Le stand de la marque Lucid au Salon de l'automobile de Genève
Le stand de la marque Lucid. KEYSTONE/© KEYSTONE / Cyril Zingaro

Comme GIMS, Lucid a également trouvé de l’argent frais au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite est intervenue et, en retour, la première usine de production en dehors des États-Unis a été inaugurée à Jeddah. La «meilleure voiture électrique du monde», comme Lucid se présente à Genève, sortira de la chaîne de montage de l’État pétrolier.

Contradictions. Contrariétés. Les deux sont évidentes à Genève. Des espaces du centre d’exposition ont été occupés par les solides associations suisses de transport. Le bar du Touring Club Suisse, la plus grande organisation automobile de Suisse, sert un cappuccino aqueux, tandis qu’à côté, le directeur de MG Motors parle de l’intégration complète de l’intelligence artificielle dans les véhicules.

Certaines choses rappellent encore le passé. Les superlatifs, la musique pompeuse, les hôtesses au stand Kimera, mais les présentations ne remplissent même pas la moitié de la journée de presse. L’agitation et le stress d’autrefois ont disparu. «Tu te souviens qu’il fallait toujours jouer des coudes pour passer ici?», dit un journaliste à la retraite à sa compagne en quittant les pavillons de Palexpo. «C’était le bon temps!», lui répond-elle.

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Texte relu et vérifié par Balz Rigendinger, traduit de l’allemand par Olivier Pauchard/sj

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