Tests obligatoires en cas d’expulsion ou de renvoi
(Keystone-ATS) Les personnes renvoyées ou expulsées devraient pouvoir être soumises à un test Covid-19, y compris contre leur gré, si leur départ de la Suisse en dépend. Le Conseil national a soutenu mardi ce projet du gouvernement, par 119 voix contre 65.
De nombreux pays d’origine ou Etats de l’espace Dublin exigent un test négatif pour réadmettre les personnes renvoyées de Suisse. Les compagnies aériennes n’acceptent souvent que des passagers testés négatifs.
De plus en plus de personnes refusent ces tests facultatifs pour éviter d’être renvoyées, a expliqué Isabelle Moret (PLR/VD) pour la commission. Cela entraîne une hausse des coûts dans les aides d’urgence et la détention administrative.
Il n’y a pas de base légale pour l’instant pour imposer des tests Covid, a ajouté Marianne Binder-Keller (Centre/AG). Et de souligner une hausse des refus de se soumettre à ces tests pour repousser l’expulsion, 22 en avril contre 126 fin août. On parle d’une multiplication par six, a relevé Karin Keller-Sutter.
Atteinte aux droits fondamentaux
Une minorité de gauche a proposé en vain de ne pas entrer en matière. « C’est une atteinte à la liberté personnelle et à l’intégrité corporelle », a avancé Samira Marti (PS/BL). Le principe de proportionnalité n’est pas respecté selon elle.
Pour Greta Gysin (Verts/TI), cette mesure pourrait constituer une violation de la Convention européenne contre la torture, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants.
Andri Silberschmidt (PLR/ZH) a estimé au contraire qu’il ne s’agit pas d’une atteinte aux droits fondamentaux. Les étrangers qui doivent quitter la Suisse sont tenus de collaborer et se soumettre à un test Covid-19 fait partie de cette obligation, selon lui.
Type de test le plus favorable
Selon le projet gouvernemental, les cantons seront chargés d’ordonner les tests et de veiller à leur exécution. Les tests sous contrainte seront effectués par du personnel médical formé à cet effet. Les mineurs de moins de 15 ans n’auront pas à subir de tests contre leur gré.
Le type de test le plus favorable pour la personne concernée sera également choisi et aucun dépistage ne sera effectué s’il est susceptible de mettre en danger la santé de la personne. Ces modifications ont été apportées au projet après la consultation, a rappelé Karin Keller-Sutter. Un projet salué par la majorité des cantons, a-t-elle noté.
Céline Widmer (PS/ZH) a proposé que les prélèvements naso-pharyngés ne soient pas autorisés sans le consentement de la personne concernée. Il est inimaginable d’imposer un tel test à une personne qui se défend sans la blesser, selon elle. « Pour un pays qui se targue de sa tradition humanitaire, c’est effrayant », a-t-elle déclaré. Des arguments balayés par 117 voix contre 65.
Respect de l’Etat de droit
La Zurichoise a aussi eu une pensée pour le personnel médical qui devra assumer cette charge. « Il y a un problème de conscience éthique. » Greta Gysin a elle parlé de discrimination à l’encontre des requérants d’asile déboutés. « Dans la lutte contre la pandémie, aucune autre personne n’est soumise à un test sous contrainte. »
Martina Bircher (UDC/AG) s’est pour sa part offusquée que les personnes renvoyées, « criminelles pour certaines », refusent de se soumettre à un test Covid, alors que la population suisse doit présenter depuis lundi un certificat pour aller au restaurant ou au zoo. Elle a aussi invoqué le respect de l’Etat de droit.
Il faut respecter la loi et jouer le jeu, a renchéri Marianne Streiff-Feller (PEV/BE). On ne peut pas accepter que le refus d’un test permette qu’une expulsion soit retardée, a-t-elle argué.
Karin Keller-Sutter a relevé que des alternatives ont déjà été cherchées pour éviter les tests, comme des quarantaines. Mais certains pays ne les acceptent pas.
Urgence contestée
Le projet du gouvernement déclare une loi urgente. Balthasar Glättli (Verts/ZH) estime qu’on ne peut agir ainsi sous prétexte qu’on veut faire vite. Selon lui, il n’y a pas de besoin fondamental en danger. « Dans le domaine de l’asile, un contrôle démocratique doit être possible », a-t-il encore avancé, plaidant pour un référendum facultatif. La déclaration d’urgence doit être le « plan Z » et pas de premier recours, a abondé Corina Gredig (PVL/ZH).
Le Conseil national n’a pas suivi ces arguments, par 104 voix contre 77. Le projet devrait entrer en vigueur immédiatement et le rester jusqu’au 31 décembre 2022. Il sera débattu au Conseil des Etats mercredi.