Des licences pour faire baisser le prix des médicaments en Suisse
(Keystone-ATS) Le Conseil fédéral doit recourir à des licences obligatoires pour faciliter l’accès aux génériques malgré les brevets des groupes pharmaceutiques. Public Eye a lancé mardi une campagne pour faire baisser le prix des médicaments par ce moyen que conteste la pharma.
« Les firmes pharmaceutiques peuvent pratiquement fixer les prix des médicaments comme bon leur semble », explique l’ONG dans un appel au président de la Confédération Alain Berset et au conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. Le problème d’accès aux « médicaments vitaux » ne concerne plus seulement les pays en développement et émergents, affirme-t-elle, soutenue par la Ligue suisse contre le cancer.
Les tarifs des anticancéreux en Suisse aussi explosent, souvent au-dessus de 100’000 francs par an et par patient, ajoute Public Eye. Un prix que conteste Roche. Le traitement combiné reste dans l’assurance de base et coûte 80’000 francs par an, même si ce tarif peut augmenter en fonction de la durée des soins.
La commercialisation à ces prix « met à mal l’équilibre du système suisse » de santé, déplore dans un message vidéo le président de la Ligue suisse contre le cancer Gilbert Zulian. D’autant plus avec le vieillissement de la population.
En marge de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS) lundi à Genève, M. Berset a admis que des « efforts » législatifs doivent être menés pour améliorer l’accès aux génériques, sans en dire davantage pour le moment. La différence du prix de ces médicaments avec les pays voisins peut atteindre « du simple au double ».
Aveu lancé par Alain Berset
A l’étranger, la question est plus « sensible » en raison des différences économiques entre pays. Il faut trouver un équilibre entre recherche au sein des entreprises, recherche publique et une mise sur le marché qui garantisse une capacité à investir, a dit également M. Berset. Au total, 95% des anticancéreux sont utilisés dans les pays développés.
En 2017, des économies de près de 200 millions de francs ont été constatées sur le prix des médicaments en Suisse. Mais pour aller plus loin, cette campagne, qui s’accompagne d’une pétition, demande aux conseillers fédéraux de prendre des mesures aussi bien internes que dans la politique extérieure.
Dans son rapport « Protégez les patients, pas les brevets », l’ONG relève que des licences obligatoires permettraient de satisfaire à la fois « les intérêts d’une industrie très rentable et les besoins de santé publique ». Un dispositif prévu par un accord sur la propriété intellectuelle à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
« L’Etat a le droit de décider quand une licence obligatoire » doit être établie, a relevé mardi devant la presse à Genève l’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss, qui soutient la campagne. Il « doit intervenir » dès que le coût pour la société est « insupportable », estime même de son côté une spécialiste de la propriété intellectuelle.
Colombie ou Thaïlande
Ces licences obligatoires seraient injustifiées, a dit à l’ats un porte-parole de Roche. Selon le groupe bâlois, aucune base légale n’existe et un bon système de brevets est indispensable pour l’industrie pharmaceutique.
La faîtière suisse Interpharma renchérit en précisant dépenser plus de 7 milliards de francs par an pour la recherche. Et ces innovations contre le cancer ont permis de « soigner actuellement un cancer sur deux », selon une porte-parole.
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) se veut aussi critique et mentionne l' »absence de base légale ». En revanche, Santésuisse accueille favorablement le scénario de licences obligatoires sur le principe.
Public Eye cible les pressions « très fortes » de Novartis et Roche mais aussi les autorités suisses contre le recours à cette mesure, notamment en Colombie et en Thaïlande. Mais cette « protection excessive » a également des conséquences en Suisse même, comme l’a montré un récent cas d’hépatite C. L’accès à un traitement innovant mais « extrêmement cher » n’est garanti que pour les patients gravement affectés, déplore Public Eye.
En 2016, plus d’un franc sur cinq dépensés dans le cadre de la LAMal était lié aux médicaments, une proportion en augmentation chaque année, relève l’ONG. « Le recours à la licence obligatoire au pays des pharmas » ouvrirait l’accès aux « médicaments vitaux » dans le monde pour des millions de personnes, selon elle.