Le chef d’orchestre et de choeur Michel Corboz est décédé
(Keystone-ATS) Le chef d’orchestre fribourgeois Michel Corboz n’est plus. Le Fondateur de l’Ensemble Vocal de Lausanne (EVL), spécialiste réputé du répertoire sacré, également chef de choeur, professeur de musique et compositeur est décédé jeudi à l’âge de 87 ans.
Le charismatique musicien est décédé d’un arrêt du coeur à la suite d’une opération, a indiqué vendredi à Keystone-ATS son épouse Janine Corboz. Il laisse une discographie considérable, riche d’une centaine d’enregistrements. Il a dirigé l’EVL pendant plus de 50 ans. En juin dernier, il avait encore oeuvré à un ultime concert à la Cathédrale Saint-Pierre à Genève, une messe d’adieu.
« Souffle musical et humain »
« Le monde musical est en deuil, la Suisse romande perd l’une de ses figures marquantes. Un chef, mais aussi un homme au rayonnement dont chacune et chacun se souviendra: chanteuses, chanteurs, instrumentistes, compositeurs et aussi les nombreuses spectatrices et spectateurs », lui a rendu hommage l’EVL dans un communiqué.
« Le souffle musical et humain de Michel » a porté l’art choral « vers les sommets (…) Les multiples enregistrements et invitations dans de prestigieux festivals et salles de concert en sont un témoin indélébile », écrit l’EVL.
« Au service de la musique »
La Ville de Lausanne a salué une « figure emblématique de l’art vocal ». « C’est un immense musicien qui vient de nous quitter. La Ville lui reste à jamais reconnaissante pour avoir porté si haut les couleurs de Lausanne », a souligné le syndic Grégoire Junod. Le Conseil d’Etat vaudois a appris « avec tristesse » le décès de ce « Vaudois d’adoption », une « personnalité incontournable dans le domaine de la musique classique ».
« La Suisse perd un chef de choeur charismatique qui a participé durant plus d’un demi-siècle au rayonnement culturel de notre pays », regrette de son côté la directrice de l’Office fédéral de la culture Isabelle Chassot. « Michel Corboz est le modèle d’un artiste au service de la musique », ajoute-t-elle.
Né à Marsens (FR) le 14 février 1934, Michel Corboz est assez vite touché par la musique baroque et la voix. Il reçoit une première formation au conservatoire de Fribourg. Il étudie alors le chant, la composition et la direction. Son amour de la voix le conduit à composer une vingtaine de motets, une messe, une cantate ainsi que des pièces profanes pour choeurs.
Bach, Mozart, Brahms, Verdi
Il a fondé l’Ensemble vocal de Lausanne en 1961, un groupe de chanteurs de haut niveau. Il devient en 1969 chef titulaire du Choeur Gulbenkian à Lisbonne avec lequel il explore en particulier le répertoire symphonique. Sa passion l’a fait voyager aux quatre coins du monde, de l’Europe et de la Suisse.
Il réalise de nombreux disques avec chacune de ces formations. Parmi plus d’une centaine d’enregistrements salués par la critique, en grande partie sous le label Erato, figurent la « Messe en si » et les « Passions » de Bach, les « Requiem » de Mozart, Brahms, Verdi ou Fauré, la « Messa di Gloria » de Puccini ainsi que des oeuvres de Frank Martin et Arthur Honegger.
Michel Corboz a été régulièrement invité à diriger d’autres ensembles. Il a par exemple été au pupitre de l’Orchestre de chambre de Lausanne, de l’Orchestre de la Suisse romande, de l’Orchestre de la radio danoise, du Choeur de la radio bavaroise, du Sinfonia Varsovia ainsi que du choeur et de l’orchestre du Theatro Colon à Buenos Aires. Il a enseigné la direction chorale au Conservatoire de Genève durant près de 28 ans.
Qu’est-ce qu’une belle voix?
Dans une de ses dernières grandes interviews, accordées en janvier dernier au magazine Générations, le « maestro » donnait sa définition d’une belle voix. « D’abord, cela ne suffit pas qu’il y ait la voix. Il faut qu’il y ait l’imagination, le mouvement musical, le sens du rythme, le désir de communiquer avec sa voix. »
« Il y a des gens qui arrivent à communiquer avec des voix ingrates, c’est vrai. Une belle voix est ronde, elle n’a pas de parasites, rien de rauque. Mais la voix est un instrument, avec quelque chose de froid. Il lui faut un tempérament, une âme », disait-il.
Michel Corboz a reçu maintes récompenses. Il a été fait Grand-Croix de l’ordre portugais de l’Infant Don Henrique et été élevé au grade de Commandeur de l’ordre français des Arts et des Lettres. Il a également reçu le Grand prix de la Fondation vaudoise pour la promotion et la création artistique en 1990. Le Prix de la ville de Lausanne lui avait été remis en 2003.