Une exposition à Berne pour tirer un bilan de l’héritage Gurlitt
(Keystone-ATS) Le Musée des Beaux-Arts de Berne fait le point sur l’un des projets les plus ambitieux de son histoire: l’héritage controversé de Cornelius Gurlitt. Dans l’exposition qui lui est consacrée, l’institution met l’accent sur le traitement de ce patrimoine délicat.
Pour la première fois, on dispose d’un aperçu complet de l’étude sur le legs controversé que le Kunstmuseum de Berne a accepté il y a huit ans.
Les pièces exposées apparaissent avec les traces de leur histoire. Elles documentent le vol et le trafic d’œuvres d’art à l’époque nazie, mais appartiennent également, par leurs qualités esthétiques, à la famille des objets de collection, explique mercredi le musée.
L’exposition entend montrer comment le Kunstmuseum de Berne, en acceptant l’héritage Gurlitt, a assumé ses responsabilités en matière de traitement des œuvres d’art. L’exposition « Gurlitt. Un bilan » ouvre ses portes le 15 septembre et dure jusqu’à la mi-janvier 2023.
Lourd héritage
Le musée bernois a repris un ensemble d’environ 1600 œuvres d’art rassemblées par le marchand d’art allemand Hildebrand Gurlitt. Ce personnage haut en couleur et aux multiples facettes a oeuvré comme marchand d’art sous le régime nazi.
Il a ensuite légué les œuvres à son fils Cornelius, qui les a gardées sous clé jusqu’à un âge avancé dans ses appartements de Munich et de Salzbourg.
Ce n’est que par hasard que les autorités ont découvert en 2010 les tableaux dans les appartements de Gurlitt et les ont confisqués. Une partie au moins de la collection était soupçonnée d’être des oeuvres spoliées.
A la surprise générale, l’octogénaire Cornelius Gurlitt a légué peu avant sa mort en 2014 le lot d’œuvres au Kunstmuseum de Berne. Après un temps de réflexion, ce dernier a accepté le lourd héritage, avec l’obligation d’effectuer un travail de mémoire et de n’accepter que les oeuvres ne provenant pas du pillage nazi.
Il est rapidement apparu que la collection ne comportait que peu de peintures à l’huile valant des millions et que peu d’œuvres étaient réellement identifiables comme volées.
Néanmoins, de nombreuses questions se sont posées sur la manière de traiter les œuvres dont l’origine n’a pas pu être clairement établie ou qui ont été extorquées à leurs propriétaires par les nazis.
Neuf œuvres restituées
Le Kunstmuseum a mis sur pied une cellule scientifique de recherche pour établir la provenance des oeuvres. Après plusieurs années de travail, neuf d’entre elles ont été identifiées jusqu’ici comme étant de l’art spolié et restituées à leurs anciens propriétaires ou à leurs descendants.
Cependant, de nombreuses œuvres présentent des lacunes quant à leur traçabilité. Lorsque les origines de tel ou tel tableau se sont révélées sans taches, le musée les a reprises à son compte. Il s’agit de plus de 1600 oeuvres. Le Kunstmuseum a en revanche renoncé à son droit de propriété lorsqu’il y avait un doute. Cinq oeuvres ont été redonnées à l’Allemagne et deux aux descendants des anciens propriétaires.
Dans la plupart des cas, la provenance n’a pas pu être établie de manière complète. « Nous avons sous-estimé les lacunes », admet Marcel Brülhart, responsable du dossier Gurlitt au Musée des Beaux-Arts.
En cas d’origine nébuleuse d’une oeuvre d’art, on trouve « cent raisons » de ne rien faire. Or Berne s’est à dessein opposé à cette facilité et a cherché des solutions équitables avec les concernés. « Il existe beaucoup de possibilités de négociation, il ne faut pas craindre cette problématique », estime l’expert, en regard de la mollesse, selon lui, de beaucoup d’institutions en Suisse en la matière.