Une mutation génétique augmente la sévérité des refroidissements
(Keystone-ATS) Une recherche menée en Suisse et en Australie a mis au jour des mutations génétiques susceptibles d’aggraver les refroidissements chez l’enfant. Les scientifiques évoquent une « épidémie silencieuse ».
Les refroidissements non liés à la grippe sont en général bénins. Mais 2% de chaque génération d’enfants finit quand même à l’hôpital suite à une infection virulente.
« Au niveau mondial, ces problèmes respiratoires provoquent 20% de la mortalité infantile », souligne Jacques Fellay, professeur boursier à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), cité mardi dans un communiqué du Fonds national suisse (FNS): « Il s’agit d’une véritable épidémie silencieuse ».
Les scientifiques ont découvert une cause de ces complications: des mutations d’un gène qui participe à la reconnaissance de certains virus responsables du refroidissement. « Nous avons pu confirmer qu’un gène, appelé IFIH1, joue un rôle important dans la défense du corps contre les principaux virus responsables des infections respiratoires chez les enfants », explique Jacques Fellay.
« Normalement, ce gène permet de reconnaître l’ARN viral, un type d’information génétique cousin de l’ADN », poursuit le spécialiste. Les chercheurs ont pu identifier les mécanismes qui, chez les enfants porteurs d’une mutation d’IFIH1, empêchent leur système immunitaire de combattre efficacement l’infection virale.
Hôpitaux suisses et australiens
Dans le cadre de ces travaux publiés dans la revue PNAS, plusieurs services de pédiatrie hospitaliers en Suisse et en Australie ont étudié les cas d’enfants qui ont eu besoin de soins intensifs suite à une infection respiratoire sévère (bronchiolite ou pneumonie) provoquée par un virus.
Les scientifiques ont exclu de leur étude les bébés prématurés et les enfants souffrant de maladies chroniques afin de pouvoir se concentrer sur les causes génétiques. Résultat: sur les 120 enfants inclus dans l’étude, huit portaient des mutations du gène IFIH1.
« Ce gène encode une protéine qui reconnaît la présence dans les cellules d’un certain nombre de microbes responsables des refroidissements, tels que le virus respiratoire syncytial (RSV) ou les rhinovirus », indique Samira Asgari de l’EPFL, qui a mis au point les expériences.
La protéine se fixe sur l’ARN du germe et déclenche une cascade de signaux moléculaires permettant une réaction immunitaire efficace. La chercheuse a pu montrer que trois mutations différentes d’IFIH1 rendent la protéine incapable de reconnaître les virus, ce qui empêche le corps de se défendre.
Approches complémentaires
En 2015, Jacques Fellay avait déjà étudié le génome de plus de 2000 patients pour révéler de manière statistique quelles variations génétiques influencent notre capacité à nous défendre contre les infections virales communes.
Pour le chercheur, « les deux approches sont complémentaires. Une étude comme celle de 2015 rassemblant un grand nombre de participants permet d’identifier les gènes impliqués à l’échelle de la population, mais dont les variations n’ont, au niveau individuel, qu’un impact limité. Au contraire, une étude ciblée sur des patients soigneusement sélectionnés permet de rechercher des mutations rares mais plus critiques pour le patient, et d’expliciter les mécanismes en jeu ».
Ces résultats pourraient offrir de nouvelles cibles thérapeutiques et de prévention. « Sur demande de certains parents, nous avons également testé les frères et sœurs d’enfants porteurs d’une mutation, afin de savoir si eux aussi sont plus fragiles face à une infection. Si c’est le cas, les parents peuvent décider de garder leur enfant à la maison lors d’une épidémie ou se rendre rapidement à l’hôpital lors d’un refroidissement », ajoute M. Fellay.
Ces travaux illustrent les méthodes et objectifs de la médecine personnalisée: « Il existe une très grande variabilité dans la capacité de nos corps à se défendre contre des maladies. Mieux connaître les mécanismes génétiques à l’origine de ces différences permettra de mieux cibler thérapies et prévention », conclut le chercheur.
Cette recherche est le fruit d’une collaboration de l’EPFL, de l’Institut suisse de bioinformatique, des universités de Berne, Genève, Lausanne et du Queensland, des HUG, du CHUV ainsi que des hôpitaux pédiatriques de Lucerne et Brisbane.