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L’armée suisse renonce à l’élégance pour acheter des armes

Tenue camouflée sur un séchoir.
Désormais, la tenue camouflée sera la seule que les recrues suisses devront ramener à la maison. Keystone / Laurent Gillieron


Comme dans la plupart des pays occidentaux, le mot d’ordre des pouvoirs publics suisses est désormais de faire des économies. Cette tendance touche même l’armée, malgré un budget global en hausse. Cette cure d’austérité fait une victime: la tenue de sortie des troupes.

Les touristes qui se promènent en Suisse sont parfois surpris de voir des soldats en tenue camouflée dans des trains ou des restaurants. Ce genre de scène risque de devenir encore plus fréquent, puisque l’armée suisse voit l’avenir presque exclusivement en tenue de combat.

En début d’année, on a souvent coutume de prendre de bonnes résolutions. Pour l’armée, cela consiste visiblement à économiser. C’est ainsi que le mardi 7 janvier, un communiquéLien externe annonçait que le Groupement Défense a décidé de ne plus distribuer d’uniforme de sortie à l’ensemble des troupes.

«Pour des raisons d’économie, la tenue de sortie de l’Armée suisse ne sera désormais plus fournie qu’à des fins de représentation», précise le communiqué. Cette tenue sera remise à environ 1500 personnes par an, contre environ 20’000 aujourd’hui. Ces «fins de représentations» concernent par exemple la musique militaire ou les ordonnances d’officier. 

Produites en Asie et en Europe orientale, les tenues de sortie coûtent environ 330 francs à l’unité. En distribuer à toutes les recrues engendre des dépenses annuelles de l’ordre de 5,2 millions de francs. «Si seules les personnes qui assument des tâches de représentation en sont équipées, 55 millions peuvent être économisés d’ici 2035», précise le communiqué.  

La décision a été immédiatement appliquée. Aucun uniforme de sortie n’a été distribué lors des l’école de recrue d’hiver, qui a commencé en début de semaine.

Plus d’uniforme de sortie distribué à l’école de recrue, comme le montre le Téléjournal de la RTS du lundi 13 janvier:

Contenu externe

Quant aux tenues de sortie actuellement en possession des soldats, elles devront être restituées au plus tard à la fin de leur service militaire. Elles seront stockées en vue d’une utilisation ultérieure ou détruites. 

Un camouflage devenu omniprésent

Autrefois, un seul uniforme était généralement porté pour toutes les circonstances. Mais l’utilisation d’armes tirant toujours plus loin, plus rapidement et plus précisément a exercé une profonde influence sur l’évolution des uniformes.

La première évolution fut l’abandon des couleurs chatoyantes, qui permettaient d’être reconnu de loin. Il fallait désormais être discret pour échapper au feu ennemi. Les uniformes sont ainsi devenus plus ternes, avec des teintes gris-vert, kaki, olive, ou bleu horizon. L’armée suisse a suivi le mouvement durant la Première Guerre mondiale, passant du bleu foncé au gris-vert.

La Seconde Guerre mondiale a provoqué une autre évolution avec l’utilisation de plus en plus fréquente de tenues de camouflage permettant de se confondre avec le terrain environnant. L’armée suisse s’est convertie à cette nouvelle mode avec l’adoption d’une première tenue camouflée en 1957.

Normalement, la tenue de camouflage est utilisée pour l’entrée en service et le service en lui-même, tandis que l’uniforme de sortie sert pour les périodes de congé et de relâche.

Des goûts et des couleurs…

Mais dans les faits, l’uniforme de sortie est de moins en moins usité, en particulier dans le cadre des cours de répétition. L’idée de sa suppression était dans l’air depuis un certain temps déjà et la décision tombée en ce début janvier ne constitue pas une totale surprise. 

Tenue de sortie et de travail de l'armée suisse
Lequel trouvez-vous le plus élégant? Armée suisse

Même attendu, cet abandon fait parler dans un pays où une bonne partie de la population – masculine du moins – sert ou a un jour servi sous les drapeaux. Les avis exprimés sont contrastés. Dans les médias, plusieurs commentaires ne regrettent pas cette tenue jugée notamment «moche», «mal coupée» et «pas pratique». D’autres commentaires ont en revanche un ton plus nostalgique et ne se privent pas d’ironiser sur des «économies de bout de chandelle».

Du côté des cadres de l’armée, les avis sont aussi partagés. «Je pense que c’est une bonne nouvelle, a estimé Guillaume Genoud, président des Sociétés miliaires du canton de Genève sur les ondes de la RTS. C’est de l’argent qui pourra servir à des dépenses plus urgentes dans le cadre du contexte de menace actuel. Cette tenue était de moins en moins portée; le soldat lambda sera content de s’en débarrasser.»

Lors de discussions privées, le ton est cependant parfois aussi plus critique. «C’est dommage, une tenue différente permet de déterminer immédiatement si un militaire est en congé ou en service», m’a par exemple indiqué un capitaine d’infanterie. 

«Au profit de la défense»

De manière générale, le budget de l’armée est à la hausse. En septembre, le Parlement l’a augmenté de 4 milliards de francs pour la période 2025-2028, pour un total de 29,8 milliards. Cela permettra au budget militaire d’atteindre 1% du PIB d’ici 2030 et non d’ici 2035, comme initialement prévu.

Malgré ces fonds supplémentaires, l’armée veut économiser. En même temps que la suppression des uniformes de sortie, elle a annoncé une économie de 210 millions de francs dans les frais de personnel – sans licenciements – d’ici 2030. Et en novembre, les Forces aériennes avaient déjà indiquéLien externe réduire leurs engagements de démonstration, afin de contribuer aux mesures d’économies du Groupement DéfenseLien externe

Un train de mesures d’économies dans un contexte budgétaire en hausse peut sembler étrange. Mais cela s’explique par la situation sécuritaire en Europe. «Les ressources dégagées seront allouées à l’équipement de l’armée, renforçant de ce fait la capacité de défense», explique le Groupement Défense dans son communiqué.

L’intention est louable, mais reste à voir si l’argent est toujours bien investi. Hasard du calendrier, c’est en ce début janvier également qu’une enquête de SRF révèle que de nouveaux drones de reconnaissance achetés en Israël et qui devaient être mis en service en 2019 restent cloués au sol en raison d’un défaut technique. Seuls quatre des six commandés ont été livrés et ils ne devraient être opérationnels qu’au mieux en 2029.

Le problème des drones relaté dans le Téléjournal de la RTS du 5 janvier:

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Cet achat représente un montant de 300 millions de francs, soit l’équivalent de plus de 900’000 tenues de sortie.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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