A quand la légalisation du cannabis en Suisse?
La Suisse dépénalise la consommation du joint. Mais sa légalisation complète n'est pas pour demain. Les Pays-Bas sont passés par-là.
«Dans la réalité, la Suisse va se retrouver au même niveau que les Pays-Bas», lance Tim Boekhout, criminologue spécialisé en matière de drogue, et professeur aux universités d’Amsterdam et d’Utrecht. Car aux Pays-Bas, seul la consommation personnelle est autorisée.»
Ce constat va à l’encontre d’un certain nombre d’idées reçues. En effet, la culture et la vente de cannabis sont encore interdites chez les Bataves. «C’est un de nos gros problèmes, précise le criminologue, en raison des pressions politiques des Etats-Unis et de l’Union européenne, en matière de politique sur les drogues.»
Ce qui fait dire à Tim Boekhout que «la Suisse va probablement se retrouver sous haute observation de la part de l’Europe, des Pays-Bas et des Américains».
Le criminologue estime que «les politiciens suisses doivent être félicités. Ils ont empoigné un problème existant. Ce que ne font pas la majorité des autres pays occidentaux».
Une plaque tournante
Cela dit, la Suisse peut-elle devenir une plaque tournante pour les fumeurs de joints? «Elle l’est déjà, répond avec humour le criminologue, mais dans des proportions qui seront moindres à l’avenir». Une fois que le reste de l’Europe aura modifié sa politique.
De nombreux jeunes allemands, français ou italiens viennent depuis longtemps en Suisse pour se procurer facilement de l’herbe. Ils ne viendront plus lorsque ces pays auront adopté une politique plus souple en matière de consommation de cannabis. C’est du reste déjà le cas en Belgique, au Portugal, en Espagne et en Angleterre.
Pas de coffee shop, pas de tourisme du joint
Tim Boekhout est sûr d’une chose. La Suisse ne doit pas craindre une augmentation d’un tourisme du joint. D’autant qu’elle n’ouvrira pas de coffee shop (café sans alcool où l’on peut consommer du cannabis). Et que la vente dans les magasins spécialisés sera interdite aux mineurs et aux étrangers.
«Certes, Amsterdam est devenue la capitale touristique des fumeurs de joints, précise le professeur. Mais en regard de la diminution de la criminalité constatée depuis la dépénalisation en 1976, le pays n’a pas perdu au change.»
Un débat sur la légalisation
La situation actuelle aux Pays-Bas est donc loin d’être paradisiaque. Dans ces conditions, la légalisation totale du cannabis serait-elle un mieux? «La Suisse est bien entendu souveraine, admet le criminologue. Mais la question doit se poser comme aux Pays-Bas».
Les réponses ne sont pas simples. «Il est vrai que l’interdiction de la culture et de la vente engendre des situations aussi hypocrites que l’interdiction de la consommation», admet Tim Boekhoutt.
Pour preuve, «l’achat de cannabis pour les magasins et coffee shop est interdit, explique le criminologue. Ainsi, le commerce peut quelquefois s’effectuer avec des réseaux parfois criminels. De même pour la production locale censée être interdite, mais le gouvernement de La Haye autorise cinq plantes par cultivateurs.
La nécessité d’un contrôle total de l’Etat
Le phénomène social lié au cannabis doit être pris en compte. Raison pour laquelle, «le gouvernement des Pays-Bas planche sur le problème depuis longtemps», précise Tim Boekhout.
«Une légalisation totale, sous contrôle d’un Etat, n’augmentera pas la consommation de cannabis. En revanche, elle diminuera probablement la criminalité liée au trafic de ces drogues douces.»
Jean-Louis Thomas
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