Accès aux médicaments: des ONG attaquent Novartis
Des organisations non gouvernementales et des personnalités du monde suisse de la santé prient Novartis de retirer ses actions en justice contre la loi indienne sur les brevets.
Selon les signataires d’une lettre ouverte à son patron, Daniel Vasella, un succès du géant bâlois aurait des conséquences graves sur l’accès aux médicaments génériques vitaux dans le monde.
Pour Novartis, ces actions devant les tribunaux indiens ne visent qu’à défendre les droits du groupe à la propriété intellectuelle. Pas question donc de laisser tomber.
Le géant pharmaceutique a lancé deux procédures. L’une est un appel contre le rejet de sa demande de brevet sur le Glivec, médicament-vedette contre le cancer, et l’autre attaque la loi indienne pour non-conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Les signataires de la lettre ouverte se disent «extrêmement inquiets» des conséquences possibles de l’action de Novartis. Le groupe tente en effet de contester une loi qui n’autorise pas de dépôt de brevet pour de nouvelles formes ou de nouveaux usages de substances déjà connues.
«Choqués»
Les auteurs de la lettre se disent «choqués que, cinq ans après la fin du procès que Novartis avait intenté avec d’autres laboratoires pharmaceutiques au gouvernement sud-africain, elle souhaite à nouveau restreindre la flexibilité dont dispose un pays en développement pour adapter un accord de l’OMC à ses besoins en matière de santé publique».
Selon eux, l’action du groupe bâlois pourrait «affecter négativement l’accès aux médicaments génériques essentiels, non seulement en Inde, mais également dans tous les pays en développement qui importent des génériques indiens».
Les génériques
L’Inde est en effet un des principaux producteurs de génériques pour les pays du Sud, et même le numéro un des médicaments contre le sida. Ainsi, Médecins Sans Frontières achète aux Indiens les quatre cinquièmes des traitements contre le VIH qu’elle dispense à des milliers de patients dans plus de 30 pays.
Quant au Glivec (Gleevec aux Etats-Unis), les détracteurs de Novartis remarquent que le coût annuel de ce médicament – dans les 32’000 francs suisses – est trop élevé pour les patients des pays en développement.
La lettre, signée par la Déclaration de Berne, est soutenue par des associations comme Aide suisse contre le sida, la Ligue suisse contre le cancer et Médecins Sans Frontières Suisse.
La campagne a également le soutien de Ruth Dreifuss, ancienne ministre suisse de la Santé et présidente de la Commission de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle, l’innovation et la santé publique.
Le facteur des coûts
Dans sa réponse, Novartis indique que les générique ne constituent pas la réponse à la majorité des patients indiens pour qui ils sont encore trop chers.
«Les génériques ne résoudront pas le problème puisque leur prix est encore quatre à cinq fois plus élevé que le salaire moyen de la population indienne», explique le porte-parole John Gilardi.
«Nous saluons les efforts déployés par l’Inde pour améliorer sa protection de la propriété intellectuelle, mais il s’agit dans ce cas qu’une patente sur le Glivec, qui est reconnue par plus de 40 pays, soit aussi reconnue en Inde», a déclaré John Gilardi à swissinfo.
Et d’ajouter que plus de 99% des patients indiens soignés avec du Glivec le reçoivent gratuitement. Il précise encore que ceux dont ce n’est pas le cas devraient s’inscrire au programme Glivec de Novartis.
Pour ce qui est de la loi indienne sur les brevets, John Gilardi estime qu’elle va beaucoup plus loin que les règles de l’OMC sur la propriété intellectuelle.
«Les gens sous-estiment la difficulté et les coûts de la création de nouveaux médicaments, de leur mise sur le marché. Si l’innovation n’est pas récompensée, il n’y aura plus d’innovation.»
«Le fait de ne pas protéger les brevets est le plus sûr moyen d’empêcher les Indiens d’avoir accès aux derniers médicaments salvateurs.»
swissinfo, Adam Beaumont à Genève
(Traduction de l’anglais: swissinfo)
Les ONG affirment que les versions génériques du Glivec coûtent dix fois moins cher.
Elles indiquent qu’il y a 25’000 nouveaux cas de leucémie myéloïde chronique chaque année en Inde.
Un tribunal indien a rejeté la demande de brevet de Novartis sur le Glivec.
– Il y cinq ans, Novartis a lancé le Glivec, un médicament qui freine la progression des cellules cancéreuses de la leucémie myéloïde chronique.
– En 2005, le Glivec a rapporté plus de 2,6 milliards de francs suisses au groupe, avec des ventes en augmentation d’un tiers.
– Depuis 2002, le programme Glivec International Patient Assistance de Novartis a permis d’offrir gratuitement le traitement à plus de 13’600 patients dans 79 pays en développement ou dont le système de santé est lacunaire.
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