Affronter les fantômes de Srebrenica
![](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2005/07/b10c1f53f55af217333108f44aa0bf06-keyimg20050708_5930445_0-data.jpg?ver=996ddef2)
Quelque 50 survivants du massacre de Srebrenica vivant en Suisse participent aux cérémonies du souvenir de lundi, 10 ans après les atrocités.
Jusqu’à 8000 musulmans ont été tués après l’invasion par les troupes serbes de Bosnie de cette petite ville de l’est du pays, pourtant déclarée «sûre» par l’ONU.
Quelque 50’000 officiels et parents de victimes se rassemblent au mémorial-cimetière de Potocari, près de Srebrenica, pour commémorer le massacre et enterrer des centaines d’autres corps retrouvés dans des charniers dans les collines avoisinantes.
Ce génocide a constitué le chapitre le plus sanglant de la guerre de Bosnie entre 1992 et 1995. L’ancien leader serbe de Bosnie, Radovan Karadzic, et l’ex-commandant en chef de l’armée, Ratko Mladic, ont été condamnés pour leur rôle dans le massacre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), mais tous deux courent toujours.
Fahrudin Salihovic, président de l’Association des survivants de la Drina-Srebrenica et ancien maire de la ville, a déclaré à swissinfo qu’il ne passe pas un jour sans penser aux tragiques événements de juillet 1995.
«Il m’est impossible d’oublier qu’en 5 jours, des jeunes garçons et des vieillards ont été tués avec une rare barbarie, confie-t-il à swissinfo. Les souvenirs demeurent, surtout à l’approche de l’anniversaire du massacre.»
Fahrudin Salihovic, qui vit à Genève, ne peut se rendre à la commémoration car son permis de séjour ne lui permet pas de quitter la Suisse. Il ne cache pas sa déception.
Une étape du processus de deuil
Marc Walther, psychiatre lausannois qui a soigné des survivants de Srebrenica, est convaincu que la cérémonie de lundi constitue une étape importante dans le processus de deuil.
Il estime que c’est la première fois que de nombreux survivants retournent sur place depuis le massacre, qui «pèse encore lourdement sur eux».
«Beaucoup veulent affronter le passé et témoigner à la face du monde sur ce qui s’est passé. D’autres y vont pour enterrer – symboliquement ou physiquement – les gens qu’ils ont perdus», ajoute le psychologue à swissinfo.
La Suissesse Carla Del Ponte, procureure en chef du TPIY, brillera également par son absence lors de la commémoration de lundi.
La semaine dernière, son porte-parole a confirmé qu’elle s’y refusait, «aussi longtemps que Karadzic et Mladic seront en liberté». La procureure de l’ONU a exprimé à plusieurs reprises sa frustration face à l’incapacité des autorités compétentes de remettre les deux hommes aux mains de la justice internationale.
«Honte et déshonneur»
«Mme Del Ponte ne peut pas affronter les victimes alors que Karadzic et Mladic bénéficient toujours de l’impunité, dix ans après leur inculpation par le TPIY », a ainsi déclaré la porte-parole Florence Hartmann.
«C’est une honte et un déshonneur que les deux principaux responsables du génocide de Srebrenica n’aient pas encore été livrés à la justice.»
Fahrudin Salihovic partage cette opinion mais se dit convaincu que Mladic, Karadzic et d’«autres criminels de guerre» comparaîtront un jour devant la cour de La Haye.
A la veille de cet anniversaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR, basé à Genève) a lancé un appel pour relancer les efforts visant à établir la vérité sur le sort de plus de 14’500 victimes toujours portées disparues.
Ce chiffre inclut les quelque 5500 personnes disparues dans les tragiques événements de Srebrenica et des environs. «Le droit des familles de connaître le sort de leurs parents – reconnu par le droit humanitaire international – doit être défendu et respecté», indique le communiqué du CICR.
swissinfo, Adam Beaumont
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)
11 juillet 1995: les Serbes de Bosnie débordent les casques bleus néerlandais et prennent le contrôle de Srebrenica, où des dizaines de milliers de civils se sont réfugiés.
12 juillet: les Serbes séparent les hommes de 12 à 65 ans. Des milliers d’autres, combattants comme civils, fuient l’enclave le long de la «route de la mort».
13 juillet: premières exécutions de musulmans. De nombreuses victimes sont jetées dans des charniers.
– De 1992 à 1995, la Bosnie Herzégovine a été le théâtre d’une guerre interethnique entre musulmans, Croates et Serbes au prix d’environ 250’000 morts.
– Environ 2 millions de personnes ont été déplacées par le conflit, dont plus de 10’000 se sont réfugiées en Suisse.
– Neuf députées fédérales ont achevé samedi un voyage sur place, rencontrant notamment des veuves de Srebrenica.
![En conformité avec les normes du JTI](https://www.swissinfo.ch/fre/wp-content/themes/swissinfo-theme/assets/jti-certification.png)
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.