Amnesty dénonce la politique d’asile suisse
Amnesty International demande au Comité contre la torture (CCT) des Nations Unies d’être ferme avec la Suisse. Elle devra s’expliquer sur sa politique d’asile.
La branche suisse de l’organisation de défense des droits de l’homme s’émeut du durcissement de la loi sur l’asile et du traitement infligé aux requérants expulsés.
Vendredi et lundi, les autorités devront exposer au CCT quelles ont été les mesures prises pour prévenir et punir les actes de torture en Suisse.
Le CCT veut faire le point dans plusieurs domaines. Cela va de la loi de l’asile aux expulsions forcées en passant par les droits des personnes détenues par la police et les transferts de prisonniers.
Amnesty International concentre ses critiques sur le projet de loi présenté en novembre dernier par le ministre de la Justice et Police. Ce projet définit quelles sont les mesures autorisées ou non pour expulser des étrangers refusant de quitter le pays de leur plein gré.
Le projet dresse la liste des différents instruments – menottes, pistolets électriques, matraques – qui seront autorisés. Dans certains cas, quelques-uns sont utilisés aujourd’hui déjà.
A noter que depuis 1999, au moins deux étrangers – un Palestinien et un Nigérian – sont décédés au cours de leur expulsion par la police.
«Nous avons toujours dit que les armes causant des chocs électriques ne devraient pas être employées avant qu’une étude médicale fasse clairement le point sur les conséquences de leur utilisation», déclare Denise Graf, coordinatrice pour les réfugiés auprès de la section suisse d’Amnesty International.
Demandeurs d’asile
L’organisation de défense des droits de l’homme s’inquiète également des propositions de durcissement de la loi sur l’asile. Cela conduirait à traiter plus rapidement les cas et à augmenter la pression sur les requérants déboutés pour qu’ils quittent le pays.
«Avec le changement de loi, la période maximale de détention serait doublée, dénonce Denise Graf. Des requérants pourraient être détenus jusqu’à 24 mois sans même avoir commis un délit.»
«Par ailleurs, les réfugiés et les requérants ont toujours plus de difficulté pour avoir accès à un avocat, ajoute-t-elle. Nous nous inquiétons aussi de l’accroissement des violations des droits de l’homme commises par agences de sécurité privées travaillant dans les centres d’asile.»
Dans l’attente de réponses
Le CCT a déjà publié une liste des thèmes qu’il souhaite aborder lors de cette mise au point avec les autorités suisses.
Le comité a réclamé davantage de détails sur les expulsions forcées. Il entend également savoir si les directives inter-cantonales introduites en 2002 interdisent désormais que les expulsés soient masqués ou cagoulés par la police.
Les autorités suisses devront aussi livrer des précisions sur les droits des requérants d’asile détenus dans les aéroports avant expulsion. Le comité veut savoir combien de temps au maximum et sous quelles conditions les requérants peuvent être retenus et quel est l’accès à l’eau, à la nourriture et aux toilettes.
Le CCT veut également savoir pourquoi la définition de la torture contenue dans la Convention des Nations Unies contre la torture, ratifiée par la Suisse en 1986, n’a pas encore été introduite dans le Code pénal.
La délégation suisse sera conduite par Bernardo Stadelmann, vice-directeur de l’Office fédéral de la justice. Il ne souhaite pas commenter la position de la Suisse sur ces différents dossiers avant la fin des rencontres.
José Luis Díaz, porte-parole du Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme déclare quant à lui que le CCT présentera d’ici la fin du mois ses recommandations et ses observations à propos de l’application de la Convention par la Suisse.
swissinfo, Adam Beaumont
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)
– Le CCT est constitué de dix personnalités indépendantes chargées de surveiller l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
– La Suisse est l’un des 139 Etats signataires de cette convention. Elle l’a ratifié en décembre 1986.
– La 34e session du CAT a lieu du 2 au 31 mai à Genève. Il examinera les efforts entrepris par sept Etats (Suisse, Togo, Canada, Finlande, Albanie, Ouganda et Bahreïn)pour prévenir et punir les actes de torture.
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