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Annan père et fils éclaboussés

"Non, sacrebleu !" répond Kofi Annan à la question de sa démission. Keystone

Le secrétaire général, son fils et l’entreprise genevoise pour laquelle il travaille, sont montrés du doigt par une commission d’enquête des Nations Unies.

On leur reproche notamment de ne pas avoir assuré l’intégrité du coûteux programme Pétrole contre Nourriture, adopté en 1996 en faveur du peuple irakien.

La commission présidée par l’ancien patron de la banque centrale américaine Paul Volcker vient de rendre son deuxième rapport préliminaire. Directement mise en cause, l’entreprise genevoise Cotecna indique qu’elle «étudie le document en détails», tout en maintenant qu’elle a agi dans la transparence.

Robert Massey, le président-directeur-général de la firme suisse qui contrôlait les contrats passés dans le cadre du programme Pétrole contre Nourriture, déclare en effet que Cotecna a été retenue par l’ONU «dans le respect des règles, du fait de la qualité de la proposition qu’elle avait soumise et de son leadership dans les services d’inspection à travers le monde».

«Pas de favoritisme»

Egalement montré du doigt, Kojo, le fils de Kofi Annan, semble rejeter l’idée selon laquelle il aurait joué de son nom pour obtenir un emploi chez Cotecna et agir comme intermédiaire avec l’ONU.

«Je suis un homme d’affaires indépendant et ne représente ni l’ONU, ni le secrétaire-général», affirme-t-il. Kojo ajoute qu’il «regrette profondément l’embarras que tout le dossier Cotecna a pu causer» à son père.

Une facture de 64 milliards de dollars

Dire que le deuxième rapport préliminaire de la commission Volcker place Kofi Annan dans «l’embarras» serait un euphémisme, car si le document n’accuse pas le secrétaire général de corruption, il lui reproche d’avoir mal géré ce qui fut le programme humanitaire de l’ONU le plus onéreux.

Pétrole contre Nourriture a en effet coûté aux Etats-membres de l’ONU la bagatelle de 64 milliards de dollars. Or, la commission présidée par Paul Volcker et nommée par Kofi Annan, estime que le secrétaire général n’a pas fait ce qu’il devait faire pour éviter que le programme ne soit miné par des conflits d’intérêt, au premier rang desquels figure le conflit d’intérêt existant du fait de la collaboration entre son fils et Cotecna.

Kojo dans le collimateur

Le rapport se concentre d’ailleurs essentiellement sur les rapports entre Kojo et Cotecna et conclut que le fils de Kofi Annan et l’entreprise genevoise ont conspiré pour dissimuler le conflit d’intérêt.

«Kojo a participé activement aux efforts déployés par Cotecna pour cacher la véritable nature de leur longue relation avec lui», écrit la commission qui déplore aussi que Kojo n’ait plus coopéré avec les enquêteurs depuis le seul et unique entretien qu’il leur a accordé l’an dernier.

Le rapport conclut aussi que Cotecna n’a recruté Kojo Annan en 1997 qu’en raison de sa relation de parenté avec le secrétaire-général de l’ONU et que contrairement à ce que la firme suisse avait dit auparavant, Kojo a continué de recevoir des paiements de la part de Cotecna bien après 1998 et jusqu’en février 2004, paiements que les enquêteurs évaluent à plusieurs centaines de milliers de dollars.

Documents détruits



Mais le rapport va plus loin en indiquant que la relation de Cotecna avec Kojo a permis à la société suisse de gagner un accès inhabituel au secrétaire général de l’ONU pour ses dirigeants, le fondateur de l’entreprise Elie Georges Massey et son pdg, Robert Massey, y compris en pleine Assemblée Générale de l’ONU en septembre 1998.

Même s’il n’est pas impliqué personnellement dans toute l’affaire, Kofi Annan est indiscutablement éclaboussé, d’autant que le rapport accuse son ancien chef de cabinet, Iqbal Riza, d’avoir détruit des documents relatifs à Pétrole contre Nourriture après la formation de la commission Volcker, une mesure qui a gêné l’enquête et soulève des interrogations quant au contenu de ces documents.

Pas de démission



Lorsqu’on lui demande s’il va démissionner, Kofi Annan répond par un catégorique: «Non, sacrebleu !» Mais au Congrès américain, où l’ONU n’est pas populaire et où plusieurs enquêtes sont en cours sur le scandale, les élus républicains sont furieux.

«Le manque de leadership de Kofi Annan, combiné avec les conflits d’intérêt, l’impunité et l’absence de responsabilité, ne pointent que vers une seule issue, sa démission», lance ainsi Norman Coleman, député du Minnesota et détracteur le plus virulent du secrétaire général.

De son côté, Henry Hyde, président de la commission des Affaires Etrangères de la Chambre, met lui-aussi la pression en parlant de «grave mauvaise gestion de la part des hauts dirigeants de l’ONU, qui pose une menace importante et immédiate à l’efficacité et à l’intégrité de l’institution».

Soutien timide de la Maison Blanche



A la Maison Blanche, Scott McClellan, le porte-parole de George Bush, souligne que l’affaire est «grave». Mais l’enquête de la commission Volcker de même que celles du Congrès n’étant pas finies, l’Administration Bush ne lâche pas encore Kofi Annan.

«Nous appuyons le travail du secrétaire général et nous continuerons à travailler avec lui et l’ONU», indique M. McClellan dans une déclaration de soutien bien tiède cependant.

Le rapport final de la commission Volcker est attendu dans le courant de l’été.

swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington

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