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Au coeur d’un bouillant derby bernois de hockey

Keystone

Dans le championnat suisse de hockey sur glace, certains matches suscitent un intérêt particulier en raison de la proximité géographique des deux équipes qui s'affrontent. C'est le cas des rencontres entre le CP Berne et le HC Bienne. Récit d'un derby bernois à sens unique.

Il est 19h25 à Berne en ce glacial vendredi du mois de novembre. Vingt minutes avant le début du match, les deux noyaux durs de supporters entament leur campagne de déstabilisation. Parmi les 16’766 spectateurs qui garnissent les gradins de la BernArena, le bon millier de partisans biennois ne passe pas inaperçu. «Ici c’est Bienne, ici c’est Bienne», scandent les visiteurs, galvanisés par l’écrasante défaite (6-1) infligée le week-end dernier à leurs rivaux cantonaux.

Ce succès à domicile face à Berne était attendu depuis le 16 février 1993 par des Biennois condamnés 13 ans durant à prendre leur mal en patience au sein de la ligue inférieure. La promotion au printemps dernier a redonné vie à l’engouement historique pour le hockey dans cette ville ouvrière de 50’000 habitants située au pied du Jura bernois. Et les confrontations face au CP Berne sont l’occasion d’afficher haut et fort sa fierté régionale face au grand club de la capitale fédérale, une ville pourtant distante d’à peine 40 kilomètres.

Jamais joué d’avance

«Les derbies permettent aux petits de s’illustrer face aux grands. L’aspect émotionnel de ce genre de confrontations fait que le match n’est jamais joué d’avance, même s’il y a une nette différence entre les deux équipes, en l’occurrence Berne et Bienne, sur le papier», explique Philippe Ducarroz, commentateur pour la chaîne privée Bluewin TV.

«Pour Berne, ce genre de matches est toujours difficile à gérer. Bienne vient à Berne avec l’intention de créer l’exploit. Nous sommes obligés de prendre le jeu à notre compte et cela nous joue parfois de mauvais tours», analyse pour sa part Sven Leuenberger, ancien joueur bernois et aujourd’hui directeur sportif du club.

Le grand CP Berne doit donc relever la tête après l’humiliation subie à Bienne et prouver aux sceptiques que son statut de favori du championnat n’est pas usurpé. Lumières éteintes, les joueurs bernois font tour à tour leur apparition sur la glace. Comme un seul homme, l’impressionnant mur de supporters bernois scande le nom de ses protégés qui vont s’installer au centre de la patinoire. L’arrivée de l’équipe biennoise est en revanche copieusement sifflée. Les hostilités peuvent commencer.

Départ canon de Berne

D’emblée, Berne prend le match à son compte. C’est logiquement que le club hôte ouvre le score après tout juste deux minutes de jeu. Deux minutes plus tard, c’est déjà 2-0 pour des Bernois qui ont apparemment bien retenu la leçon de la semaine dernière. Une double pénalité infligée simultanément à deux joueurs biennois amène le 3-0 et provoque l’ire des supporters visiteurs. Insultes, mauvais gestes et quelques jets de bière fusent dans la patinoire.

L’atmosphère est tendue et l’animosité entre les supporters des deux équipes palpable. «Si le derby devait au départ être une fête régionale, ça devient de plus en plus une lutte entre personnes qui défendent leur esprit de clocher avec des moyens pas toujours fair-play», regrette Philippe Ducarroz.

Des débordements sont régulièrement à déplorer en marge de ces rencontres à haute intensité émotionnelle. Il y a une semaine à Bienne, quelques dizaines de hooligans ont provoqué d’importants dégâts aux abords du stade et s’en sont pris physiquement à des spectateurs avant même le début de la rencontre. «Malheureusement, les hooligans gâchent trop souvent la fête. Ca n’arrive pas que pendant les derbies, mais le phénomène est amplifié par cette rivalité de proximité», déplore Philippe Ducarroz

Un match à sens unique

Les supporters n’ont pas le temps de s’invectiver longtemps. L’horloge affiche 12’35 et c’est déjà 4-0 pour Berne. Le HC Bienne inscrit le but de l’honneur peu avant le retour aux vestiaires. 4-1 après 20′ de jeu. Le retour sur terre est rude. Mieux organisés collectivement, irréprochables défensivement et possédant des individualités capables à tout moment de faire la différence, les Bernois ont déjà complètement étouffé leurs adversaires au terme du premier tiers temps.

Le deuxième tiers ne va pas être beaucoup plus réjouissant pour le HC Bienne. 5-1 puis 6-1. «Mais ils sont où les Biennois?», scandent les supporters bernois. «C’est comme ça qu’on joue au hockey sur glace», chanteront-ils même après le 7-1 dans le 3e tiers. 10-2, score final. L’addition est salée pour le HC Bienne. Parfois, la volonté et l’émotion véhiculées par un derby ne suffisent pas à combler un écart de niveau bien trop important.

Standing ovation. La BernArena est en ébullition. Le public rappelle le Canadien Martin Gélinas, désigné homme du match avec ses 4 buts marqués. L’honneur est sauf et la hiérarchie à nouveau respectée. Avec cette victoire, Berne conserve sa 3e place au classement et Bienne reste sous la barre synonyme de non-qualification pour les playoff (séries finales).

A 120 kilomètres de là, un autre derby, zurichois celui-là, mettait au même instant aux prises les deux meilleures équipes du championnat. Avec leur victoire 3-2 sur Kloten, les Zurich Lions, champions de Suisse en titre, restent en tête du classement après un peu plus de la moitié de la saison régulière.

swissinfo, Samuel Jaberg

Un derby désigne un match important mettant aux prises deux équipes proches géographiquement. Le terme derby trouve son origine dans le vocabulaire hippique anglais.

En Suisse, les derbies de hockey sont souvent perçus comme une métaphore sportive de la lutte des classes par les supporters.

Au Tessin, le riche et puissant club de Lugano doit à chaque fois vendre chèrement sa peau lorsqu’il affronte Ambri-Piotta, l’autre club plus modeste du canton.

Pour Berne, 11 fois vainqueur du championnat, c’est encore plus compliqué. Non seulement, il doit assurer sa domination cantonale face aux Langnau Tigers et au HC Bienne, mais également face à son voisin fribourgeois.

Les derbies des «Zähringen», en référence à la dynastie de puissants ducs du sud-ouest de l’Allemagne qui a fondé les villes de Berne et de Fribourg au XIIe siècle, est l’un des plus enflammés du championnat.

Dans le canton de Zurich, les rencontres opposant les ZSC Lions aux Kloten Flyers suscitent également un bel enthousiasme.

On parle souvent de derby romand pour désigner les rencontres entre Genève-Servette et Fribourg-Gottéron même si le critère de proximité géographique n’est ici pas vraiment valable.

Berne -Bienne 10-2 (4-1 2-0 4-1)
Davos -Langnau. 5-3 (3-0 0-1 2-2)
Fribourg-Ambri 3-2 (2-1 0-1 1-0)
Kloten -Zurich L. 2-3 (1-0 1-2 0-1)
Lugano -Genève 2-1 (1-0 1-0 0-1)
Zoug -Rapperswil 4-1 (2-0 1-0 1-1)

Classement

1.Zurich L. 29/58
2.Kloten 27/54
3.Berne 25/50
4.Davos 27/50
5.Lugano 27/47
6.Genève 26/42
7.Langnau 27/36
8.Fribourg 28/35
—————–
9.Zoug 27/30
10.Bienne 28/30
11.Ambri 27/28
12.Rapperswil 26/26

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