Avec Alinghi, la Suisse «high-tech» défend son titre
Des étudiants de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et des entreprises suisses ont travaillé d'arrache-pied pour fabriquer les deux nouveaux bateaux de la 32e America's Cup.
Si l’équipe Alinghi regroupe 21 nationalités, l’entreprise technologique et le réseau de petites et moyennes entreprises qui ont permis la fabrication des bateaux arborent un label résolument helvétique.
«Si certains pays peuvent fournir rapidement des technologies bas de gamme. Ils ne peuvent pas le faire avec des produits high-tech. En Suisse, c’est possible. Et Alinghi est une excellente ambassade de cette capacité.»
En affirmant ceci, le professeur suédois Jan-Anders Månson, vice-président pour l’innovation et la valorisation de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), sait de quoi il parle.
Au troisième étage du grand bâtiment de l’avenue Piccard, on chasse l’incertitude à grands coups de test et de modèles numériques.
«Des centaines de kilos de carbone, des milliers d’échantillons», ont été optimisés ou torturés dans les sept laboratoires universitaires concernés par ce projet. La dynamique des fluides, l’étude de la forme des voiles et même la tactique de course sont désormais devenus des sujets de recherche.
Un chantier sur les hauts de Vevey
S’il est vrai que l’équipe affiche 21 nationalités, une grande partie de l’entreprise technologique Alinghi arbore un label de qualité suisse.
Les coques des deux bateaux de la 32e America’s Cup, SUI 91 et SUI 100 en sont un exemple parfait. Ils ont pris forme sur les hauts de Vevey (Fenil-sur-Corsier), dans l’immense four du chantier naval Décision SA. La règle veut en effet que la coque des Class America soit moulée et cuite dans le pays d’origine du syndicat.
Accrochée aux flancs du Mont-Pèlerin, à un jet de pierre du manoir où Charlie Chaplin passa les 25 dernières années de sa vie, la zone industrielle de Fenil offre une vue de carte postale sur la Riviera lémanique et les montagnes qui l’entourent.
Bien qu’installée à des centaines de kilomètres de la mer, Décision SA fait partie des vingt entreprises au monde capable de fabriquer un Class America. C’est déjà de son four géant qu’étaient sortis SUI 64, vainqueur en 2003, ainsi que son «sparring partner», SUI 75.
La force de l’acier
Le Vaudois Bertrand Cardis reçoit dans un bureau adjacent. Le maître des lieux parle comme un cuisinier: Arrivée congelée, la tonne et demi de carbone a été mise en forme par 25 marmitons. Elle est ensuite cuite à petit feu dans un four de 26 mètres de long, 6 mètres de haut et 4 mètres de large. Entre deux fournées, le chantier s’active sous la direction de Jean-Marie Fragnière et de Claude-Alain Jaccot.
Il faut traquer les fissures, assurer la cohésion de la coque, chasser les bulles d’air. «Ça ne marche que si tout le monde soigne le détail», explique Cardis. A mi-chemin entre artisanat et high-tech, le chantier réussit à chaque fois un plat unique.
La comparaison avec une recette s’arrête là. Le «sandwich» – une couche de nid d’abeille entre deux couches de carbone – ne se mange pas. Il a, par contre, la force de l’acier et le poids du carton. Utilisé notamment dans l’industrie automobile, dans l’aviation et dans le secteur médical, le matériau «composite» est un enjeu technologique important de ce début de siècle.
PME, «officiels suppliers» et (co)-sponsors
Figures de proue de la technologie helvétique dans l’aventure Alinghi, l’EPFL et le chantier naval Décision SA ne seraient rien sans le savoir-faire d’une grande quantité de petites et moyennes entreprises (PME) du pays.
Impossibles à dénombrer, celles-ci fluctuent au gré des idées et des besoins en fonction de leurs domaines de compétences pour l’élaboration de pièces particulières ou même un travail bien spécifique sur une partie des dites pièces en question.
En plus de ces dernières, Il faut se rappeler que la plus grande banque du pays est montée sur le bateau d’Ernesto Bertarelli en qualité de sponsor principal (montant estimé à près de 30 millions de francs) et que trois autres firmes helvétiques figurent au rang de co-sponsors (montant estimé à près de 10 millions de francs chacune).
En plus, plusieurs entreprises helvétiques officient en qualité d’«officiels suppliers». Ces dernières ont «monnayé» leur présence à bord de la formule 1 des mers contre une aide logistique bien spécifique.
swissinfo: Pierre-Antoine Preti / Skippers Magazine et Mathias Froidevaux
Née en 1851, 45 ans avant les premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne (1896), l’America’s Cup est le plus vieux trophée sportif du monde à se disputer encore aujourd’hui.
Gagnée en 2003, par le Team Alinghi d’Ernesto Bertarelli, battant pavillon de la Société Nautique de Genève, l’aiguière d’argent est revenue en Europe pour la première fois depuis qu’elle quitta l’Angleterre, il y a 152 ans.
L’America’s Cup se court en «match racing». Cette discipline vélique confronte deux bateaux l’un à l’autre. Le marquage de l’adversaire est primordial pour l’emporter.
Absent de la Coupe Louis Vuitton, le Defender Alinghi a eu un peu plus de temps que ses adversaires pour peaufiner ses options technologiques. Pendant la construction de la coque, le chantier est ultra secret.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.