Avec la mort du père du LSD, restent les souvenirs
Découvreur du LSD, le chimiste suisse Albert Hofmann est mort mardi à 102 ans. Le LSD lui survit, même s'il n'a plus l'aura qui était la sienne dans les années soixante. Le chanteur Polo Hofer s'en souvient.
Aldous Huxley, puis les poètes de la «beat generation» Jack Kerouac, William Burroughs, Allen Ginsberg ont expérimenté l’«enfant terrible» d’Albert Hofmann. Le philosophe Michel Foucault aussi. Et bien sûr les millions de chevelus de la vague hippie dès le milieu des années soixante.
En Suisse, Polo Hofer, né en 1945, se rappelle lui aussi avoir consommé du LSD, très répandu dans les «sixties» parmi les artistes et les intellectuels, explique le chanteur alémanique à swissinfo.
«Mais il fallait connaître les bonnes personnes, il n’était pas disponible sur le marché libre. (…) Nous n’avons jamais pris de LSD en disco, mais plutôt en forêt ou dans les Alpes. Un trip durait entre huit et douze heures.»
Polo Hofer ne fait pas l’apologie de cet hallucinogène puissant. Il assure que la consommation – jamais solitaire – allait de pair avec une vraie préparation, selon les préceptes du gourou de la contre-culture Timothy Leary.
Mystique et spirituel
Polo Hofer se dit reconnaissant à l’égard d’Albert Hofmann et sa découverte génératrice d’«expériences épanouissantes» et de souvenirs mémorables. Un constat généralisé aujourd’hui encore parmi les amis d’Hofer, dixit l’intéressé.
Un «trip» au LSD avait «quelque chose de mystique et de spirituel. On acquérait un respect profond pour la nature et ce qui est en nous. Des images d’une incroyable beauté nous venaient – on pouvait admirer une fraise pendant une demi-heure. On en venait à percevoir le nano-cosmos, à constater que tout est lié».
Si, aux dires de Polo Hofer, le LSD peut favoriser l’inspiration, la scène musicale suisse des années soixante n’en a pas fait un usage comparable à celui des musiciens américains.
Lui-même a effectué son premier «trip» avec l’organiste des Moody Blues («Night in white satin»). Mais il se souvient aussi en avoir consommé lors de jam sessions relativement problématiques sur le plan strictement musical…
Découvert par hasard
Hofer estime que la LSD ne fut plus qu’un souvenir en Suisse à partir de 1975 (interdit dès 73). Après quelques «trips», vu l’absence d’accoutumance, chacun était rapidement revenu à ses préoccupations plus… terre à terre.
Grand admirateur de la nature, Albert Hofmann a découvert par hasard les effets psychotropes de l’acide lysergique diéthylamide (Lyserg Säure Diethylamid en allemand). C’était en 1943.
Cette substance, il l’avait en réalité synthétisée dès 1938 lors de recherches médicales menées pour le compte de l’entreprise pharmaceutique bâloise Sandoz. Mais les expériences avaient rapidement été stoppées, faute d’intérêt de la part des scientifiques.
Au départ, le chimiste suisse escomptait tirer un stimulant circulatoire et respiratoire des alcaloïdes de l’ergot de seigle, un champignon parasite des graminées.
Les travaux ultérieurs d’Albert Hofmann sur ce champignon ont d’ailleurs permis de synthétiser d’autres dérivés, dont un médicament permettant de stopper les hémorragies lors des accouchements.
Premier trip synthétique
Albert Hofmann avait commencé par expérimenter sur lui-même la substance hallucinogène: vertiges, sensation d’ébriété et hallucinations. Le premier «trip synthétique» de l’histoire.
Mais le chimiste a eu du mal à convaincre ses collègues de la puissance de la substance. Son supérieur est allé jusqu’à répéter l’expérience sur lui-même pour le croire.
«J’ai produit cette substance comme médicament. Ce n’est pas de ma faute si les gens en ont abusé», déclarera Hofmann plus tard. Désapprouvant les excès des années 1960, le chimiste a cependant toujours cru aux vertus thérapeutiques de son «enfant terrible».
swissinfo et les agences
Synthétisé une première fois en 1938, puis testé en 1943 par le Bâlois Albert Hofmann, le LSD est l’hallucinogène le plus puissant connu à ce jour.
Il a pour effets principaux d’intensifier et de déformer les perceptions.
Il peut induire des réactions de panique et d’agressivité ou réveiller des troubles psychiques préexistants et conduire au suicide. Mais il n’est pas considéré comme une drogue à accoutumance.
Les effets d’une prise de LSD durent jusqu’à 12 heures.
La substance peut aussi causer des «flashbacks», où l’on se sent à nouveau brièvement sous son effet longtemps après l’expérience.
La production du LSD par Sandoz s’est étendue de 1947 à 1966. Le produit, destiné au corps médical, se présentait sous la forme de dragées et d’ampoules.
Seuls quelques psychiatres sont aujourd’hui autorisés à en faire usage.
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