Bangkok pleure une princesse élevée en Suisse
Le roi Bhumibol a procédé samedi à une grandiose cérémonie de crémation, celle de sa sœur aînée, la princesse Galyani, décédée en janvier. Une aristocrate qui a fréquemment séjourné en Suisse.
Tout de noir ou de blanc habillés, des centaines de milliers de Thaïlandais ont fait le déplacement près du Grand Palais, au cœur de Bangkok, pour suivre de loin la cérémonie funèbre ponctuée de salves d’artillerie et dictée par un cérémonial séculaire.
Arrivée le matin même sur un chariot funéraire du XVIIIe siècle en bois doré à la feuille, tiré par 216 pages vêtus de rouge, la dépouille de la princesse Galyani a été placée à l’intérieur du pavillon de crémation construit spécialement pour l’occasion.
Face à lui, le « pavillon royal des sermons » a accueilli la famille royale, les proches de la princesse, le corps diplomatique, des centaines de fonctionnaires et officiers en grand uniforme blanc.
Au son des prières et des canons
Entouré de la reine Sirikit et de ses quatre enfants, le plus ancien souverain en exercice de la planète (il règne depuis 1946 sous le nom de Rama IX) a suivi les rites religieux qui combinent le rite bouddhiste et les traditions de la dynastie Chakri fondée en 1782.
Accompagné de moines revêtus d’une sobre robe safran, le roi en grand uniforme blanc a écouté avec une profonde émotion une longue litanie du chœur des moines, avant de se rendre lentement – il approche des 81 ans – à l’intérieur du pavillon de crémation pour une mise à feu symbolique du bûcher au son des canons d’artilleries et de salves de fusils.
La capitale, dont le cœur de la ville avait été bloqué à la circulation, a alors retenu son souffle dans une émotion perceptible sur les visages et dans le silence impressionnant qui régnait.
Dans un deuxième temps, l’assistance a pu s’incliner face au cercueil en une longue procession et alimenter le foyer au moyen de branches de bois de santal distribuées par milliers.
Trois heures après, soutenu par la reine Sirikit et l’une de ses filles, la princesse Sirindhorn, le roi est revenu procéder à la mise à feu réelle. Durant la crémation qui s’est déroulée loin des regards, à l’intérieur du pavillon spécial, des danseurs, des chanteurs et des marionnettistes thaïes ont honoré leur fidèle mécène. Ils rendaient hommage à cette amie des arts et de la musique classique appréciée lors de son séjour suisse.
Ecoles et Universités en Suisse
Décédée le 2 janvier dernier à l’âge de 84 ans, la princesse Galyani était une fidèle amie de la Suisse, un pays où elle a passé plusieurs dizaines d’années avant de revenir à Bangkok.
Née à Londres en 1923, elle est arrivée à Lausanne en 1933 avec sa mère et ses deux frères cadets, Ananda et Bhimibol, âgés de 8 et 6 ans. Son père, prince Mahidol de Songkla et fils du roi Chulalongkorn (Rama V), un docteur en médecine, était décédé prématurément en 1929.
Devenue veuve, la jeune mère décidait de s’installait en Suisse pour l’éducation de ses trois enfants avec l’appui d’un précepteur lausannois, Cléon Séraïdaris.
C’est ainsi que la princesse Galyani s’est retrouvée démocratiquement inscrite à l’Ecole Supérieur de jeunes filles, à Lausanne, sous le nom de Galyani Mahidol : « Nous étions dans un petit pays et l’on nous appelait simplement monsieur, mademoiselle, et non pas princes et princesse, aimait à dire la sœur des deux futurs rois.
Inscrite à l’Ecole internationale de Genève, la princesse – de son nom complet : Galyani Vadhana Krom Luang Naradhiwas Rajanagarindra – sera première de son école et réussira son baccalauréat suisse. Inscrite en section chimie de la Faculté des sciences de l’Université de Lausanne qu’elle terminera en 1948, elle a suivi en parallèle des cours à la Faculté des Sciences sociales.
En 1944, elle épousa un colonel thaïlandais avec lequel ils auront une fille, Tasna. La princesse Galyani a mené une vie active mêlant les obligations de son rang et celles d’un professeur de littérature française dans plusieurs universités de Bangkok.
Adepte du ski en Valais
Tout comme sa mère, la princesse Galyani a longtemps conservé un domicile à Lausanne et à Pully, au bord du Léman, où personne n’importunait leurs altesses. Adepte du ski en Valais – elle a aussi beaucoup fréquenté Montana-Crans – elle revenait régulièrement en Suisse romande, où elle avait conservé de nombreux amis.
Présidant de nombreuses associations et fondations caritatives thaïlandaises, elle visitait les villages les plus reculés du royaume pour accompagner des équipes médicales. Elle a écrit de nombreux ouvrages, notamment sur la destinée exceptionnelle de sa famille qui a mené une vie simple en Suisse, avant de voir deux de ses fils monter sur le trône d’un royaume de 65 millions d’habitants.
swissinfo, Olivier Grivat à Bangkok
En 1935, le jeune (10 ans ) Ananda Mahidol, frère de la princesse Galyani, est appelé à régner sous le nom de Rama VIII.
Il est assassiné lors d’un séjour à Bangkok, le 9 juin 1946, avant même son couronnement, alors qu’il terminait des études de droit à Lausanne.
Son jeune frère Bhumibol lui succéde.
Le futur Rama IX (19 ans) entame des études de droit à Lausanne, laissant trois régents nommés par le Parlement mener les affaires du Royaume.
En 1950, Bhumibol est couronné à Bangkok et termine ses études à Lausanne.
En 1960, le roi Bhumibol loge une année au Flonzaley, dans la région du Lavaux au bord du lac Léman.
Son dernier séjour à Lausanne date de 1964.
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