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Carlo Janka, l’imperturbable Grison au talent fou

Janka au sommet. Surnommé «Iceman», le jeune champion n’est pas pour autant un taiseux. Keystone

Deuxième du super-combiné mais surtout vainqueur de la descente du Lauberhorn, Carlo Janka a été l’homme fort du week-end dans l’Oberland bernois. A un mois des Jeux de Vancouver, le Grison est déjà porté à l’unisson vers un glorieux destin.

Daniel Albrecht, Lara Gut, Carlo Janka. En quelques années, le ski suisse a vu éclore trois talents d’exception. Les Autrichiens, rivaux ancestraux, qui s’appuient sur une arrière-garde vieillissante – Raich, Walchhofer, Herbst – commencent à s’inquiéter. Si Daniel Albrecht et Lara Gut sont hors combat en raison de blessures sérieuses, Carlo Janka est en train à lui seul de donner des sueurs froides à la «Wunderteam».

Ce week-end, à Wengen, le skieur d’Obersaxen a frappé fort, très fort. Battu seulement par le revenant Bode Miller lors du super-combiné de vendredi, Janka a littéralement survolé la descente du Lauberhorn, mettant 66 centièmes dans la vue à son poursuivant Manuel Osborne-Paradis.

Troisième, Marco Buechel, 38 ans, vétéran d’un circuit de Coupe du monde qu’il parcourt depuis 16 ans, adoube: «C’est l’un des meilleurs skieurs qu’il m’ait été donné de côtoyer dans ma carrière. Gagner le Lauberhorn à sa deuxième participation, c’est tout simplement exceptionnel. Il a tout: la technique, le talent, le bon matériel. Je suis persuadé qu’il remportera un jour le général de la Coupe du monde».

Des rivaux ébahis

Cinquième samedi, Didier Cuche, qui tente depuis de nombreuses années d’inscrire le Lauberhorn à son palmarès déjà bien garni, s’incline devant tant de classe: «Il n’y avait rien à faire. Carlo skie sur un nuage. Il est déconcertant de talent et de décontraction». Fluidité, sensibilité extraordinaire sur les skis, homogénéité parfaite dans les mouvements: le Grison impressionne tous les suiveurs de la Coupe du monde.

A ces aptitudes techniques s’ajoute un incroyable «talent psychologique», dixit Didier Cuche. Imperméable à la pression, rien ne semble pouvoir l’irriter ou le perturber. Et quelle sobriété. Pour fêter sa victoire au Lauberhorn, il a simplement levé… un doigt en direction du ciel. «Certains sautent de joie dans l’aire d’arrivée, ça ne me dérange pas. Moi, je ne suis pas comme ça», se défend simplement le Grison devant des journalistes désireux de transpercer la carapace.

Janka, surnommé «Iceman», n’est pas pour autant un taiseux qui évite le contact avec le public et la presse. S’exprimant parfaitement en anglais, de sa voix grave, il n’esquive aucune question, abordant tous les sujets avec une grande décontraction.

Un surdoué

Du côté de Swiss-Ski, la Fédération suisse de ski, on est évidemment conscient de tenir là une perle rare, ou plutôt un joyau brut, à l’instar de Lara Gut: «Ce sont deux surdoués à qui tout sourit avec une incroyable facilité. Ils réussissent dans le ski, mais ça aurait très bien pu être dans un autre sport ou dans un tout autre champ d’activité», affirme Mauro Pini, ancien entraîneur de Lara Gut, aujourd’hui responsable des descendeurs suisses.

Le Tessinois freine toutefois les ardeurs de ceux qui voient déjà en Carlo Janka le prochain Pirmin Zurbriggen, quatre fois vainqueur du général de la Coupe du monde dans les années 80: «Avant de pouvoir le comparer à Pirmin, beaucoup d’eau doit couler sous les ponts. Il a du temps devant lui pour développer ses capacités. Sa chance est de pouvoir grandir à l’ombre des deux Didier (ndlr: Cuche et Défago). Personne ne lui met de pression sur les épaules.».

Vainqueur des trois épreuves de Beaver Creek (descente, super-combiné, géant) début décembre, Janka avait connu une petite baisse de régime lors de son retour sur sol européen. Afin de le préserver au mieux en vue des Jeux de Vancouver, ses entraîneurs vont lui ménager au maximum des plages de repos durant un mois de janvier très chargé. Ce dimanche, il n’a pas pris le départ du slalom de Wengen. Il en ira de même le week-end prochain à Kitzbühel. Et tant pis si Benjamin Raich, son plus sérieux rival au classement général de la Coupe du monde, engrange des points en son absence – trois slaloms sont agendés jusqu’aux Jeux. «On fera les comptes en fin de saison», se plaît à répéter le Grison, pas pressé pour un sou.

Un retard vite rattrapé

Contrairement à Daniel Albrecht ou Silvan Zurbriggen, Carlo Janka n’a jamais séjourné au «lycée du ski» de Stams, en Autriche, véritable usine à former les champions de demain. Le Grison est un pur produit de Swiss-Ski. Sous la houlette de son entraîneur Jörg Rothen et au contact de son ‘pote’ Daniel Albrecht, Carlo Janka a compris récemment qu’il avait les moyens de rivaliser avec des skieurs qu’il admirait il y a encore deux ans.

Depuis, il a travaillé durement pour parfaire sa condition physique. Eclos tardivement, à l’âge de 21 ans, Janka a très vite rattrapé son retard. Son premier exploit date de novembre 2008, à Lake Louise (2e en descente). Depuis, il est monté 11 fois sur un podium de Coupe du monde, dont 8 cette saison (4 victoires). Aux Mondiaux de Val d’Isère, en février 2008, il a remporté le bronze en descente avant d’être sacré quelques jours plus tard champion du monde de géant.

Si les blessures l’épargnent d’ici là, Carlo Janka devrait être l’un des personnages en vue lors des prochains Jeux olympiques. «C’est encore très loin et je suis pour l’instant concentré sur la Coupe du monde. Mais c’est vrai que j’apprécie particulièrement la neige en Amérique du Nord. Les pistes sont moins glacées, ça me convient mieux. J’ai donc un bon feeling pour Vancouver». S’il le dit…

Samuel Jaberg, Wengen, swissinfo.ch

Grisons. Carlo Janka est un skieur suisse âgé de 23 ans et originaire d’Obersaxen, dans le canton des Grisons. Il a fait ses débuts en Coupe du monde en décembre 2005 à Kranjska Gora. Il a obtenu son premier podium en novembre 2008 à Lake Louise (2e en descente).

Champion. En février 2009, il décroche la médaille de bronze de la descente aux Championnats du monde de Val d’Isère avant d’être sacré champion du monde du géant. En mars 2009, il obtient le globe de cristal du super-combiné.

Leader. Cette saison, il est déjà monté à huit reprises sur le podium, dont quatre fois sur la plus haute marche. Il occupe la tête du général de la Coupe du monde devant l’Autrichien Benjamin Raich.

Lauberhorn. Carlo Janka est le 8e suisse après Didier Défago (2009), Bruno Kernen (2003), William Besse (1994), Franz Heinzer (1992), Toni Bürgler (1981), Peter Müller (1980) et Roland Collombin (1974) à remporter la descente du Lauberhorn depuis la création de la Coupe du monde en 1966.

Classement général:
1. Carlo Janka (S) 757
2. Benjamin Raich (Aut) 739
3. Didier Cuche (S) 526
puis les Suisses:
6. Didier Défago 401
11. Silvan Zurbriggen
33. Ambrosi Hoffmann 140
41. Tobias Grünenfelder 113

Lauréats. Les 80e courses du Lauberhorn se sont déroulées du 15 au 17 janvier 2010 dans la station bernoise de Wengen. Le super-combiné a été remporté par l’Américain Bode Miller, devant les Suisses Carlo Janka et Silvan Zurbriggen. La descente, événement central du week-end, a souri à Carlo Janka.

Slalom. Dimanche, le slalom a été remporté par le Croate Ivica Kostelic, devant le Suédois Andre Myhrer et les deux Autrichiens Reinfried Herbst et Benjamin Raich. Meilleur Suisse, Silvan Zurbriggen est sixième.

Record. Plus de 58’000 spectateurs, nouveau record, ont assisté aux trois épreuves du week-end. Ils étaient 32’000 pour la seule descente de samedi. Plus d’un million de téléspectateurs suisses ont suivi la descente. Les images sont produites par la télévision suisse-alémanique, qui fêtait 50 ans de direct télévisé cette année. 110 personnes, 19 caméras et 20 tonnes de matériel sont nécessaires pour assurer la retransmission de l’épreuve.

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