Coup fatal contre le prix unique du livre
Le gouvernement ne veut pas du prix unique du livre en Suisse alémanique. Il refuse une requête de la branche, qui plaidait pour une exception à la loi sur les cartels.
Cette dernière se déclare «très déçue». L’Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires (ASDEL) y voit un signal de politique culturelle erroné.
Cette décision du gouvernement fait suite à la requête déposée par l’Association suisse des libraires et éditeurs et son homologue allemande.
Par crainte d’une déstabilisation du marché alémanique du livre et de la disparition de maintes librairies indépendantes, ces organisations auraient voulu que le gouvernement fasse une exception à la concurrence.
Mais ce dernier estime que les intérêts culturels invoqués par la branche peuvent être sauvegardés par d’autres moyens.
«Cette décision risque de déstabiliser le marché du livre outre-Sarine», redoute maintenant le secrétaire général de l’ASDEL.
«C’est une mauvaise nouvelle. (…) Le Conseil fédéral n’a pas reconnu au livre son statut de bien culturel, poursuit Jacques Scherrer. Sa décision risque de déstabiliser le marché du livre en Suisse alémanique.»
Martin Jann se déclare «très déçu». Directeur de l’Association des libraires et éditeurs de Suisse alémanique (SBVV), il dit craindre que maintes librairies indépendantes alémaniques ne puissent faire face à la concurrence des grandes chaînes de distribution.
Pas d’arguments nouveaux
Après une série de procédures et recours, le Conseil fédéral était seul compétent pour autoriser des accords de nature cartellaire jugés nécessaires par la branche pour sauvegarder des intérêts publics prépondérants.
«Les requérants n’ont pas été en mesure de démontrer que le régime des prix imposés est nécessaire pour obtenir les effets positifs invoqués dans leur demande», relève le gouvernement.
Ils n’ont pas non plus apporté de nouveaux arguments par rapport à ceux déjà avancés dans le passé.
Pas en Suisse romande
Comme la Commission fédérale de la concurrence (Comco), l’exécutif considère qu’on ne peut pas établir un lien de causalité entre le régime de prix imposés et la diversité de l’offre.
Le gouvernement faire valoir que le nombre de titres disponible est équivalent dans les zones linguistiques et que la production éditoriale augmente dans toutes les régions du pays. Quand bien même les Romands ne connaissent pas le prix unique.
Berne estime aussi que la densité des librairies est supérieure en Suisse romande (une librairie pour 10’060 habitants) à celle de la Suisse alémanique (une pour 11 457 habitants).
Ces valeurs ne sont que d’une librairie pour 24’800 habitants en France, pays avec système de prix fixes.
Prix plafond et plancher
Enfin, le Conseil fédéral est d’avis que la Suisse a déjà pris des mesures pour promouvoir le livre et l’édition, notamment au travers d’entités comme Pro Helvetia et la Bibliothèque nationale.
Les livres sont frappés d’un taux de TVA réduit de 2,4%, «ce qui représente une aide de 40 à 50 millions de francs par an».
Le prix unique du livre est en vigueur pour plus de 90% des ouvrages vendus en Suisse alémanique.
En Suisse romande au contraire, le prix de vente est réglé par des accords entre les éditeurs, majoritairement français, et les diffuseurs suisses. Les libraires peuvent ensuite pratiquer les rabais qu’ils veulent sur la marchandise.
Le prix du livre est un thème chaud qui occupe aussi le Parlement. En décembre, la majorité du Conseil national (chambre du peuple) s’est prononcé en faveur d’un prix réglementé.
En clair, le conseil a autorisé sa commission à préparer un projet de loi qui pourrait être présenté cet automne. Une loi dont les professionnels souhaitent qu’elle prévoie un prix plancher et un prix plafond.
swissinfo et les agences.
En Suisse, un milliard de francs sont dépensés chaque année pour l’achat de livres.
Quelque 50 millions de livres sont disponibles en bibliothèques.
L’industrie du livre est le principal acteur du secteur culturel en Suisse.
Par ‘prix unique du livre’, on entend une réglementation qui fixe de façon uniforme le prix d’un livre. Cela selon l’argument que le livre, considéré comme un bien culturel, échappe au principe de la libre concurrence.
La France, l’Allemagne et l’Autriche règlent le prix du livre à travers la loi. Dans d’autres pays européens, il est réglé par un accord entre éditeurs et libraires. La Suède et la Belgique ne connaissent pas de telles réglementations.
En Suisse alémanique, le prix du livre est fixé par un accord entre les éditeurs et des librairies. Selon la Commission de la concurrence, cet accord est contraire à la Loi fédérale sur les cartels. Dans un arrêt publié en mars dernier, le Tribunal fédéral a jugé que le prix unique du livre était une entrave illégale à la concurrence
Les éditeurs et libraires ont introduit une demande d’exception auprès du Conseil fédéral (gouvernement), en vertu de la fonction de vecteur culturel du livre. Le parlement traitera également de la question.
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