Des Suisses sur la ligne de démarcation coréenne
Micheline Calmy-Rey est devenue l'une des rares représentantes d'un gouvernement étranger à avoir pu traverser la fameuse zone démilitarisée entre les deux Corée.
Depuis cinquante ans, cette zone est notamment surveillée par une mission suisse chargée de superviser le cessez-le-feu.
«Autrefois, le rôle de la Suisse était beaucoup plus exposé, mais l’accord d’armistice de 1953, dont la Suisse est l’un des garants, est toujours en vigueur», explique Adrien Evéquoz.
Une mission qui n’est pas que de la figuration, précise le chef de la délégation suisse intégrant la commission des nations neutres pour la surveillance de l’armistice en Corée (CSNN), basée à Panmunjom.
Cette commission de pays tiers a pour mission principale de séparer les forces armées qui sont techniquement toujours en guerre depuis la guerre de Corée.
Un général suisse
Pour les besoins de sa fonction, le divisionnaire fribourgeois est le seul officier suisse à porter le titre de général, afin de pouvoir traiter d’égal à égal avec ses interlocuteurs de la CSNN, tous officiers généraux.
«Nos prédécesseurs effectuaient des inspections des troupes et des armes qui pénétraient le Panmunjom, explique Adrien Evéquoz. Actuellement, notre travail consiste essentiellement à soutenir la structure de paix et rappeler aux Nord et Sud Coréens que l’armistice est toujours en place.»
La mini-garnison de cinq officiers suisses est stationnée exactement sur l’ancienne ligne des combats entre les deux frères ennemis. Elle a pour mission de garantir le respect de la trêve conclue en 1953 au terme d’une guerre de Corée qui coûta la vie à 600’000 hommes de part et d’autre et engagea une vingtaine de nations.
Absolument neutre, la CSNN est composée de la Suisse et de la Suède côté Sud, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie côté Nord. Mais ces deux derniers pays ont perdu leurs prérogatives avec la fin de la guerre froide.
Autrefois, les tâches de «supervision, observation, inspection et enquête » nécessitèrent la présence de 93 soldats helvétiques. Aujourd’hui, ils ne sont donc plus que cinq (pour quatre Suédois).
Une mission très particulière
«La CSNN n’en demeure pas moins à Panmunjon, dit Adrien Evéquoz, car le sens fondamental de son existence n’a pas changé.»
La traversée de la ligne de démarcation reste d’ailleurs un événement extraordinaire. En 1994, dans le cadre de la première crise nucléaire, l’ancien président américain Jimmy Carter avait eu ce privilège.
Que la cheffe de la diplomatie suisse ait pu effectuer ce passage prouve que la Suisse entretient «une relation de confiance» avec les deux Corée.
D’ailleurs, en 2001, Pyongyang avait refusé pareille faveur au Premier ministre suédois.
Une zone bien gardée
Tous les mardis à 10 heures précises, les observateurs suisses et suédois de la zone se rencontrent sur la frontière.
«C’est un symbole, explique le colonel Christian Studer, adjoint d’Adrien Evéquoz. Il s’agit de signifier aux Nord-Coréens que nous remplissons notre mission sérieusement.»
Christian Studer, ou l’un de ses collègues, passe la porte de métal et les barbelés qui ferment le camp suisse pour traverser une passerelle de bois peint en bleu ciel, la couleur du drapeau des Nations Unies.
Il se rend dans un des baraquements formant la «ligne de conférence», située exactement sur la frontière Nord-Sud. Cette ligne fait partie de la zone commune de sécurité, un îlot au milieu de la zone démilitarisée, qui fait elle-même 241 km sur 4.
Un camp retranché
Pour accéder au camp suisse, il faut traverser les nombreux barrages et champs de mine de la zone démilitarisée, sous la protection d’une escorte militaire américaine armée jusqu’aux dents.
Dans le cantonnement suisse, par contre, on ne trouve pas une arme. Une maisonnette rouge tient lieu de club, au milieu d’une végétation qui fait presque oublier les tensions frontalières.
Le silence n’est troublé que par la musique de propagande diffusée par les haut-parleurs que Nord et Sud Coréens ont disséminé le long de la ligne de démarcation.
Le club contient notamment un billard et une grande télévision. «Nous regardons parfois les infos nord-coréennes, précise Christian Studer, mais plutôt pour constater tout ce qui est passé sous silence.»
Le club est utilisé pour accueillir les diplomates et autres personnalités. Trois cloches de vaches sont accrochées près de la porte d’entrée. Dans une vitrine sont exposés des couteaux et des drapeaux suisses et autres T-shirts dont sont friand les visiteurs américains et sud coréens.
En attendant la paix
Les militaires suisses passent le week-end à Séoul. Mais ils ne sont pas autorisés à se rendre officiellement sur territoire nord-coréen, selon les termes de leur mission.
La journée, les militaires suisses vaquent pour l’essentiel à des tâches administratives et ils rentrent à Séoul le week-end.
La mission suisse se poursuivra jusqu’à ce que les deux Corée signent un véritable traité de paix. Combinée à une bonne dose de diplomatie et de relations publiques, cette continuité fait partie intégrante du rôle d’une Suisse garante d’un armistice paraphé il y a cinquante ans.
swissinfo, Juliet Linley
(Traduction: Isabelle Eichenberger)
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