Des vies détruites par millions
S'il offre aux pédocriminels un moyen de satisfaire leurs sinistres fantasmes, Internet est également le lieu idéal pour les traquer.
Dans ce domaine, la Suisse pourrait mieux faire. Et Marche Blanche ne manque pas de le lui rappeler.
L’an dernier, on ne recensait pas moins de 180’000 sites de pornographie enfantine sur la toile. Le chiffre est grimpé à 200’000 cette année et les spécialistes estiment n’avoir vu là qu’un cinquième de ce qui existe.
«Certains de ces sites peuvent contenir jusqu’à 300’000 photos. Et il ne faut jamais oublier que ces millions d’images sont celles de millions d’enfants violés», s’insurge Christine Bussat, présidente de l’association Marche Blanche.
Pas à l’abri
Contrairement à une croyance encore répandue, l’anonymat dont jouit l’utilisateur du réseau des réseaux n’est pas absolu. En y mettant les moyens, la police parvient parfois à localiser les criminels.
Certains coups de filet de grande envergure réalisés ces derniers temps en sont la preuve tangible.
Et même s’il semble établi que la Suisse a peu de chance d’héberger des sites pédocriminels, les limiers helvétiques ont leur rôle à jouer dans cette traque, qui se joue désormais au niveau planétaire.
Berne traîne les pieds
De 1997 à 1999, la police fédérale a entretenu à titre expérimental sa propre cellule de surveillance de la toile… généreusement dotée de deux agents à mi-temps.
Marche Blanche n’est pas la seule à demander la remise sur pied d’une structure plus sérieuse. Depuis des années, les interventions parlementaires en ce sens s’accumulent dans les bureaux du ministère de la justice.
«Lorsque Ruth Metzler nous a écrit en février 2002, elle promettait le démarrage de cette cellule pour l’année en cours. Or deux semaines plus tard, nous apprenions qu’il était remis à 2003», s’insurge Christine Bussat.
A l’époque, on parle encore d’une équipe de douze agents. Au fil des mois toutefois, la dotation prévue passe à dix, puis neuf, et finalement sept personnes.
Zurich n’en sera pas
Danièle Bersier, porte-parole de l’Office fédéral de la Police, rappelle que la cellule est un projet commun à la Confédération et aux cantons, qui devraient assurer les deux tiers de son financement.
Si dix-huit cantons ont donné leur feu vert, Zurich refuse encore de participer au financement, en invoquant des raisons budgétaires. «Voilà pourquoi le projet actuel est celui d’une cellule réduite. Mais on peut commencer à partir de sept membres», estime Danièle Bersier.
Question de priorité
De plus, la cellule sera chargée de traquer toutes les formes de cybercriminalité. «Nous n’avons aucune assurance qu’elle se donne la protection des enfants comme priorité», s’inquiète Christine Bussat.
Une crainte que partage Dominique Warluzel, fervent soutien de l’action de Marche Blanche. «La justice ne veut pas se donner les moyens de lutter vraiment contre la pédocriminalité», estime l’avocat genevois.
Selon lui, les magistrats privilégient trop souvent la répression des délits économiques. Avec parfois d’arrière-pensées électoralistes, dans les cantons où les juges sont soumis au verdict des urnes.
swissinfo/Marc-André Miserez
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