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Dominique Wavre à la chasse aux milles dans le grand Sud

Dominique Wavre, à la barre de son monocoque Temenos II, pointe en 12e position du Vendée Globe. Stichelbaut/Bleue Salée

Voilà plus d'un mois que les concurrents du Vendée Globe ont largué les amarres pour tenter de boucler le plus rapidement possible le tour du monde en solitaire. Parmi eux, deux Suisses, dont le Genevois Dominique Wavre. Interview d'un marin à la poursuite du temps perdu dans les mers du Sud.

A l’approche des îles Kerguelen, entre le Cap de Bonne Espérance et l’Australie, dans ce grand Sud qui a forgé le mythe des courses en solitaire autour du monde, Dominique Wavre s’accroche comme un beau diable à la flotille de tête.

Après plus d’un tiers de la course, les premiers concurrents se tiennent dans un mouchoir de poche et bien malin qui peut prédire le nom du vainqueur de ce 6e Vendée Globe. Actuellement 12e, le marin genevois croit encore en ses chances de victoire. Pour autant que la météo se range de son côté.

Au bout du fil, la voix de Dominique Wavre est parfaitement audible. Certes, articuler des phrases cohérentes est une mission délicate au cœur de cet environnement hostile et avec ce froid qui engourdit les organismes. Mais malgré ces conditions difficiles, le navigateur en solitaire arrive à garder toute sa lucidité et sa capacité d’analyse.

swissinfo: Dominique Wavre, quelle est votre situation après un peu plus d’un mois de course?

Dominique Wavre: Je suis assez en forme, le bateau également. Je n’ai pas d’avarie grave à signaler, uniquement des petites broutilles. Il fait froid, l’eau est à 3 degrés, le ciel est couvert et actuellement je fais de belles vitesses au portant (ndlr: vent venant de l’arrière du bateau). J’avais perdu beaucoup de terrain il y a deux nuits dans une bulle anticyclonique, qui m’a pratiquement contraint à l’arrêt pendant 5 heures. Maintenant, j’ai refait une partie de mon retard sur les premiers. Je suis actuellement 12e de la course et assez satisfait de ma position.

swissinfo: Cette perte de terrain que vous évoquez a-t-elle pesé sur le moral?

D.W.: Plus qu’une baisse de moral, c’est un sentiment d’énervement qui m’a envahi. J’étais agacé par le fait que la malchance m’ait persécuté de cette manière, ce qui m’a rendu agressif. Durant les 24 heures qui ont suivi cette mésaventure, j’ai appuyé sur le champignon et j’ai ainsi parcouru pratiquement 400 milles, soit près de 800 kilomètres.

swissinfo: Vous avez été contraint de rentrer aux Sables d’Olonne peu après votre départ en raison de problèmes techniques. Ce coup du sort vous poursuit-il encore?

D.W.: Forcément, ça reste dans un coin de ma tête car je serais au moins 150 milles plus en avant si j’avais pu prendre le départ avec les autres. Mais c’est loin d’être une obsession. C’est un constat et je fais avec cette donnée qui est désormais intégrée dans le scénario de la course.

swissinfo: Est-ce que vous ressentez déjà les effets de la fatigue sur votre organisme?

D.W.: On n’a pas eu trop de mauvais temps jusqu’à maintenant, j’ai n’ai donc pas eu de gros coups de fatigue. Pour l’instant, je gère bien. Je me sens très en forme et parfaitement lucide. Physiquement, je n’ai pas l’impression d’avoir déjà tiré sur la machine.

swissinfo: Ce 6e Vendée Globe est plus serré que toutes les précédentes éditions. Pensez-vous avoir encore des chances de l’emporter ou du moins de finir sur le podium?

D.W.: Tout est possible, la course est encore très longue. Le fait que je sois parti avec du retard et que je sois parvenu à partiellement recoller au groupe de tête me rend optimiste pour la suite. Mais tout dépend du scénario météo. Si j’ai de nouveau de la malchance, alors les espoirs s’envoleront. Mais si les leaders entrent dans une bulle anticyclonique et que je peux profiter de revenir par l’arrière, je conserverai toutes mes chances. A l’heure actuelle, je dirais que c’est du 50-50.

swissinfo: Les îles Kerguelen, qui approchent, sont un passage délicat de la course. Comment allez-vous les aborder?

D.W.: On a face à nous une espèce de grande muraille. Au sud des îles Kerguelen, il y a des icebergs et il faut donc éviter cette zone. Et contourner par le nord nous fait parcourir passablement de distance. Il faut vraiment calculer nos angles de vent et notre trajectoire au plus juste de manière à pouvoir parer cet archipel correctement.

swissinfo: Avant votre départ, vous étiez impatient à l’idée de naviguer dans les mers du Sud. Etes-vous toujours aussi enthousiaste maintenant que vous êtes dans le vif du sujet?

D.W.: Oui, c’est toujours aussi fascinant et extraordinaire de naviguer dans ces espaces. Je suis conscient de vivre des moments incroyables et d’une densité extraordinaire. C’est parfois un peu dur physiquement mais, d’un autre côté, je me mets plein d’images inoubliables dans la tête.

swissinfo: Comment se déroule votre quotidien à bord?

D.W.: La vitesse du bateau est la préoccupation principale. Je suis sans arrêt en train de vérifier les cadrans pour voir s’il faut ajouter ou enlever de la toile afin d’augmenter la cadence. En dehors de ça, la stratégie météo est très importante. Je prends régulièrement les cartes météo pour tenter de faire de belles trajectoires. Quatre fois par jour, nous recevons les positions des autres concurrents. C’est également un moment important. Et finalement, il faut s’occuper de soi. On mange pour avoir assez de calories et on fait les petites choses nécessaires pour rester performant.

swissinfo: Vous êtes épaulé à terre par votre compagne Michèle Paret. Ce soutien est-il important pour vous?

D.W.: Ce soutien est non seulement hyper-important mais primordial. Si j’ai le moral et que je suis en forme, c’est grâce à elle. Elle me soutient et vérifie sans arrêt les paramètres du bateau. Elle me rappelle également toutes les choses auxquelles je dois penser. Michèle vit avec moi comme si elle était littéralement à bord.

swissinfo: Si vous pouviez commander quelque chose à bord de votre bateau maintenant, ça serait quoi?

D.W.: Sans hésitation, une douche chaude (rires). Il fait très froid, je suis actuellement emmitouflé dans plusieurs couches de vêtement.

Interview swissinfo, Samuel Jaberg

Dominique Wavre est né à Genève le 3 juillet 1955 d’un père ingénieur et d’une mère championne suisse de tennis.

A l’âge de 13 ans, il découvre sa passion pour la voile sur le Lac Léman.

En parallèle à sa passion pour la navigation, il poursuit des études littéraires et pédagogiques pour devenir professeur de dessin.

En 1981, il cède à l’appel du large et embarque aux côtés de Pierre Fehlman pour son premier tour du monde.

Durant sa longue carrière, il a parcouru plus de 350’000 milles et fait ainsi partie des marins les plus expérimentés de la voile océanique.

Avec sa compagne Michèle Paret, Dominique Wavre a bouclé en février la Barcelona World Race, une course sans escale et sans assistance, à la 3e place.

Il dispute actuellement son 3e Vendée Globe. Il avait terminé 5e en 2001 et 4e en 2005. Au total, il en est à son 8e tour du monde.

1.Jean-Pierre Dick (France)
à 16’772,4 milles de l’arrivée

2. Roland Jourdain (France)
à 30,4 milles du premier

3. Sébastien Josse (France)
à 34,6

4. Mike Golding (Grande-Bretagne)
à 37,2

5. Michel Desjoyeaux (France)
à 38,7

12. Dominique Wavre (Suisse)
à 266,2


14. Bernard Stamm (Suisse)
à 579

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