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Drame aérien: la justice pénale s’en mêle

Quelques roses sur le moteur brisé du Tupolev, témoin de la douleur des familles, qui sont arrivées sur place jeudi. Keystone

Après le Parquet de Constance, c'est au tour des Suisses d'ouvrir une procédure pénale sur la catastrophe aérienne et la responsabilité de Skyguide.

L’enquête, menée par le Ministère public de Bülach (ZH) devra établir une éventuelle responsabilité pénale des collaborateurs de la société de surveillance aérienne Skyguide.

La procédure porte sur des soupçons d’homicide par négligence et d’entrave, par négligence, à la circulation publique, a expliqué jeudi Christoph Naef, le juge d’instruction du district de Bülach.

L’enquête suisse portera sur les faits et gestes exacts des contrôleurs aériens de Skyguide lors de la prise en charge des deux appareils.

Jusqu’à trois ans de prison

L’enquête devra établir si des collaborateurs de Skyguide à Zurich-Kloten ont commis des erreurs pour lesquelles leur responsabilité pénale serait engagée. Les infractions en cause peuvent être sanctionnées d’une amende ou de peines jusqu’à trois ans de prison.

Le juge d’instruction zurichois doit encore recevoir le feu vert formel du Ministère public de la Confédération à Berne, mais les investigations urgentes peuvent commencer immédiatement. Jeudi en fin d’après-midi toutefois, aucun responsable de Skyguide n’avait encore été entendu.

Tout ce qui doit être entrepris le sera

Le Ministère public de la Confédération va examiner avec l’urgence requise la demande des autorités judiciaires zurichoises dès qu’elle sera parvenue à Berne, a déclaré Hansjuerg Mark Wiedmer, son porte-parole.

Le Procureur général de la Confédération, Valentin Roschacher, a déjà pris contact avec la justice zurichoise et a donné l’assurance au Ministère public russe que les autorités judiciaires suisses entreprendront toutes les démarches nécessaires pour contribuer à établir les causes de cette tragédie.

Compétences territoriales

Toutefois, l’enquête ouverte en Suisse n’a pas pour but d’établir le déroulement des faits à bord des avions. Les appareils sont étrangers et la collision s’est produite au-dessus du territoire allemand.

Mardi déjà, le Ministère public de Constance avait ouvert une procédure pénale, qui porte également sur des soupçons d’homicide par négligence et d’entrave à la circulation aérienne. Les responsables de Skyguide n’ont pas été inculpés, mais ils seront interrogés.

Le directeur du contrôle aérien en service au moment de la collision a été entendu pour la première fois mercredi par le Bureau fédéral allemand d’enquêtes sur les accidents d’aviation.

L’aiguilleur du ciel en faction au moment du drame reste quant à lui sous le choc. Il est sous traitement médical et n’a pas encore pu être interrogé.

44 secondes avant le choc

Jeudi encore, les enquêteurs allemands ont livré à la presse certains résultats de leurs investigations. Il en ressort que le Tupolev-154 russe n’a reçu l’ordre de descente des contrôleurs aériens suisses que 44 secondes avant la collision.

Peter Schlegel, le chef du bureau d’enquête allemand, a expliqué qu’une vérification approfondie des enregistrements radio a permis de réviser ce délai à la baisse. Auparavant, on avait parlé de 50 secondes.

«En fait, a déclaré le chef des enquêteurs allemands, le Tu-154 n’a reçu l’ordre d’entamer sa descente que 44 secondes avant le point de rencontre et la manœuvre n’a commencé que 14 secondes plus tard, soit 30 secondes avant le choc, et ceci à la suite d’une seconde demande».

Or, à une vitesse de vol normale, «le Tupolev aurait dû entamer sa descente au plus tard une minute et demi avant le point d’impact», a précisé Peter Schlegel.

Nouvelles accusations russes

Pour sa part, l’agence de presse russe RIA Novosti est repartie jeudi à l’attaque en accusant les contrôleurs suisses d’avoir commis plusieurs erreurs ayant conduit à la catastrophe.

Citant un enquêteur russe non identifié, cette agence (d’Etat) a affirmé que le pilote du Tupolev qui a percuté le Boeing avait, le premier, alerté les contrôleurs suisses du risque d’accident, et ceci environ une minute et demie avant la collision.

Le radar de Skyguide ne serait pas en cause

D’autre part, le système radar de Skyguide ne serait pas à mettre en cause dans la catastrophe. C’est ce qu’affirme jeudi le chef du Bureau fédéral d’enquête sur les accidents d’aviation (BEAA).

Les images prises par le radar au moment de l’accident sont nettes et précises, déclare Jean Overney, chef du BEAA.

Le manque de précision du système radar de Skyguide, dénoncé dans un rapport du BEAA publié le 26 juin, a déjà été corrigé, affirme M. Overney, auteur de ce document.

Le rapport se basait en effet sur des mesures effectuées entre 1998 et 2000, à la suite de trois «presque collisions». Outre les défaillances au niveau de la précision, ces incidents avaient révélé des problèmes de coordination avec les données radar d’autres centres de contrôle.

Le rapport du BEAA est dépassé sur plusieurs points, souligne également le porte-parole de Skyguide Christian Weiss. A l’instar du chef du BEAA, il déclare qu’il n’existe aucun lien entre la collision de lundi soir et les critiques formulées dans ce texte.

Bandes magnétiques très endommagées

Toujours selon les enquêteurs allemands, les bandes magnétiques des boîtes noires des deux avions qui ont pu jusqu’ici être examinées sont toutes défectueuses.

«Les bandes sont dans un sale état. Il faudra les réparer avant de pouvoir les écouter et en tirer des informations, a dit jeudi Axel Thiel du bureau d’enquête allemand à Braunschweig.

La douleur des familles

Et tandis que les investigations se poursuivent, les parents, quelque 130 personnes, sont arrivés jeudi matin en provenance d’Oufa, ville industrielle de Bachkirie (est de la Russie). Elles ont apporté les dossiers médicaux et des photos de leurs enfants à des fins d’identification.

Sur les 71 victimes de la catastrophe, 45 sont des enfants et des jeunes. Ils étaient les meilleurs élèves de leur école et se rendaient en vacances en Espagne.

Les parents des victimes ont assisté à une cérémonie civile à la mémoire de leurs enfants. Ils ont ensuite déposé des fleurs apportées de Russie sur les lieux de la catastrophe à Überlingen.

Les autorités ont précisé que les familles – encadrées de médecins et de psychologues – n’auraient pas à identifier les restes de leurs enfants. Pour l’heure, seuls les corps des deux pilotes du Boeing-cargo de DHL, ont été identifiés avec certitude.

swissinfo avec les agences

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