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Et en plus, vous êtes immatriculé dans le 13!

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«Carte postale» de la Cinquième Suisse... Yves Bosson nous écrit de Marseille. Une ville dont la réputation sulfureuse inquiète jusqu'aux douaniers suisses du Jura vaudois.

Cela remonte à déjà trois décennies. Je me revois poser mes cartons à Marseille, en provenance directe de la mère-patrie, quelques centaines de francs en poche, sous la canicule de l’été 1982.

Jeune photographe, frais émoulu d’une école suisse spécialisée, il me fallait visiter le vaste monde et le choix de la Cité phocéenne semblait s’imposer de lui-même, comme ville de tous les contrastes, à la fois si proche et si éloignée. Pour le contraste avec la Suisse, je ne fut pas déçu, pour «l’éloignement», non plus.

Je ne le savais pas encore: de nombreux concitoyens m’avaient depuis longtemps précédé, à une époque où cette Suisse pauvre du 19e siècle voyait partir ses plus jeunes travailleurs en quête d’une fortune souvent aussi hypothétique que lointaine. Sans doute même mes deux Neuchâtelois de grands-pères avaient-ils également dû transiter par cette même ville, point de passage obligé pour l’installation Outre-Mer-méditerranée.

Cap au sud

Donc Marseille. Suffisamment le Sud pour moi. Suffisamment dissuasif également. En ce temps-là, la Suisse n’appartenant pas à la CEE (et dans l’attente de lointains accords bilatéraux avec l’UE cette fois), l’Helvète que j’étais – et bien que maîtrisant relativement correctement la langue de Molière – n’était pas libre de s’installer en France, sa patrie culturelle. Trop tard pour revenir en Suisse, il me fallait inventer une nationalité française. Une année pour convaincre autorités et ministères parisiens qu’un improbable sang gaulois circule dans mes veines…

Voilà d’ailleurs sans doute pourquoi la communauté suisse du sud de la France est pour l’essentiel composée de double-nationaux, souvent descendants d’immigrés des 19e et début de 20e siècles. À tel point que j’ai parfois le sentiment d’être le dernier immigré de la région consulaire, le dernier spécimen en provenance directe de la mère-patrie.

Exception faite, il est vrai, de retraités toujours plus nombreux: pour le Suisse, de nos jours, il est tendance de choisir l’installation dans le Midi à la fin de sa vie active, plutôt qu’au début.

Retour au nord

Donc la Suisse. Suffisamment proche pour s’y rendre en voiture. Après le premier déplacement en provenance de Suisse, sautons rapidement quelques années et passons au dernier déplacement à destination de la Suisse: avril 2009, élections neuchâteloises.

Sur place depuis quelques jours: exquises visites en famille chez les parents et amis, au chalet d’alpage, ou encore à la dernière expo de la Maison d’Ailleurs, l’incontournable musée de la science-fiction d’Yverdon-les-Bains. Justement, l’anecdote se passe au retour de la cité du bout du lac (celui de Neuchâtel), à destination de la commune de Val-de-Travers: il fait nuit noire sur la route de Sainte-Croix et les virages en épingle à cheveux succèdent les uns aux autres.

Accaparé par la conduite sur cette route sinueuse, je ne distingue pas tout de suite le gyrophare surgissant soudainement à l’arrière de mon véhicule et que mon fils signale, surexcité.

NYPD ou VDPD?

Le doute n’est plus permis: l’impressionnant «STOP» lumineux exige rien moins que l’arrêt immédiat, toutes affaires cessantes, en pleine chaussée… Schengen et la douane volante.

Inspection du coffre (vide), long contrôle d’identités (long et surtout dangereux: la route est étroite, ne permettant pas de se garer sur un bas-côté, quasi inexistant). Sous les lumières aveuglantes de trois torches échappées d’une série télévisée américaine, épiant le moindre de nos gestes, j’hésite de moins en moins pour la caméra cachée, me hasardant à une demande d’explications. La réponse fuse, cinglante, imparable: «Vous avez une plaque française et en plus vous êtes immatriculé dans le 13» !

Assurément, la mafia marseillaise a encore de beaux jours devant elle, du moins dans les fantasmes sécuritaires de fonctionnaires suisses – sans compter les nombreux touristes suisses évitant soigneusement la cité phocéenne s’ils «descendent» en voiture, et évitant soigneusement la voiture s’ils «descendent» visiter la cité phocéenne.

Ce soir-là, s’il n’avait rien à voir avec un «13» bucco-rhodanien, le danger n’en était pas moins bien réel sur cette banale route du Jura vaudois, avec des voitures qui nous ont croisés, frôlés, et pas toujours à allure modérée, celle des 80 km/h pourtant réglementaire… Cela sous les yeux de douaniers manifestement fort peu concernés par ces dépassements de vitesse.

Voilà donc comment, en allant participer à un scrutin cantonal, en exerçant son devoir de citoyen comme l’on dit, j’ai aggravé mon cas au-delà de l’imaginable! Suffisamment dissuasif, le «13».

Au prochain voyage – à supposer que je prenne le risque de m’aventurer à nouveau dans mon pays d’origine – j’opterai pour une plaque interchangeable plus «neutre»: 25 ou 39. Voire pour des élections par correspondance électronique, bien moins risquées …

Yves Bosson, Marseille, pour swissinfo.ch

Rhône Plus de 1500 Suisses vivent à Marseille et plus de 4000 dans le département des Bouches du Rhône. Une communauté qui augmente de 1,8 % par année.

Sociétés Outre le consulat général de Marseille, la Société suisse de Marseille, la Fondation Helvetia Massilia et la Société immobilière de la maison suisse s’occupent aussi de la communauté helvétique et d’un parc immobilier constitué par l’immeuble qui abrite, entre autre, le consulat et la propriété de 3,5 hectares où se trouve le Foyer helvétique pour personnes âgées.

Colonie Le grand port méditerranéen abrite une colonie suisse depuis des siècles.

Suissesses Marseille a accueilli dès le 16e siècle, mais surtout au 19e et au début du 20e siècle, des milliers de Suissesses (un temps majoritaires) et de Suisses en quête d’emplois.

Italiens Au début du 19e siècle, les Suisses constituaient la 2e communauté étrangère de Marseille derrière les Italiens.

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