Extrémisme: la situation est sous contrôle
Pour le gouvernement, la menace potentielle la plus sérieuse pour la sécurité de la Suisse ne vient pas de l’extrême droite, mais de l’extrême gauche.
Globalement toutefois, le rapport publié jeudi conclut que tout est sous contrôle, y compris les islamistes et autres extrémistes venus de l’étranger.
Malgré le danger que peuvent représenter les anarchistes, aucun groupe extrémiste – de gauche, de droite ou étranger – ne compromet pour l’heure gravement la sécurité du pays.
Telle est la conclusion principale du rapport du Service d’analyse et de prévention (SAP) de l’Office fédéral de la police, rendu public jeudi par le Conseil fédéral. Le gouvernement répond ainsi à un postulat du Parti démocrate-chrétien, déposé en 2002.
Ce document fait le point sur les activités des mouvements extrémistes et la menace potentielle qu’ils représentent. Il évalue le phénomène depuis 1992, année du premier rapport du gouvernement sur la question.
La tentation anarchiste
L’extrême gauche est particulièrement dans le collimateur. De par ses objectifs et ses méthodes, cette tendance constitue un risque pour la sécurité intérieure «qu’il ne faut pas sous-estimer», écrivent les experts du SAP.
Depuis douze ans, le nombre d’incidents impliquant l’extrême gauche, qui comprend beaucoup de groupes souvent connectés entre eux, a fortement augmenté, de même que son potentiel de violence et le nombre de ses membres.
La mouvance anarchiste compterait environ 2000 militants. S’y ajoutent les «casseurs» du ‘Black Block’ et leurs sympathisants, estimés à plusieurs centaines lors de manifestations ponctuelles.
Les jeunes casseurs avinés
Quant aux extrémistes de droite, ils sont considérés aujourd’hui comme une menace moins importante. Ils ne compromettent l’ordre public qu’occasionnellement et localement.
Toutefois, par rapport aux années 1990, l’extrême droite cherche désormais davantage à se faire connaître du public en réalisant des coups médiatiques. En outre, ses rangs tendent à augmenter. Ses membres, répartis essentiellement dans les campagnes, sont estimés à un millier.
Les auteurs du rapport s’inquiètent en particulier du fait que les auteurs de violence se réclamant de l’extrême droite sont de plus en plus jeunes et agissent souvent sous l’emprise de l’alcool.
«Presque rien ne les arrête lorsqu’il s’agit de causer des dommages matériels ou corporels ou de commettre des actes racistes», écrit le SAP.
Pas de hooligans à l’Eurofoot 2008
S’agissant des hooligans, le rapport déplore que la Suisse ne dispose pas de bases légales permettant de lutter efficacement contre eux.
Le Conseil fédéral doit se prononcer début 2005 sur une nouvelle loi visant à renforcer le dispositif contre le racisme, le hooliganisme et la propagande incitant à la violence.
Ce projet est jugé d’une «importance cruciale» si l’on veut garantir la sécurité de façon optimale, notamment dans la perspective de la Coupe d’Europe de football de 2008.
Les Kurdes, les Tamouls et les islamistes
Concernant les extrémistes étrangers ayant des motivations politiques ou religieuses, le climat actuel est qualifié de «calme, mais néanmoins tendu».
Le potentiel de mobilisation de certains groupes, notamment kurdes ou tamouls, reste élevé. Et tout changement de la situation dans leurs pays d’origine pourrait renforcer la menace à l’encontre de la Suisse. Ainsi, un durcissement de la politique d’Ankara à l’égard de sa minorité kurde pourrait déboucher en Suisses sur des attentats visant des bâtiments turcs, estiment les auteurs du rapport.
S’agissant des groupes islamistes, le rapport note que leurs activités s’en tiennent généralement à la loi. Les islamistes présents en Suisse n’ont pas développé d’activités terroristes au sens propre, bien que certains utilisent le pays comme lieu de transit.
Base logistique et de recrutement
Ainsi, les activités d’organisations comme le FIS ou le Hamas indiquent que la Suisse «joue un rôle de plus en plus important de centre de réseaux de relations internationales».
Il n’est par ailleurs pas exclu que les centres de rencontres islamiques de Suisse puissent être utilisés comme lieu de contact et de recrutement par les réseaux terroristes.
L’expérience a montré notamment en France et en Italie que des mosquées ou des clubs de sport étaient fréquentés par des terroristes islamistes. En Suisse, l’observation préventive de lieux de culte ou de rencontre est pour l’heure interdite.
Enfin, les activités d’organisations extrémistes en Suisse, par exemple le soutien logistique, peuvent aussi entraîner une pression politique de la part d’Etats qui sont en conflit avec de telles organisations.
Lois à renforcer
Face à ces menaces, le Conseil fédéral a déjà pris une série de mesures préventives et répressives. Le durcissement de la loi sur les armes, l’application rigoureuse de la norme pénale sur le racisme, la surveillance d’Internet ou l’interdiction de certaines organisations en font partie.
La législation n’offre toutefois actuellement qu’une marge de manœuvre limitée concernant la restriction de la propagande et de la collecte de fonds.
«L’extrémisme peut également être considéré comme le terreau du terrorisme», précise le rapport. La prévention du terrorisme a pris une nouvelle dimension après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
Le Conseil fédéral a ordonné en 2002 que les bases juridiques soient analysées et des mesures proposées. Les travaux en vue de la révision de la loi sur la sécurité intérieure sont en cours.
swissinfo et les agences
– Selon le rapport du gouvernement:
– L’extrême gauche suisse compte quelque 2000 militants, bien organisés et essentiellement urbains.
– L’extrême droite et ses sympathisants regroupe un millier de personnes, surtout dans les campagnes.
– Les islamistes n’ont pas d’activités terroristes en Suisses, mais utilisent le pays comme base logistique et de recrutement.
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