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Henry Frick, magnat controversé d’origine suisse

Clayton, le manoir d’Henry Frick à Pittsburgh. swissinfo.ch

Issu d’un milieu modeste, Henry Frick s’est hissé au firmament du capitalisme américain triomphant du tournant du 20ème siècle. Il fréquentait des magnats comme John Rockfeller. Malgré sa magnifique collection d’œuvres d’art, il reste un personnage controversé.

Les visiteurs qui s’extasient devant les trésors de la Frick Collection abrités dans un hôtel particulier de la 5ème Avenue, ceux qui se rendent au Frick Art Center de Pittsburgh et à la demeure adjacente de Clayton sont frappés par la clarté et le raffinement des lieux.

Mais l’homme qui habita ces lieux et bâtit ces collections de peintures et sculptures fut un personnage assombri par le deuil et jugé cruel par nombre d’Américains.

Le décès de sa fille

«Henry Frick fut un homme complexe, un génie torturé par la mort de l’une de ses filles, morte en bas âge après une agonie de 4 ans», déclare l’un de ses biographes, son arrière-petite fille Martha Frick Symington Sanger qui dit être «troublée par beaucoup de choses chez Frick» et «ne pas viser à l’embellir».

«Aujourd’hui, Frick est vu à travers deux prismes opposés: en tant que collectionneur, il est en odeur de sainteté pour la réussite de sa collection qui est un chef d’oeuvre, mais il est aussi dépeint comme l’ennemi par excellence du mouvement syndical aux Etats-Unis.»

Ami et partenaire des autres grands magnats de l’essor industriel américain que sont Mellon ou Carnegie, Henry Frick eut des débuts modestes.  «Cet enfant maladif naît dans une maison d’une pièce dans le village de West Overton mais très tôt, il prédit qu’il sera milliardaire», raconte Martie Sanger.

A la tête d’un conglomérat

Dans cette région de mines de charbon du sud-ouest de la Pennsylvanie, il entrevoit vite le potentiel du coke. Ce résidu de houilles va alimenter les aciéries de Pittsburgh et l’industrialisation des Etats-Unis. A 22 ans, il fonde sa propre entreprise, la Frick and Co.

L’entreprise survit aux dépressions de 1873 et de 1907. Elle en bénéficie même.  «En cas de crise, l’attitude de Frick est de continuer à opérer, même à perte, et la panique passée, de tirer parti de l’extraordinaire demande de coke», explique Martie Sanger. Il rachète aussi ses concurrents et ses coactionnaires pour profiter à plein du rebond. Frick est désormais à la tête d’un véritable conglomérat.

«C’est l’argent et le pouvoir qui l’animent». Aussi, quand le syndicat de la sidérurgie exige de nouvelles augmentations de salaire, Frick voit-il le pouvoir syndical comme un rival.

Police privée contre grévistes

En 1892, 3800 ouvriers se mettent en grève et occupent l’usine de Homestead, alors la plus grosse aciérie des Etats-Unis dont Frick est propriétaire avec Carnegie. Pour les remplacer, Frick recrute des employés non syndiqués.

Le syndicat s’y oppose. Frick fait intervenir une police privée. Après une bataille rangée de 12 heures, le bilan est lourd: 16 morts parmi les ouvriers et miliciens. L’indignation est telle qu’un anarchiste de Boston tente d’assassiner Frick. Mais Frick est parvenu à évincer le syndicat. Le travail reprend avec seulement 1700 ouvriers, tous non syndiqués.

Malgré ces violences, les méthodes de Frick ne sortent pas de l’ordinaire. «Les horribles souffrances des ouvriers d’usine marquent un moment terrible de l’histoire humaine, mais Frick ne l’a pas inventé», note Martie Sanger.

Une image tyrannique

Edward Muller, professeur d’histoire urbaine à l’université de Pittsburgh, acquiesce. «Les conditions de travail chez Frick n’étaient pas bonnes mais c’était la norme alors, ses tactiques étaient extrêmement dures mais sa gestion de la main d’œuvre et des syndicats n’avaient rien d’exceptionnel à une époque où les patrons appelaient souvent la police ou une milice privée, surtout dans l’industrie minière.»

Cependant, le souvenir de 1892 perdure. «Frick n’est pas aimé à Pittsburgh à cause de ces violences, si bien qu’à l’ouverture de Clayton au public, près d’un siècle après, il y eut des manifestations», indique Ed Muller.

«L’image de Frick à Pittsburgh est celle d’un homme d’affaires génial et d’un chef d’entreprise tyrannique, mais sa collection d’art et ses œuvres philanthropiques sont à peine mentionnées, voire complètement ignorées», note l’historien.

Donation à des institutions charitables

Pourtant, Frick laissa aux habitants de Pittsburgh un parc de plus de 75 hectares et donna une grande partie de sa fortune à des institutions charitables, universitaires et culturelles. A sa mort, sa fabuleuse collection d’œuvres d’art fut ouverte au public à New York.

«Frick n’a collectionné que des portraits et des paysages, mais il ne collectionnait pas des écoles ou des styles ou pour boucher des trous dans la chronologie, son marchand Roland Knoedler lui montrait simplement les meilleurs tableaux d’une période et parfois, Frick vivait avec une peinture plusieurs jours avant de l’acheter», observe Martie Sanger.

Son premier achat de peinture documenté par une facture remonte à 1881. Mais Martie Sanger souligne que son arrière-grand-père avait démarré sa collection bien avant, du temps de sa jeunesse à West Overton.

Peut-être Frick se souvenait-il de son père qui, petit fermier mennonite, rêvait de devenir artiste-peintre. Mais plus tard, ses choix de collectionneur seront souvent guidés, selon Martie Sanger, par la «tristesse très vive» du deuil de sa fille.

Henry Frick fait fortune en comprenant le rôle crucial du coke dans la sidérurgie

Milliardaire à 30 ans, il est l’un des Américains les plus riches.

Coke. Sa compagnie est alors le plus gros producteur mondial de coke

Chemins de fer. Il est le plus grand détenteur d’actions ferroviaires aux Etats-Unis

Il est aussi le plus grand propriétaire immobilier à Pittsburgh

Participe à la formation de  U.S. Steel en 1901

Il est ami et partenaire des autres magnats de l’époque: Andrew Mellon, Andrew Carnegie, J.P. Morgan, John Rockfeller

Prédestiné à travailler dans l’acier: sa famille vient de Frick, village d’Argovie dont le nom latin signifie « gisement de fer »

En 1767, son arrière-arrière-grand-père émigre en Pennsylvanie.

Son père est un petit agriculteur qui rêve d’être artiste-peintre

En 1849,  naissance de Henry  Frick  à West Overton, bourg de Mennonites près de Pittsburgh

En 1919, mort à New York

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