Karl Molitor, la mémoire vivante du Lauberhorn
La 72e édition du Lauberhorn déroule ses fastes samedi. Karl Molitor a assisté à la naissance et au succès mondial de cette course mythique.
2315 mètres d’altitude. Au pied de l’Eiger, sous le regard de la Jungfrau, dans un décor majestueux, le Lauberhorn attend de pied ferme ses champions et ses fans. Parmi eux, Karl Molitor occupe une place de choix.
A 81 ans, cet enfant de Wengen n’a pas encore manqué un seul rendez-vous. Il faut dire qu’il affiche un palmarès vertigineux. Sextuple vainqueur de la descente des Alpes bernoises entre 1939 et 1947, il ajoute à ce record des victoires cinq succès en slalom.
La faute aux officiers anglais
Une véritable légende. Mais l’homme est simple, chaleureux et alerte. Il traverse son magasin de sport de Wengen et pousse avec délicatesse la porte de la réserve. Une petite table en bois, un banc et quelques chaises. «Là nous serons bien.»
Et il se souvient:«Après la Première Guerre mondiale, des officiers anglais stationnés aux Indes venaient ici en hiver pour se reposer. Ils étaient tous de très bons skieurs et rivalisaient d’agilité avec les indigènes. En 1930, Ernst Gertsch a décidé d’organiser les premières courses pour déterminer officiellement qui étaient les meilleurs».
Depuis les choses ont changé. La professionnalisation, la médiatisation, le matériel, la course, le parcours. «Nous, nous courions sur le Lauberhorn que le Bon Dieu avait conçu. Aujourd’hui ce sont les canons et les machines à neige qui dessinent la piste», analyse Karl Molitor avec malice.
Collombin, Russi et les autres
Pourtant la course reste belle et exigeante. Vaincre ici est un gage de reconnaissance. Les Autrichiens Seiler, Schranz, Klammer, les Français Killy et Duvillard ou les Suisses Russi, Collombin, Bürgler, Müller, Heinzer ou Besse – dernier Suisse à s’être imposé – ont, entre autres, marqué de leur empreinte l’histoire d’une course où les difficultés se succèdent inlassablement.
Le saut à Russi, la tête de chien (Hundschopf), la bosse à Minsch en dévers, puis le passage du Brückli (petit pont), l’Haneggschuss, le schuss final et enfin, le carrousel. Au terme des 4260 mètres de la plus longue piste de Coupe du monde (1025 m de dénivellation), les jambes sont en feu.
«Et tout peut se jouer dans ce dernier virage». Le visage de Karl Molitor s’illumine. Cette course, sa course, il l’aime. Comme l’Eiger, le Mönch, la Jungfrau qui surplombent son village. «Ces sommets sont toujours beaux et chaque fois différents.» Comme la course.
Mathias Froidevaux, Wengen
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