Kloten va filmer les passagers suspects
Après plusieurs reports, l'aéroport de Zurich met en service une première caméra biométrique.
Cette phase de test durera jusqu’à fin mars. Il faudra attendre la prochaine loi sur les étrangers pour pouvoir passer à une éventuelle deuxième phase.
Prévu initialement pour démarrer en août dernier, le système dit de reconnaissance biométrique des visages ou FAREC (pour Face Recognition) sera finalement mis en fonction «dans le courant du mois de janvier».
Lors d’une présentation jeudi dans ses locaux de l’aéroport, la police zurichoise n’a pas voulu préciser la date exacte du démarrage de l’expérience.
Car il s’agit encore d’une phase expérimentale, prévue pour durer jusqu’à fin mars. Les retards, dus à des adaptations du système aux exigences de la protection des données, ont aussi eu pour conséquence de raccourcir cette phase de test, qui devait durer six mois.
Accès restreint
Parmi les changements apportés: les images seront encodées et automatiquement effacées après 30 jours. En outre, la police ne pourra pas regarder en fin de journée qui elle aura photographié. Elle ne pourra chercher un portrait que sur la base d’un autre portrait.
Surtout: les passagers ne seront pas filmés à leur insu. «C’était l’un des points importants à satisfaire», a indiqué Ulrich Neracher, chef de la section aéroport de la police zurichoise.
Le responsable compte effectuer des contrôles à l’arrivée de cinq ou sept avions par jour, en provenance de destinations sensibles – la police cite l’Afrique de l’Ouest ou l’Asie – ce qui pourrait représenter 70 personnes interrogées et peut-être filmées par jour.
Les passagers que la police jugera suspects, en raison de leur comportement par exemple, explique-t-elle, devront d’abord répondre à des questions, comme cela se fait déjà aujourd’hui.
Détails digitalisés
La personne ne sera filmée que si le soupçon est confirmé. FAREC permet non seulement de prendre des photos de quelqu’un mais aussi d’en saisir des données précises comme l’écartement entre les yeux, la taille du menton etc.
Ces portraits seront alors stockés durant un mois. C’est ainsi qu’une comparaison pourra être faite au cas où cette personne réapparaîtrait durant ce laps de temps, sans disposer de papier.
Mauvais départ
Jeudi, la démonstration a laissé augurer un départ difficile, même si le hasard peut toujours être invoqué.
Après avoir filmé, pour l’exemple, un collaborateur de la police, l’ordinateur, sollicité pour retrouver un portrait de la même personne, a été incapable de s’exécuter. A la place du policier, un visage inconnu s’est affiché sur l’écran de démonstration.
Rires gênés des responsables du projet. Pourtant, ont-ils assuré, ce n’est que la deuxième fois sur 40 000 images stockées que le programme échoue. Ulrich Neracher n’a du reste pas voulu donner un taux de minimum de succès qui permettrait plus tard de qualifier la phase de test de réussie.
Les policiers zurichois emploient beaucoup de précautions pour présenter FAREC. Selon eux, le projet va pour l’heure moins loin que les caméras installées au centre de Londres ou à la gare de Zurich, estime Ulrich Neracher.
Satisfaction modérée
Préposé à la protection des données du canton de Zurich, Bruno Baeriswyl est modérément satisfait des garanties données par la police pour cette phase de test. Il salue le fait que les passagers seront obligatoirement avertis de l’usage de la caméra, mais craint l’utilisation digitale des images.
«Digital, cela veut dire qu’on peut les copier et les transmettre, explique-t-il. De plus, aucune instance indépendante ne contrôle l’usage de l’ordinateur par la police.»
La situation sera en outre complètement différente si la deuxième phase de FAREC voit le jour. Elle consistera cette fois à filmer sans avertissement préalable des passagers à leur descente d’avion.
Il faudra pour cela une base légale inexistante actuellement, qui pourrait être introduite dans la révision de la loi sur les étrangers.
Première européenne
C’est la première fois en Europe, voire au monde, qu’un tel programme, qui connaît déjà d’autres applications, est utilisé pour lutter contre l’immigration clandestine.
Car, les Zurichois l’ont dit et redit: c’est là l’unique but de ce projet, repérer les immigrants illégaux qui, après avoir erré dans les zones de transit par exemple, se présentent aux autorités sans papier et mentent sur leur pays d’origine ou ne se souviennent plus de rien, selon les explications de la police.
Le projet est mené en partenariat avec l’Office fédéral des réfugiés et la Confédération a pris en charge une partie des frais de cette première phase, qui s’élèvent à 55 000 francs.
Genève attend
A l’aéroport de Genève, aucune solution de ce type n’est envisagée pour l’instant.
«Nous suivons les expériences menées ailleurs en Suisse et dans le monde, principalement aux Etats-Unis», précise Eric Grandjean, porte-parole de la police genevoise.
swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich et Frédéric Burnand à Genève
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