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L’affaire Abacha croise le dossier Elf à Genève

Le juge suisse Daniel Devaud a découvert une commission de 70 millions de dollars versée en 1995.

L’argent a été versé par la compagnie Elf, par l’intermédiaire de sa banque genevoise Rivunion, à l’entourage de l’ancien dictateur du Nigeria, Abacha.

Les deux gros dossiers, portant chacun sur des milliards détournés, intéressent la justice suisse. Même si les magouilles ont été orchestrées de l’étranger, l’argent a bien été blanchi dans la Confédération.

Dans l’affaire Elf, l’argent arrivait en Suisse sur des comptes multiples, notamment ceux d’Alfred Sirven, ancien numéro deux de la compagnie pétrolière, toujours incarcéré en France malgré ses 75 ans.

En ce qui concerne l’héritage Abacha, le scénario est à peine différent. L’ancien dictateur du Nigeria de 1993 à 1998, pillait les caisses de son pays, et planquait ses rapines en Suisse, mais aussi au Luxembourg, au Liechtenstein et en Grande-Bretagne.

Deux sociétés suisses

Le juge d’instruction Daniel Devaud vient de découvrir un lien entre ces deux dossiers.

L’intermédiaire Elie Khalil, un Britannique d’origine libanaise, aujourd’hui âgé de 59 ans, perçoit à Genève 60 millions de dollars en mai 1995 sur un compte «Grutness NTB», puis, indirectement, 10 autres millions sur le compte «Satcab».

Elie Khalil est un proche de Sani Abacha, alors président du Nigeria. Le magistrat suisse découvre que l’argent a été versé par Rivunion, une petite banque installée à Cointrin et appartenant à Elf.

Pour Daniel Devaud, ces commissions seraient liées à un contrat d’exploration conclu par la compagnie pétrolière française au Nigeria. Une opération estimée par le quotidien français Le Figaro à 500 millions de dollars.

Investigations après 1993

Le juge suisse a transmis le dossier à Renaud Van Ruymbeke, son homologue français, aujourd’hui seul en charge de l’affaire Elf.

La découverte de cette commission, qui remonte à 1995, risque de modifier le dossier.

En effet, Eva Joly, le premier magistrat à travailler sur Elf, avait limité ses investigations à la période 1989-1993, correspondant à la présidence de Loïk Le Floch-Prigent, nommé par François Mitterrand.

Le versement de cette commission de 70 millions de dollars tendrait à prouver que les méthodes utilisées par Elf n’ont peut-être pas fondamentalement changé avec l’arrivée de Jérôme Jaffré, un PDG nommé par Edouard Balladur.

swissinfo/Ian Hamel

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