L’affaire des visas prend de l’ampleur au Pakistan
Micheline Calmy-Rey, ministre suisse des Affaires étrangères, devrait se rendre début mai au Pakistan pour évoquer des cas de trafic de visas pour migrants illégaux.
Les autorités d’Islamabad ont arrêté un collaborateur pakistanais de l’ambassade de Suisse. Ce dernier accuse des collègues suisses d’être impliqués dans cette affaire.
Mardi, un employé pakistanais de l’ambassade de Suisse a été mis en détention préventive à Islamabad pour avoir proposé un visa à des femmes en échange de relations sexuelles. Cette affaire avait été révélée en février par la presse pakistanaise, ce qui avait décidé le Ministère des affaires étrangères (DFAE) à envoyer un inspecteur sur place.
Et voilà que dimanche, la «SonntagsZeitung» annonce que cet employé pakistanais accuse maintenant des collègues suisses de l’ambassade de tremper dans un vaste trafic de visas.
«Nous soupçonnons plusieurs collaborateurs helvétiques de l’ambassade de Suisse et nous avons ouvert une enquête», déclare le directeur de la police fédérale pakistanaise dans les colonnes de l’hebdomadaire alémanique, précisant qu’il ne peut donner de noms.
Un réseau organisé?
Au cours des deux dernières années, ces personnes auraient vendu des centaines de visas à des immigrants pakistanais qui ont transité par la Suisse pour se rendre ensuite en Allemagne, en Italie et en Espagne, histoire de ne pas se faire repérer par les autorités helvétiques.
Ces visas se seraient négociés à des prix pouvant aller jusqu’à 8000 francs suisses, précise le journal du dimanche. Et d’ajouter que la police pakistanaise soupçonne ces personnes d’être en relation avec un véritable réseau organisé de passeurs de clandestins.
Ajoutée au rapport de l’inspecteur envoyé sur place en mars, l’arrestation de Ashar F. a poussé cette fois le DFAE à ouvrir une enquête administrative sur le fonctionnement de la section des visas de l’ambassade de Suisse à Islamabad, ce qui a été confirmé vendredi par le porte-parole du Ministère, Jean-Philippe Jeannerat.
Prudence à Berne
A Berne, on reste toutefois très prudent. Martin Dahinden, directeur de la Direction des ressources et du réseau extérieur du DFAE, affirme qu’il ignore tout de ces nouvelles accusations, avant de préciser que la Suisse travaille en collaboration avec les autorités pakistanaises.
Si ces nouvelles accusations sont vraies «nous le saurons dans quelques semaines, lorsque l’enquête sera terminée», déclare-t-il notamment à la «SonntagsZeitung». Avant de reconnaître que «c’est une affaire difficile», notamment pour l’image de la Suisse.
Mais le DFAE prend les choses au sérieux. En effet, il a confirmé que, à l’occasion d’une visite de travail au Pakistan, prévue de longue date pour le début mai, Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères, va s’entretenir de cette affaire avec les autorités pakistanaises.
D’autres cas
La Confédération a déjà procédé à un renforcement de la surveillance des services d’attribution des visas. En effet, ce n’est pas la première affaire suspecte découverte au DFAE. Les représentations en Erythrée, dans le sultanat d’Oman, au Pérou et au Yémen ont été concernées et certains dossiers ont atterri au Ministère public de la Confédération (MPC).
En juin dernier, Micheline Calmy-Rey avait annoncé son intention de remplacer progressivement les employés locaux par du personnel suisse. Objectif qui se heurte toutefois aux mesures d’économies en cours à la Confédération.
swissinfo et les agences
– Chaque année,les 141 missions suisses à l’étranger délivrent 500’000 visas et refusent environ 40’000 demandes.
– Lorsque l’accord de Schengen sur le contrôle des frontières passé avec l’UE et qui entrea en vigueur en 2008 au plus tard, le nombre de visas accordés par la Suisse devrait baisser à 400’000 par an.
– La Suisse enquête sur plusieurs cas de corruption relatifs à l’octroi de visas pour la Suisse en Erythrée, à Oman, au Pérou, en Russie, au Nigeria et en Serbie.
Février, la presse pakistanaise révèle qu’un employé local de l’ambassade de Suisse à Islamabad a exigé des relations sexuelles de femmes venues demander un visa.
Mars: le Ministère suisse des affaires étrangères envoie un inspecteur sur place.
Avril: le Pakistan annonce l’arrestation de l’employé suspect et l’ouverture d’une enquête sur des Suisses pour trafic de visas et d’êtres humains. De son côté, Berne ouvre une enquête administrative.
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