L’appel du pied des Américains
Les Etats-Unis veulent mettre leurs citoyens à l'abri de poursuites devant la Cour pénale internationale. Ils cherchent l'appui de pays signataires, dont la Suisse.
Le ministère suisse des Affaires étrangères confirme. Washington l’a bel et bien contacté en vue de conclure un traité bilatéral de non extradition dans le cadre des procédures de la Cour pénale internationale (CPI).
La demande américaine date de quelques jours. Mais, le ministère précise qu’il ne peut faire aucune spéculation sur la nature de sa réponse.
Immunité tous azimuts
Pour comprendre le sens de cette requête, il faut rappeler que les soldats enrôlés dans des opérations onusiennes de maintien de la paix seront à l’abri de toute procédure engagée contre eux par la nouvelle CPI. Et cela pendant un an.
Cette décision a été prise le 12 juillet par le Conseil de sécurité. A l’issue d’un âpre débat amorcé par les Etats-Unis.
En clair, les Américains exigeaient l’immunité de leurs soldats. Faute de quoi, ils mettraient leur veto à toute nouvelle mission internationale. A commencer par celle de Bosnie dont il fallait renouveler le mandat.
Par la voix de leur ambassadeur à l’ONU, John Negroponte, les Etats-unis ont en outre fait savoir que ce n’était là qu’un «premier pas».
La diplomatie américaine exigera toutes les «protections supplémentaires» qu’elle jugera nécessaires.
Plusieurs capitales ont d’ores et déjà été approchées en vue de conclure des accords bilatéraux de non extradition.
C’est chose faite avec Israël et avec la Roumanie. Divisée sur le compromis trouvé à l’ONU, l’Union européenne affirme ne pas avoir encore formulé de position définitive.
L’esprit et la lettre
Ce genre de traité bilatéral est implicitement admis par le statut de la Cour pénale internationale.
Son article 98 stipule qu’elle ne peut contraindre un Etat «à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d’immunité».
Mais, disent nombre de juristes, l’interprétation qu’en font les Américains n’est certainement pas conforme à l’esprit dans lequel ont été rédigés cet article et les autres dispositions du Traité de Rome qui a donné naissance à la CPI.
Après l’adoption du compromis du Conseil de sécurité, le ministère suisse des Affaires étrangères avait d’ailleurs passé le même message. En précisant que Berne tenait à l’intégrité de ce statut.
Le droit international en danger
A ce propos, une question fondamentale se pose aujourd’hui. Elle concerne la compétence de l’ONU. Et elle va au-delà de l’analyse que l’on peut faire des démarches bilatérales de l’administration américaine.
«Le Conseil de sécurité a essayé d’amender un traité international», constate Kurt Hoechner, directeur suppléant du droit international public au ministère des Affaires étrangères.
A sa connaissance, c’est un cas unique dans l’histoire. Et c’est aussi un dangereux précédent.
Cette fameuse résolution 1422 – qui ne touche heureusement pas à la lettre du traité dans son ultime version – lui semble toutefois «tolérable».
Car, dit Kurt Hoechner, «tout le monde avait intérêt à ce que les Américains restent parties prenantes dans les opérations de paix».
D’où le compromis du 12 juillet. C’était, vraisemblablement, le prix à payer.
Ce qui n’empêche pas les États-Unis de se lancer dans un véritable porte-à-porte diplomatique pour s’assurer qu’aucun de ses citoyens ne finira dans les geôles de la Cour pénale internationale de La Haye.
swissinfo/Bernard Weissbrodt
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.