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L’axe Suisse – Algérie se raffermit

Le port d'Alger. Les relations Suisse-Algérie sont avant tout économiques. Yves Traynard

Micheline Calmy-Rey signe samedi trois accords bilatéraux avec l'Algérie. Et ce en marge de la conférence des ambassadeurs suisses en poste au Maghreb et au Machrek.

Relancées par Joseph Deiss à la fin des années 90, les relations entre Berne et Alger s’intensifient. Une dynamique à la mesure des énormes réserves pétrolières et gazières du sous-sol algérien et des revenus qu’elles génèrent.

La cheffe de la diplomatie suisse va profiter de ce voyage pour mener samedi des entretiens avec son homologue algérien, le ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui, ainsi qu’avec le ministre chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel.

L’occasion pour Micheline Calmy-Rey de signer trois traités bilatéraux: un accord sur la circulation des personnes, un autre sur l’entraide judiciaire en matière pénale et un troisième texte qui porte sur la suppression de la double imposition.

Ce dernier accord permettra de renforcer la portée de l’accord bilatéral sur la promotion et la protection réciproque des investissements. Un texte signé en novembre 2004, à l’occasion de la visite officielle à Berne du président algérien Abdelaziz Bouteflika.

Intérêts économiques

L’intérêt que se témoignent les deux pays est en effet d’abord de nature économique. Cela remonte à 1997.

Cette année-là s’est tenu à Lausanne un Forum économique algéro-suisse, suivi, deux ans plus tard, par une visite officielle de Joseph Deiss à Alger en tant que ministre des Affaires étrangères.

Mais ces premiers échanges n’ont pas réussi à lever les réticences des investisseurs suisses à l’égard d’un pays miné par une guerre civile qui a fait 200’000 morts, selon des chiffres officiels.

D’importantes réserves financières

La flambée du cours du pétrole de ces dernières années et la perspective de sa raréfaction a radicalement changé la donne.

«En 2010, les réserves financières de l’Algérie devraient se monter à 130 milliards de dollars, selon le FMI», souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM).

«L’Etat algérien cherche également à attirer les investisseurs. Plus de 1200 entreprises algériennes sont ainsi ouvertes aux capitaux étrangers et ce dans tous les domaines», précise le chercheur genevois.

De plus, avec ses réserves d’hydrocarbures, l’Algérie entend désormais jouer un rôle stratégique majeur sur la scène régionale. En témoignent notamment ses récents achats massifs d’armements à la Russie: un contrat d’une valeur de 7,5 milliards de dollars a été signé récemment avec Moscou.

Une population oubliée

Cela dit, les retombées de la manne pétrolière semblent échapper à une bonne partie de la population.

Près de 12 millions d’Algériens vivraient en dessous du seuil de pauvreté, selon le Rapport Mondial sur le Développement Humain 2004, établi par le Programme des Nations Unies pour le Développement. L’Algérie y est classée au 108ème rang sur 177 pays.

Recentrage de la politique suisse

Toujours est-il que, selon le chercheur genevois, le choix de l’Algérie comme pays d’accueil de la réunion des ambassadeurs helvétiques correspond à une réévaluation de la politique suisse à l’égard du monde arabe.

«Ces dernières années, la diplomatie suisse a beaucoup misé sur le Proche-Orient», rappelle Hasni Abidi.

«Mais suite à la victoire des islamistes du Hamas aux élections palestiniennes, la diplomatie suisse est embarrassée, assure le directeur du CERMAM. Le renforcement des liens avec Alger correspond donc à un recentrage de la diplomatie suisse dans le monde arabe».

Un lourd passif

Reste à savoir si ce rapprochement est compatible avec les exigences helvétiques en matière de respects des droits humains.

Malgré quelques signes d’ouverture – comme l’autorisation donnée au CICR de visiter les prisons algériennes -, le régime du président Bouteflika continue de traîner un lourd passif en matière de respect des droits de l’homme.

Aujourd’hui encore, les droits de l’homme y seraient malmenés. Régulièrement en tout cas, des ONG signalent et dénoncent des violations : violences, torture et mauvais traitements, impunité, harcèlement et intimidation de journalistes, de syndicalistes, de militants de la société civile et d’opposants.

La critique d’Amnesty

Dans son dernier rapport annuel, Amnesty international pointe la ‘Charte pour la paix et la réconciliation nationale’, adoptée par référendum le 29 septembre dernier.

«Le président Bouteflika a déclaré publiquement qu’environ 200’000 personnes avaient été tuées depuis 1992. Il n’a toutefois pas pris l’engagement d’établir la vérité sur ces homicides et sur les autres atteintes graves aux droits humains perpétrées dans le cadre du conflit», affirme Amnesty.

Avant de souligner: «Le chef de l’Etat a organisé ce référendum en vue d’exonérer les membres des forces de sécurité et des groupes armés de leur responsabilité dans les atteintes aux droits humains».

On en parlera à Alger

De son côté, le ministère suisse des affaires étrangères (DFAE) assure que la question des droits humains figure bien au menu des discussions qu’aura la cheffe de la diplomatie suisse.

«Ces échanges auront notamment comme cadre les travaux du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La Suisse félicite l’Algérie pour son élection au sein du Conseil et espère une collaboration constructive de sa part», précise Carine Carey, porte-parole du DFAE.

Pour sa part, Hasni Abidi rappelle que l’Algérie a déjà joué un rôle majeur au sein de l’ancienne Commission des droits de l’homme justement remplacée par le Conseil… Mais dans un sens négatif.

Selon lui, l’Algérie a mené à Genève la fronde des pays arabes et africains notamment contre plusieurs résolutions de la Commission condamnant l’un ou l’autre de ces pays pour une violation des droits humains.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

– La présence suisse en Algérie remonte au XIXe siècle.
– Nombre de colons se sont installés dans une plaine aux terres riches – la Mitidja – au sud d’Alger. Parmi elles, la famille Borgeaud.
– Le domaine Borgeaud a été fondé par des Vaudois.
– La diplomatie suisse a joué un rôle d’intermédiaire entre les indépendantistes du FLN (Front de libération national) et les émissaires du gouvernement français.
– Elle a permis la bon déroulement des négociations secrètes qui se sont déroulées sur territoire français autour de Genève, à Lugrin et aux Rousses, avant d’aboutir aux accords d’Evian.


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L’Algérie est, avec l’Iran, le troisième fournisseur de pétrole brut et de produits du pétrole de la Suisse.
En 2003, 7% des importations suisses de brut et de produits du pétrole provinrent de ces deux pays, après la Libye (22%) et le Nigeria (11%).
Le pétrole représentait en 2004, plus de 96% des exportations d’Algérie.
Les exportations vers ce pays ont totalisé durant la même période presque 192 millions de francs suisses (3e rang en Afrique).

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