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L’espoir d’un Hamas nouveau

Les partisans du Hamas célèbrent leur victoire à Rafah. Keystone

Les militants pro-Palestiniens et les Juifs de Suisse espèrent que la victoire du Hamas aux législatives palestiniennes va le pousser à faire des compromis.

En Suisse, plusieurs voix pensent que l’organisation palestinienne va devoir s’engager sur la voie d’une respectabilité politique, voire qu’elle renoncera à la violence.

Le groupe radical Hamas a remporté jeudi une victoire fracassante aux législatives palestiniennes, un séisme politique qui fait voler en éclats l’hégémonie du parti au pouvoir, le Fatah.

Le Hamas, qui prône la lutte armée et la destruction de l’Etat juif, a, contre tous les pronostics, remporté la majorité des 132 sièges du Parlement lors des législatives, auxquelles il participait pour la première fois.

Mais un Hamas peut peut-être en cacher un autre… «Le Hamas a mis l’accent sur le fait qu’il souhaite créer un nouveau partenariat politique. Ce partenariat devra répondre aux différents groupes de la société palestinienne et être basé sur un consensus en matière de stratégie nationale», analyse Viktor Kocher, correspondant au Proche-Orient de la Neue Zurcher Zeitung (NZZ), auprès de swissinfo.

Viktor Kocher pense par ailleurs que si le Hamas n’abandonnera pas les armes, le pragmatisme dont il a déjà fait preuve par le passé pourrait l’emporter. «Il pourrait renoncer à ses attaques contre les civils – en l’occurrence, les attaques-suicides dans les magasins, les bus, les restaurants sur territoire israélien».

«Il est déjà arrivé que le Hamas mette fin à ce type d’actions et se limite à des attaques strictement militaires contre l’armée israélienne», ajoute-t-il.

Comment le spécialiste de la NZZ entrevoit-il l’avenir plus lointain? «Je pense qu’Israël continuera à tenter de définir unilatéralement ses frontières, notamment en annexant la plus grande partie de la Cisjordanie, là où se trouvent la plupart des colonies juives. Nous devons nous attendre à beaucoup de rhétorique, mais guère de changements sur le terrain.»

Du côté palestinien

La victoire du Hamas aux élections palestiniennes va pousser le gouvernement israélien à faire des compromis, estime quant à elle l’Association Suisse-Palestine. Cette ONG est convaincue que le temps joue désormais en faveur des Palestiniens.

Le succès du Hamas montre clairement que le peuple palestinien ne s’est pas laissé influencer par les tentatives d’ingérence des Américains, Israéliens et Européens, a indiqué jeudi le président de l’Association, le Zurichois Daniel Vischer (Verts).

Désormais, le gouvernement israélien qui succédera à celui d’Ariel Sharon ne pourra plus choisir son partenaire de négociation à sa guise et sera contraint de respecter la volonté du peuple.

L’ascension du Hamas va conduire à un renouvellement de la classe politique dans les territoires palestiniens, estime Daniel Vischer. Les cadres du Fatah, le parti jusqu’alors au pouvoir, ont payé le prix de la corruption et du népotisme.

Alain Bittar, propriétaire de la Librairie Arabe l’Olivier à Genève, reste quant à lui très critique. «L’intelligentzia politique palestinienne du Fatah est en train de rendre des comptes et, en même temps, ce qui se passe aujourd’hui est également en partie de la responsabilité des Israéliens», explique-t-il.

«Pour eux Yasser Arafat n’était pas un partenaire, Abou Mazen n’était pas un partenaire et je pense que cela les arrange quelque peu d’avoir désormais en face le Hamas puisqu’ils vont pouvoir commencer à dire que ce n’est pas un partenaire.»

Un rôle actif pour la Suisse

Pour Ahmed Benani, politologue et président de l’Observatoire international des affaires de la Palestine (OIAP) à Lausanne, la victoire du Hamas n’est pas une surprise: «Je m’attendais à une victoire du camp conservateur, qui est dépositaires aussi d’une forme de légitimité populaire», dit-il.

Face à ce bouleversement politique, qu’attend-il de la Suisse et de la communauté internationale? «J’ai beaucoup d’espoir, car la politique qui a prévalu jusqu’ici au Proche-Orient et dans l’ensemble du Moyen-Orient était une politique américaine. Les Etats-Unis ont voulu exporter leur modèle de démocratie, de paix etc… et aujourd’hui les résultats tels qu’ils s’expriment à partir des urnes palestiniennes montrent que c’est un échec de cet hégémonisme».

Un échec qui selon lui, «laisse une place très importante à l’intervention de l’Union européenne et les coudées franches à la Suisse, qui depuis l’Initiative de Genève ne cesse de s’intéresser à la paix dans cette région et en particulier en Palestine».

«De plus, elle finance de nombreuses activités de ce qui reste de la Palestine autonome. La Suisse a des ambitions pour amener les parties à négocier donc je crois que les perspectives qui s’ouvrent à la diplomatie suisse et à sa neutralité vont lui permettre de jouer un rôle actif. Elle pourra proposer ses bons offices dans une région où elle jouit d’un certain respect.»

Et du côté juif

Etonnamment, c’est l’espoir qui prévaut du côté de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI). Selon son président, Alfred Donath, suite à sa victoire, le Hamas «pourrait transformer son attitude face à Israël».

Le président de la FSCI voit dans ce bouleversement «une chance», et s’attend à ce que le Hamas se métamorphose en parti au pouvoir plus responsable. «Il renoncera probablement à la force et, en fin de compte, à son objectif avoué qui était la destruction d’Israël».

Yves Kugelmann est le rédacteur en chef de l’hebdomadaire juif «Tachles», basé à Zurich. Pour lui, «le Hamas comme les Israéliens vont reconsidérer leurs positions».

«Le résultat n’est pas surprenant, mais Israël ne peut pas l’ignorer. Les Palestiniens ont voté dans le cadre d’élections démocratiques et ils ont élu le Hamas, pas parce que c’est une organisation terroriste, mais bien pour d’autres raisons. Je pense que les observateurs, comme la communauté internationale, doivent prendre ce résultat au sérieux et j’espère – même si je ne souhaite pas avoir l’air naïf – que le Hamas va se transformer, puisque désormais il n’est plus dans l’opposition», ajoute-t-il.

Pour Yves Kugelman et sa rédaction, il est impossible d’avoir une réaction tranchée: «A Tachles, nous avons une réaction un peu ambivalente, dans la mesure où cet événement peut être soit une opportunité, soit un désastre. Mais au Proche-Orient, c’est toujours comme ça…»

swissinfo

L’organisation radicale Hamas a obtenu 76 sièges sur les 132 en jeu au parlement palestinien.
Le Fatah, quant à lui, en a décroché 43, a indiqué jeudi soir la Commission électorale.
Le Fatah de Mahmoud Abbas a annoncé jeudi qu’il passait dans l’opposition.

– Le Ministère suisse des affaires étrangères (DFAE) soutient tous les partis politiques palestiniens engagés dans le processus de paix, s’ils adhèrent au droit international et aux accords d’Oslo.

– Le mouvement Hamas n’est pas interdit en Suisse.

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