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La chasse à l’argent sale se professionnalise

Les criminels en col blanc recourent à des techniques toujours plus raffinées. swissinfo.ch

Après Neuchâtel, Lucerne vient de remettre leurs diplômes à la première volée de post-gradués en lutte contre la criminalité économique.

Cette nouvelle formation répond aux nouveaux besoins du combat contre les délinquants en col blanc.

Il y a deux ans, les Hautes Ecoles de gestion de Neuchâtel et de Lucerne lançaient les premiers cours postgrade en lutte contre la criminalité économique. Arrivées en fin de cursus, 21 Romands et 43 Alémaniques viennent de recevoir leur diplôme.

Cette nouvelle filière représente un élément-clé dans la politique de lutte contre la criminalité en col blanc mise en place par la Suisse.

Ces cours s’adressent à des professionnels travaillant déjà dans des secteurs comme la police, la justice ou la banque.

Aiguillonnées par les critiques venues de l’étranger, les autorités ont nettement durci les lois contre le blanchiment d’argent, la fraude et la corruption. Et le pays a désormais besoin de professionnels bien formés dans ces domaines.

«Les criminels économiques ont des talents particuliers, rappelle Adrian Lobsiger, responsable des cours à Lucerne. Et si nous voulons lutter efficacement contre eux, nous devons leur opposer des gens qui ont les mêmes talents.»

Du salaire des cadres au football professionnel

Le programme des cours inclut le droit, l’économie et l’informatique.

Pratiquement, les étudiants auront pu exercer leurs talents dans des domaines comme les abus en matière de rémunération des cadres, l’évasion fiscale, la cybercriminlité, l’espionnage économique ou le blanchiment dans le milieu du football professionnel.

Bien que les cours s’adressent en principe aux professionnels du secteur public, le privé y est également bien représenté. «Nous avons eu des étudiants venant des banques, des assurances ou des cabinets d’avocats», note Adrian Lobsiger.

Les institutions financières helvétiques jouent un rôle de plus en plus important dans la détection de l’argent sale et de la criminalité économique.

En vertu des règles qui les contraignent à connaître leurs clients, les banques sont obligées d’entretenir de vastes bases de données et d’installer des systèmes électroniques capables de détecter les fonds d’origine illégale.

Ainsi, l’UBS, la plus grande d’entre elles, possède une liste de quelque 200’000 noms de «personnes politiquement exposées» du monde entier, ainsi que de leurs familles et de leurs associés.

Question de réputation

Pour Adrian Lobsiger, la Suisse n’a pas vraiment le choix: elle doit intensifier sa lutte contre la criminalité en col blanc si elle veut maintenir la réputation de sa place financière.

Susan Pälmke est procureur fédéral et elle vient de suivre le cours post-grade à Lucerne. «Je suis très motivée par les enquêtes et la lutte contre la criminalité économique et je sais que ma formation dans ce domaine était insuffisante», admet-elle.

«J’ai fait mon droit il y a plus de 12 ans à l’Université de Zurich et la criminalité économique n’était pas le sujet principal de nos études», ajoute Susan Pälmke.

Nouveaux défis

Bien que ce cours et les compétences qu’il apporte vise à optimiser les efforts de la Suisse dans la lutte contre la criminalité économique, il reste à savoir si les autorités peuvent réellement mieux poursuivre les criminels à l’intérieur des frontières du pays.

L’internet, en effet, de même que la globalisation, offrent de nouvelles opportunités aux criminels, qui utilisent de plus en plus ces techniques pour réaliser leurs méfaits avant que l’on s’en aperçoive.

«Nous serons toujours derrière, explique Adrian Lobsiger, car les criminels sont rapidement opérationnels». Et d’ajouter: «Mais les délais diminuent».

D’ailleurs, tant Adrien Lobsiger que Suzanne Pälmke, s’accordent à dire que la détection d’une nouvelle stratégie criminelle est excessivement difficile.

Par exemple, pendant que l’on s’affaire à lutter contre les blanchisseurs ou les terroristes, des réseaux de cybercriminels peuvent travailler tranquillement.

Travail sur le terrain

Pour Adrian Lobsiger, les lois permettant de lutter contre la criminalité économique doivent être renforcées dans le monde entier.

«Nous en sommes à un point où toutes les différences entre les législations des pays doivent disparaître si l’on veut réellement être efficace», ajoute le professeur.

Et même si d’autres pays consentent depuis peu de gros efforts à la formation pour la lutte contre cette forme de criminalité, Adrian Lobsiger reste persuadé que les centres de formation nouvellement créés en Suisse sont uniques au monde.

«Nous profitons de l’aide des universités et travaillons de concert avec leurs professeurs. Mais la force de notre formation demeure la pratique sur le terrain. Et cela ne se fait pas ailleurs», conclut le professeur.

swissinfo, Jacob Greber
(traduction: Marc-André Miserez et Jean-Louis Thomas)

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