La lutte contre le trafic d’humains se renforce
La lutte contre le trafic d'êtres humains nécessite une meilleure collaboration internationale et une approche approfondie. Telles sont les conclusions du Forum de l'ONU, achevé vendredi à Vienne.
Dans la capitale autrichienne, la Suisse a apporté son expérience en matière de coopération multilatérale et se dit satisfaite des discussions.
Ce forum de Vienne a réuni pendant trois jours plus de 1000 participants en provenance d’une centaine de pays. Des représentants de gouvernements, de la société civile, de l’économie ainsi que quelques personnalités de haut niveau.
«Des personnes se sentent moralement autorisées à exploiter d’autres personnes simplement pour diminuer leurs coûts», a notamment dénoncé Antonio Maria Costa, directeur de l’organe de l’ONU chargé de la lutte contre la drogue et le crime (UNODC), vendredi à Vienne à la clôture des débats.
En outre, l’exploitation sexuelle des femmes est favorisée par la «tendance dramatique» à exhiber le corps féminin, notamment dans la publicité, a-t-il ajouté, y voyant un abus. «Je parle aussi des pays riches, pas uniquement des inégalités entre sexes dans les pays en développement», a-t-il souligné.
Quête d’une stratégie
«Sans aucun doute, la réunion a été un grand succès en terme de prise de conscience du problème», a estimé M. Costa, rappelant que la lutte contre le trafic d’êtres humains n’a démarré activement que depuis 6 ou 7 ans dans le monde.
Et de rappeler que ce trafic «inhumain» affecte 161 pays dans le monde et concerne jusqu’à 2,5 millions de victimes, dont la grande majorité est âgée de 18 à 24 ans.
Le plus important, ce qui est aussi le plus difficile, est la compréhension du phénomène qui rapporte, selon les estimations de l’ONU quelque 31 milliards de dollars par an, a souligné M. Costa. «On n’a toujours pas compris ce qui se passe vraiment dans la tête des victimes et des trafiquants», selon lui.
«Ce trafic constitue un crime grave et ne fait que se développer. Il est très important d’unir toutes les forces contre cette forme moderne d’esclavage», a déclaré le chef de la délégation helvétique, Guillaume Scheurer.
Condamnations en hausse
Ce dernier, qui est aussi chef suppléant de la Division politique IV du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), a également tiré un bilan positif de cette réunion.
Ce forum a permis d’approfondir les contacts entre Etats, ce qui aura pour effet de renforcer la coopération entre les polices, les parquets et les autorités responsables des migrations et des statistiques, a précisé Guillaume Scheurer.
Il a ajouté à swissinfo que la Suisse a pu apporter à Vienne son expérience dans le domaine, notamment dans la collaboration entre les secteurs public et privé. Et a expliqué qu’il était important de savoir d’où viennent les victimes de trafics et quels en sont les auteurs.
La délégation a par ailleurs fait remarquer à Vienne que le nombre de condamnations pour trafic d’être humains a été multiplié par trois depuis le début de la décennie.
De même, la Suisse a soutenu en 2007 cinq fois plus de victimes de trafics qu’en 2002, ce qui témoigne, selon M. Scheurer, d’une meilleure collaboration entre les différentes autorités et la société civile.
Renforcer la lutte
A Vienne, plusieurs gouvernements ont été appelés à intensifier leur lutte contre ce fléau et à mieux appliquer le protocole de l’ONU entré en vigueur fin 2005. Jusqu’ici 110 Etats l’ont signé, mais pas encore des pays comme l’Inde et le Japon.
Le secteur privé a également été appelé à collaborer. «Prenez une grande entreprise qui travaille avec de nombreux sous-traitants. Il est important qu’elle s’assure qu’il n’existe aucun trafic de personnes à un quelconque niveau», a déclaré Guillaume Scheurer.
Ainsi, on a appris à Vienne que des sociétés telles que Microsoft, Manpower et Gap ont tenu de leur côté une première réunion sur ce sujet.
«Les progrès réalisés à Vienne sont peut-être modestes, mais il est important de réveiller les consciences afin d’encourager des initiatives nationales ou globales, dans les domaines privé comme public, si l’on veut poursuivre dans la bonne direction», a conclu M. Scheurer.
swissinfo et les agences
Les victimes de ce fléau peuvent faire l’objet d’exploitation sexuelle, de leur force de travail ou de trafic d’organes.
On estime leur nombre entre 600’000 et 2,4 millions dans le monde.
On ignore leur nombre exact en Suisse. L’Office fédéral de la police a estimé en 2002 qu’entre 1500 et 3000 personnes seraient victimes d’exploitation sexuelle. Elles proviennent surtout d’Europe de l’Est, des pays baltes, du Brésil et de Thaïlande.
Depuis décembre 2006, la législation helvétique punit ce trafic d’une peine de prison jusqu’à 20 ans.
Ces dernières années, on a recensé 20 à 50 cas d’exploitation sexuelle par an et le double de cas d’encouragement à la prostitution.
Il a été organisé par l’Initiative globale de l’ONU contre le trafic d’êtres humains (UN.GIFT), créée pour faciliter l’application du Protocole entré en vigueur fin 2005 et coordonner la lutte.
Le GIFT a été créé en 2007 par le Bureau de l’ONU sur les drogues et la criminalité (UNODC), l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme ainsi que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Le forum a également accueilli la pop star Ricky Martin, l’actrice anglaise Emma Thompson et la première dame d’Egypte Suzanne Moubarak.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.