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La «mission impossible» de Peter Sauber

Peter Sauber a reçu un prix d'honneur lors des derniers «Credit Suisse Sports Awards» Keystone

Avant de remettre les clés de ses bolides à BMW, Peter Sauber explique à swissinfo qu'il a réalisé une mission impossible en formant la première écurie de F1 suisse.

Son rêve a débuté dans le sous-sol de la maison de ses parents. Puis l’opération F1 s’est développée jusqu’à la construction, en 2004, de la soufflerie moderne dans les locaux de son usine à Hinwil.

A 62 ans, Peter Sauber a décidé de quitter le monde de l’automobilisme après 36 ans de courses dont douze années passées à la tête de son écurie de F1.

Un prix d’honneur lui a d’ailleurs été décerné lors des derniers «Suisse Sports Awards» 2005 pour l’ensemble de sa carrière en Formule 1. Interview.

swissinfo: Parlez-nous de vos premières heures à bricoler des voitures dans la cave de la maison de vos parents?

Peter Sauber: C’était l’unique pièce disponible de la maison, une petite cave avec de petites fenêtres et une petite porte. Quand j’ai terminé de construire ma première voiture, j’ai constaté qu’il était impossible de la sortir et j’ai dû à nouveau la désosser en partie. Dès cet instant, je me suis mis à la recherche d’un endroit plus grand!

swissinfo: Etait-ce difficile de «monter» la première équipe de F1 de Suisse?

P.S.: Lorsque j’ai débuté, cela semblait une mission impossible! Mais c’était un défi très intéressant à relever et j’aime me confronter à mes limites.

Techniquement, cela ne posait pas de problèmes insurmontables, car les dernières voitures de course que nous avions produites étaient très proches des F1 de l’époque. Mais la Formule 1 est soumise à une attention médiatique très soutenue et nous avons décidé de travailler avec Mercedes pour ce qui est de la motorisation.

swissinfo: Pourquoi avez-vous décidé de vendre Sauber à BMW?

P.S. : Cela s’est fait un peu par hasard. Je recherchais un nouveau fournisseur pour les moteurs de mes voitures et, durant les discussions avec BMW, l’opportunité s’est présentée.

Je voulais donner à mon entreprise la possibilité de se développer sportivement, tout en assurant les places de travail dans l’infrastructure d’Hinwil. Par ailleurs, j’ai 62 ans et, à plus ou moins long terme, j’aurais dû chercher un successeur. L’offre de BMW est venue à point nommé.

swissinfo: Malgré la reprise, l’écurie va continuer de s’appeler «Sauber». Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

P.S.: Je suis très heureux, et pas seulement pour moi, mais aussi pour tout mon staff, les supporters et les médias suisses. Je n’ai jamais demandé à BMW de garder le nom de Sauber, c’est leur décision.

swissinfo: Ne trouvez-vous pas triste qu’il n’y ait plus qu’un petit nombre d’équipes indépendantes dans le monde de la F1?

P.S.: C’est un processus naturel que l’on observe aussi dans d’autres secteurs de l’économie.

La F1 n’avait jamais compté autant de manufacturiers que jusqu’à présent et tous se battent pour devenir champion du monde. Cela a porté la compétition à un niveau qu’elle n’avait jamais atteint auparavant et les coûts ont tellement augmenté qu’il est devenu difficile pour des équipes indépendantes de rivaliser.

Dire que c’est triste est une manière romantique de voir les choses. Or il n’y a plus de place pour le romantisme dans le monde des affaires…

swissinfo: En parlant de romantisme, vous avez donné le prénom de votre épouse, Christiane, à votre voiture… Un acte romantique?

P.S.: C’est devenu romantique au final, mais à l’origine ce n’était pas le cas. Je suis une personne rationnelle. En fait, il me fallait juste un nom pour ma voiture… J’ai d’abord pensé à Sauber A1, mais il était déjà pris. B1 l’était aussi. Alors j’ai choisi le C et il fallait que je trouve une explication à cette consonne unique.

Au début, mon épouse n’était pas contente du tout, parce que son nom était rattaché à une aventure dangereuse qui, de surcroît, me prenait tout mon temps. Aujourd’hui, elle est heureuse.

swissinfo: Pensez-vous que la Suisse aura un jour un circuit de Formule 1?

P.S.: J’espère que nous aurons un circuit permanent en Suisse aussi vite que possible, mais il ne doit pas nécessairement être destiné au Grand Prix. Actuellement, la F1 est en train de quitter l’Europe. Ce ne serait donc pas logique de créer une course supplémentaire ici.

Construire un circuit de Formule 1 en Suisse coûterait très cher. Trouver les fonds nécessaires semblent pratiquement impossible.

swissinfo: Vous avez été dans la course automobile durant 36 ans. Quels ont été les points positifs et négatifs?

P.S.: Pour moi, le principal accomplissement est d’être resté durant 13 ans dans le monde de la F1 et d’y avoir fait des progrès. Nous sommes montés six fois sur le podium et en 2001, nous nous sommes classés 4ème au classement des constructeurs. C’était un très bon résultat pour une écurie indépendante.

Durant ces 36 ans, je retiens deux autres faits marquants: la double victoire au Mans en 1989 et le fait d’avoir remporté à deux reprises le Championnat du monde de «Sports Cars» en 1989 et 1990.

Je suis très content de n’avoir vécu qu’un seul accident très grave; c’était celui de Karl Wendlinger à Monte Carlo en 1994. Après 19 jours de coma, Karl est revenu à la course automobile et il est aujourd’hui encore un pilote à succès.

swissinfo: Qu’est-ce qui vous manquera le plus quand vous arrêterez l’an prochain?

P.S.: Sans aucun doute, tous ces gens avec qui j’ai travaillé et tous ceux que j’ai eu le plaisir de connaître en F1. Je resterai en contact avec le monde de la F1 en tant que consultant pour Credit Suisse et Petronas sous le nom de BMW.

swissinfo: Que feriez-vous de manière différente si vous pouviez tout recommencer?

P.S. : Il est tout à fait normal d’avoir fait quelques erreurs en 36 ans. Mais je suis très satisfait de ce que j’ai accompli et je ne changerais rien du tout.

swissinfo-interview, Matthew Allen à Hinwil
(Traduction de l’anglais: Mathias Froidevaux)

Peter Sauber est connu dans le monde de la F1 comme étant un très grand recruteur de jeunes talents. Il a notamment donné sa chance à Michael Schumacher, Heinz-Harald Frentzen et Karl Wendlinger.
L’an dernier, l’écurie Sauber a disputé le Championnat du monde avec un budget annule de 160 millions de francs (quatre fois le budget de 1993).

– Peter Sauber a commencé en 1967 en pilotant des Coccinnelles avant d’opter pour les voitures de course en 1970.

– En 1986, il vend son garage et s’installe à Hinwil, où il construit les C9, C11 et C291 et, en 1992, sa première F1, la C12.

– En 1986, alors qu’il travaille pour Mercedes, l’écurie remporte les 24 Heures du Mans.

– En 1993, deux C12 s’alignent au GP d’Afrique du Sud et JJ Lehto finit 5e.

– De 1993 à aujourd’hui, l’écurie Sauber fait 215 tentatives manquées de victoire, totalisant 195 points et terminant 6 fois 3e.

– Dès 2006, BMW reprendra l’écurie.

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