La Suisse critique le compromis sur la CPI
Le compromis sur la CPI suscite des réactions mitigées. Londres et Paris sont satisfaits, contrairement à Berne et Berlin.
Le Conseil de sécurité a adopté vendredi soir une résolution qui assure pour un an l’immunité devant la Cour pénale internationale (CPI) à tous les ressortissants participant à des opérations de maintien de la paix. Cette immunité, aux termes de la résolution 1422, concerne les personnels des pays n’ayant pas signé le traité instituant la Cour.
Ce compromis a été obtenu au terme d’âpres discussions à la demande des Etats-Unis. Washington, qui souhaitait une immunité totale de ses soldats, menaçait d’opposer son veto à toute nouvelle mission de paix des Nations unies si le différend n’était pas résolu. La première opération visée était celle de Bosnie.
Le bras de fer continue
Cet affrontement semble loin d’être terminé. L’ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies, John Negroponte, a clairement déclaré quelques minutes après le vote que, pour Washington, cette résolution ne constituait qu’«un premier pas».
«Nous allons mettre à profit l’année qui vient pour chercher les protections supplémentaires que nous estimons nécessaires», a averti l’ambassadeur américain. Il a mis solennellement en garde contre toute tentative de la CPI de détenir un ressortissant américain.
Colère des «petits»
Les trois semaines de consultations à huis clos et de pressions en coulisses devraient laisser des traces. «La très forte colère provoquée chez nos voisins du nord et du sud n’est que la pointe de l’iceberg des dégâts politiques que les Etats-Unis se sont infligés à eux-mêmes», a commenté Richard Dicker, de l’organisation de défense des droits l’homme Human Rights Watch (HRW).
Pour l’ambassadeur canadien Paul Heinbecker, l’adoption de la résolution marque «un triste jour pour les Nations Unies». «La légitimité du Conseil de sécurité, commente Richard Dicker, est une autre victime» de ces tractations diplomatiques.
La Suède regrette le compromis. «Nous pensons qu’il est mauvais dans le principe d’exclure temporairement le personnel de certains pays de la juridiction de la Cour», a dit la ministre des Affaires étrangères Anna Lindh, estimant que cela saperait la confiance dans la Cour.
«J’espère que cette décision temporaire ne sera pas reconduite l’an prochain et que les dégâts seront dès lors limités», a-t-elle ajouté. Son homologue allemand, Joschka Fischer, a déclaré que son gouvernement allait tenter de convaincre les Etats-Unis de modifier leur position à long terme.
Berne également critique…
La Suisse a également réagi de manière critique. «La résolution est contraire à l’esprit du statut du traité de Rome», a déclaré une porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). «La Suisse tient à l’intégrité de ce statut», a ajouté Muriel Berset Kohen.
Mme Berset Kohen a ajouté que la Suisse va s’engager à l’avenir pour que l’objectif d’universalité de la Cour soit atteint. En plus des Etats-Unis, plusieurs autres pays n’ont en effet toujours pas adhéré à la CPI.
…mais pas l’Union européenne
En revanche, l’Union européenne, la Grande-Bretagne et la France ont apporté leur soutien au compromis. «Cet accord préserve l’autorité de la CPI tout en apportant une réponse aux problèmes pratiques résultant du fait que certains pays, en particulier les Etats-Unis, ne font pas parties de la Cour», a indiqué le ministère français des Affaires étrangères.
La résolution 1422 demande à la CPI de respecter un délai de douze mois avant d’ouvrir une enquête contre des casques bleus appartenant à des pays qui ne soutiennent pas la Cour, «si le cas se présente» et «à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement». Dès l’adoption de la résolution, le Conseil a approuvé la prolongation de la mission de l’ONU en Bosnie.
swissinfo avec les agences
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