La Suisse peut faire plus pour ses handicapés
Seuls 20 à 30% des édifices publics sont accessibles en fauteuil roulant. Pourtant, quelque 700'000 personnes en Suisse souffrent d'un handicap.
Une initiative propose d’améliorer leur condition. Pour ses opposants, le texte va trop loin.
L’initiative «droits égaux pour les personnes handicapées» a été déposée en 1999 par 35 organisations qui défendent les intérêts des handicapés. Le texte a été signé par 120 455 personnes.
Des demandes raisonnables pour les uns…
Le texte demande des mesures pour éliminer et corriger des inégalités existantes. L’accès aux bâtiments, aux transports et aux prestations destinées au public doit être garanti, dans la mesure où il est économiquement supportable.
Paralytique lui-même, le conseiller national radical Marc Suter insiste sur cette notion économique. Selon lui, une très grande partie des obstacles pourraient être supprimés à moindres coûts.
Citant des études des hautes écoles d’architecture, le député indique qu’adapter les bâtiments aux handicapés n’engendre que moins de 1% de coûts supplémentaires lors de construction et de 2 à 5% pour des rénovations.
Dans les autres cas, les adaptations sont souvent simples et peu onéreuses. «Il suffit parfois d’un petit bout de bois», note Marc Suter. Mais encore faut-il le faire.
Et le député de remarquer que les handicapés ne demandent pas la lune: «nous ne voulons pas monter en ascenseur sur la cathédrale de Lausanne».
Mais l’argumentation n’est pas seulement économique, c’est aussi une question de droits humains. «Nous n’acceptons plus la discrimination qui a encore lieu en Suisse envers les handicapés. Ce n’est pas digne d’un pays de haute culture qui a toujours pris en compte les intérêts de ses minorités.»
… exagérées et excessives pour les autres
Les opposants à l’initiative reconnaissent que les revendications des handicapés sont légitimes. D’ailleurs, il est prévu de corriger la situation via la Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées.
Cette nouvelle loi stipule notamment que tous les nouveaux bâtiments ouverts au public devront être adaptés aux handicapés lorsqu’ils sont construits ou rénovés.
Mais la loi va moins loin que l’initiative. Elle renonce notamment à une transformation généralisée des bâtiments et accorde un délai de 20 ans pour la transformation des infrastructures des transports publics.
«Les auteurs de l’initiative veulent que tous les bâtiments et transports publics soient immédiatement rendus accessibles, déclare le conseiller aux Etats démocrate-chrétien Anton Cottier. Il en résulterait des coûts que nous ne maîtriserions pas.»
Le Conseil fédéral a en effet estimé que les adaptations coûteraient 4 milliards pour les seuls transports publics et 4 autres milliards pour les bâtiments, rappelle le sénateur.
Anton Cottier craint une avalanche de demandes auprès des tribunaux. «Les demandes des initiants sont exagérées et excessives, déclare-t-il. Dès le lendemain de l’acceptation du texte, une personne handicapée pourrait demander que la gare où elle souhaite prendre le train soit adaptée.»
Au peuple de trancher
Comme Anton Cottier, le gouvernement et une majorité du Parlement estiment que l’adaptation progressive des structures prévue dans la nouvelle loi constitue la meilleure solution. Ils demandent donc au peuple de refuser l’initiative.
De son côté, Marc Suter ne se satisfait pas de la nouvelle loi. A ses yeux, elle ne va pas assez loin. Rien n’impose, par exemple, d’adapter un bâtiment s’il n’est pas en cours de rénovation.
Entre ces deux positions, il reviendra donc au peuple de trancher.
swissinfo, Olivier Pauchard
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