La Suisse plaide pour les droits de l’homme
Après les ONG, la Suisse officielle en appelle aussi à la réforme de la Commission onusienne des droits de l’homme, passablement décrédibilisée.
A l’ouverture de la session à Genève, la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a soutenu l’idée de créer un Conseil des droits de l’homme, à l’image du Conseil de sécurité.
S’adressant à la Commission des droits de l’homme le premier jour de sa session de six semaines, la cheffe de la diplomatie helvétique s’est prononcée pour sa «revitalisation».
Elle a suggéré que les pays candidats et membres de cet organe prennent des engagements concrets en faveur des droits humains et assument leurs responsabilités.
Micheline Calmy-Rey souhaite que la Haut Commissaire de l’ONU Louise Arbour publie un rapport sur la situation des droits humains dans le monde. Elle a indiqué à cet égard que l’Université de Berne travaille à la création d’une compilation pays par pays fondée sur les sources des Nations Unies.
La Suisse soutient en outre l’idée de créer un Conseil des droits de l’homme, sur un pied d’égalité avec le Conseil de sécurité, intervenant tout au long de l’année.
L’usage du droit de veto au Conseil de sécurité devrait être prohibé dans des contextes ayant donné lieu à de graves violations des droits humains et du droit humanitaire, a poursuivi Micheline Calmy-Rey. Elle a également annoncé que la Suisse est disposée à contribuer à la formation d’un pool d’observateurs des droits humains.
Non à la torture
«Il est inadmissible que des gouvernements ou des personnalités politiques se mettent à envisager l’éventualité d’une autorisation légale du recours à la torture, a ajouté la ministre. Ces signaux sont extrêmement préoccupants et doivent être condamnés avec la plus grande fermeté».
«Plus de trois ans et demi après les attentats du 11 septembre 2001, de nombreuses personnes sont toujours emprisonnées de façon extrajudiciaire ou arbitraire dans plusieurs centres de détention de par le monde», a encore dit Micheline Calmy-Rey.
La cheffe de la diplomatie suisse a aussi évoqué le Darfour, où la situation «reste grave, et devrait être portée devant la Cour pénale internationale».
«Au Népal, les violations commises par toutes les parties au conflit ont encore augmenté», a également déploré Micheline Calmy-Rey. Et de rappeler que la Suisse est prête à assister ce pays en coopération avec l’ONU et va présenter une résolution sur le Népal à la Commission.
La ministre a enfin rappelé l’initiative sur la violence contre les femmes, lancée l’an dernier avec d’autres ministres femmes des Affaires étrangères. La lutte contre la traite des femmes et des filles figure parmi les priorités du réseau pour cette année, avec le soutien à des campagnes de sensibilisation des victimes potentielles de la traite.
70 journalistes en prison
Par ailleurs, pour marquer l’ouverture de cette session, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) avait placardé lundi dans les rues de Genève 70 affiches représentant chacune la silhouette d’un journaliste emprisonné.
La Chine (27 journalistes emprisonnés), Cuba (21), l’Erythrée (13) et le Népal (9) sont les quatre pays qui emprisonnent le plus de journalistes dans le monde. Et tous les quatre sont membres de la Commission des droits de l’homme.
Au total, 70 journalistes et 62 cyberdissidents sont emprisonnés dans des pays qui siègent à la Commission. «La Commission des droits de l’homme continue de se discréditer. Plus personne ne peut sérieusement affirmer aujourd’hui qu’elle fait correctement son travail et contribue réellement à améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde», clame RSF.
L’ONG en appelle donc à une réforme «immédiate et en profondeur des mécanismes de fonctionnement de cette commission», jugeant «inadmissible que les pays les plus répressifs au monde siègent au sein d’une instance dont l’une des missions principales est de condamner les violations des droits de l’homme».
RSF appelle également les Etats démocratiques à exiger la libération immédiate de ces 70 journalistes «qui n’ont fait qu’exercer leur droit à informer librement».
swissinfo et les agences
La Commission des droits de l’homme a été instaurée en 1946. Son siège est à Genève et elle compte aujourd’hui 53 pays membres.
Elle se réunit chaque année pour une session de six semaines, destinée à faire le point de la situation des droits humains dans le monde.
La Suisse n’en est pas membre.
– La Commission des droits de l’homme des Nations Unies fait face à une décrédibilisation croissante.
– Elle a notamment été critiquée dans un rapport sur la réforme de l’ONU commandé par Kofi Annan et remis au secrétaire général à la fin de l’an dernier.
– Les auteurs du rapport, comme de nombreux pays démocratiques et d’ONG, lui reprochent de se préoccuper davantage de mettre ses membres à l’abri des critiques que de lutter contre les violations des droits de l’homme dans le monde.
– Avant la fin de la présente session, Kofi Annan formulera des recommandations sur des reformes de nature à restaurer le prestige de la Commission, dont sont membres des pays très exposés aux critiques comme Cuba, le Zimbabwe, le Soudan, l’Arabie saoudite, la Russie, les Etats-Unis ou la Chine.
– Lundi à Genève, l’ONG Reporters sans Frontières a manifesté symboliquement pour dénoncer le fait que quatre des pays qui siègent à la Commission retiennent ensemble en prison un total de 70 journalistes.
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