La Suisse poursuit une politique inaugurée en 1990
Vendredi, le gouvernement a précisé sa réponse à l'adresse des Etats-Unis: seuls les vols humanitaires, de surveillance ou de reconnaissance vers l'Irak seront autorisés.
La Suisse confirme ainsi les choix politiques qu’elle a faits lors de la première crise irakienne.
En clair, sans une nouvelle résolution de l’ONU, le survol du territoire suisse par des avions américains transportant du matériel de guerre ou des troupes reste exclu.
Un fois de plus, le Conseil fédéral semble donc opter pour une politique calquée sur celle des Nations Unies. Comme ce fut le cas en 1990.
Souvenez-vous, le 2 août 1990, immédiatement après l’invasion du Koweït, le Conseil de sécurité de l’ONU demandait le retrait des troupes irakiennes.
Dans la foulée, la Confédération condamnait, elle aussi, l’opération militaire. Et elle renonçait à formuler une déclaration de neutralité explicite.
Le 6 août 1990, l’ONU décrétait un boycott économique et financier à l’encontre de l’Irak et du Koweït (résolution 661).
Le jour suivant, la Suisse – qui n’était alors pas encore membre des Nations Unies – décidait d’appliquer, elle aussi, ces sanctions d’une manière autonome.
Une neutralité pragmatique
Pour mémoire, jusqu’à la première crise irakienne, la Suisse s’était limitée à geler ses relations économiques avec les pays frappés par des boycotts ou (comme dans le cas de l’Afrique du sud) à fixer un plafond maximal à ses exportations.
En clair, elle avait tendance à interpréter sa neutralité d’une manière très pragmatique.
«Dans ce sens, la participation de la Suisse aux mesures de l’ONU contre l’Irak s’inscrivait dans la continuité», écrit André Schaller dans une étude consacrée aux sanctions contre le régime de Bagdad.
Mais, admet aussi le juriste, la prise de position helvétique constituait tout de même un tournant. Puisque, rappelle-t-il, «pour la toute première fois, la Confédération participait ouvertement et pleinement à des sanctions économiques décrétées par l’ONU».
«Le gouvernement suisse s’est rendu compte que les changements intervenus au Conseil de sécurité de l’ONU et sur l’échiquier international permettaient, voire nécessitaient, une position plus déterminée», ajoute pour sa part la politologue Aviva R. Schnur.
Une chose est sûre: la prise de position suisse d’août 1990 aura des conséquences à long terme sur la fameuse neutralité helvétique.
«La politique inaugurée en 1990 s’est poursuivie avec les sanctions successives décrétées par le Conseil de sécurité», peut-on d’ailleurs lire dans le rapport du groupe interdépartemental sur la neutralité de la Suisse d’août 2000.
La question du droit de survol
Cela dit, une autre question a nécessité une interprétation du droit de la neutralité.
En décembre 1990, les Etats-Unis demandaient en effet au Conseil fédéral la permission d’utiliser l’espace aérien suisse pour le transport de troupes et de munitions.
Bien qu’une partie de l’administration fédérale fût favorable à accéder aux demandes américaines, comme l’affirme Aviva Schnur, le Conseil fédéral n’a finalement accordé le droit de survol que pour le transport de blessés et celui de matériel sanitaire.
Au cours des années suivantes, suite au rapport du Conseil fédéral sur la neutralité (novembre 1993), la Suisse prendra l’habitude d’autoriser le survol de son espace aérien, mais seulement pour des missions de paix basées sur une résolution de l’ONU.
C’est ainsi que la Suisse n’a pas ouvert son espace aérien pour l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie (1999). Mais qu’elle l’a fait pour les missions de la SFOR en Bosnie (1995) et de la KFOR au Kosovo (1999).
swissinfo, Andrea Tognina
(traduction: Olivier Pauchard)
– 2 août 1990: l’Irak envahit le Koweït.
– 6 août 1990: l’ONU décrète des sanctions économiques contre l’Irak.
– 7 août 1990: la Suisse décide d’appliquer ces sanctions.
– 8 août 1990: les Etats-Unis annoncent l’envoi de troupes dans le Golfe.
– 14 novembre 1990: une délégation parlementaire suisse se rend en Irak.
– Décembre 1990: la Suisse refuse l’accès de son espace aérien aux vols militaires américains.
– 9 janvier 1991: les ministres des Affaires étrangères de l’Irak et des Etats-Unis se rencontrent à Genève.
– 17 janvier 1991: lancement d’une opération militaire contre l’Irak (Tempête du désert).
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