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La Suisse verrouille ses archives sur l’apartheid

Les liens avec l'apartheid font toujours planer une ombre sur la Suisse. Keystone

L'accès aux dossiers des Archives fédérales concernant l'Afrique du Sud de l'apartheid contenant des noms d'entreprises n'est plus possible.

Le gouvernement justifie cette «suspension temporaire» en raison des plaintes déposées aux Etats-Unis.

«La libre consultation des dossiers telle que pratiquée jusqu’ici risquerait, lors du traitement de ces plaintes collectives, de mettre les entreprises suisses accusées dans une moins bonne position que les sociétés étrangères», indique le ministère suisse des finances (DFF).

L’idée est donc d’éviter que des avocats puissent profiter des facilités d’accès aux dossiers en vigueur en Suisse, alors qu’ils ne pourraient pas agir de la sorte à l’étranger, a de son côté précisé Marianne Widmer, de l’administration fédérale des finances.

Le gouvernement réexaminera toutefois sa décision d’interrompre la consultation dès qu’il sera en possession de nouveaux éléments. A cette fin notamment, il a demandé au ministère des Affaires étrangères de passer au crible les modalités d’accès aux dossiers appliquées dans les autres pays.

Cela pourra également dépendre de l’évolution des procédures juridiques. Il est en effet possible qu’un tribunal demande l’ouverture des dossiers. Des entretiens sont en outre prévus avec les chercheurs du Fonds national pour déterminer quels sont leurs besoins pour terminer leurs travaux.

Recherches du Fonds national

Le Conseil fédéral a chargé en mai 2000 le Fonds national de la recherche scientifique d’enquêter sur les relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud, en réponse à la demande des experts et du Parlement. Un budget de 2 millions de francs lui a été alloué dans ce but.

Les recherches portent notamment sur les effets de la politique extérieure et économique suisse sur la situation en Afrique du Sud. Les différents projets devraient être achevés d’ici la fin de l’année.

Les chercheurs du Fonds national chargés de cette étude se disent «frustrés». Ils déplorent la décision du Conseil fédéral et regrettent de n’avoir pas «été mieux consultés et informés», écrit dans un communiqué le chef du projet, Georg Kreis.

Outre les chercheurs, quelques autres personnes (étudiants, journalistes) ont aussi pu consulter ces dossiers. Une autorisation était néanmoins nécessaire, la loi sur l’archivage prévoyant un délai de protection de 30 ans. A cela s’ajoutaient d’autres barrières, comme le secret de fonction et le secret bancaire.

Aux Etats-Unis, les avocats américains chargés de défendre les victimes de l’apartheid ont du mal à comprendre la décision du gouvernement suisse.

Mandatée pour la plainte collective au nom d’une organisation de victimes, Angieszka Fryszman, du cabinet Cohen, Milstein & Hausfeld, se déclare «très déçue» par ce choix.

«Je ne vois pas comment cette restriction serait utile à la recherche de la vérité», dit l’avocate dont le cabinet avait l’intention de prendre connaissance des dossiers d’archives.

Un monde politique divisé

La décision de fermer l’accès aux archives divise la classe politique suisse. Les partis de droite soutiennent généralement cette décision visant à défendre les entreprises suisses.

La gauche, en revanche, se déclare choquée et promet d’ores et déjà de revenir à la charge au Parlement pour que toute la lumière soit faite sur la période de l’apartheid.

Coprésident des Verts, le député Patrice Mugny a l’impression de revivre le débat des fonds en déshérence. Et de prévenir: «Il faudra attendre qu’il y ait des mesures de rétorsion graves pour que la Suisse consente à dire la vérité!».

swissinfo et les agences

– Des plaintes contre environ 80 entreprises, dont des suisses, ont été déposées aux Etats-Unis depuis 2002 par des victimes de l’apartheid.

– Parmi les sociétés helvétiques visées, on trouve les banques UBS et Credit Suisse et les groupes Nestlé, Novartis, Unaxis, Sulzer, Schindler et Ems.

– Les plaignants, représentés par les avocats américains Ed Fagan et Michael Hausfeld, reprochent aux entreprises incriminées d’avoir soutenu le régime de l’apartheid et d’avoir désavantagé leurs employés noirs.

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