Lacunes dans la lutte contre le crime organisé
Des experts réunis à Genève estiment que la lutte contre le terrorisme se fait souvent au détriment de celle qui doit être menée contre le crime organisé.
L’utilisation des organisations criminelles brouille les cartes, lorsqu’il s’agit de durcir la loi.
La conférence de deux jours consacrée au crime organisée débute jeudi. Elle réunit 17 experts, notamment des représentants d’Europol et de la commission parlementaire italienne anti-mafia.
Les organisateurs sont l’Observatoire du crime organisé (OCO) – une organisation basée à Genève – et Academy & Finance, une société suisse créée en mars 2000 et spécialisée dans l’organisation de conférences dans le domaine de la gestion de patrimoine et de la criminalité financière.
Parmi les sujets abordés, citons la mafia calabraise, l’impact du crime organisé sur le monde des affaires ou encore les récents développements autour du financement du terrorisme international.
«La situation est devenue très complexe et compliquée pour ceux qui dirigent la lutte contre le crime organisé», déclare Nicolas Giannakopoulos, président de l’OCO.
«Hélas, poursuit-il, les progrès enregistrés durant les années 90 ont été perdus. On met moins l’accent sur le moyen de traduire les criminels devant la justice. On se préoccupe davantage de savoir comment utiliser ces groupes dans la lutte contre le terrorisme.»
Groupes criminels
Selon le président de l’OCO, l’insistance à combattre le terrorisme après le 11 septembre 2001 a permis aux groupes du crime organisé de se multiplier et de se décentraliser, et ceci en l’espace de peu de temps.
Pour Nicolas Giannakopoulos, des groupes traditionnels tels que les mafias d’Italie, de Colombie, du Mexique, de Russie, de Chine ou du Japon contrôlent encore les opérations. Mais il y a aussi désormais de plus en plus de groupes plus petits «qui font le sale boulot». Du coup, il devient difficile pour les autorités de savoir qui tire les ficelles.
Par ailleurs, les groupes criminels du Brésil, du Nigeria, de Sierra Leone, du Congo, de Taiwan, de Corée, du Vietnam et d’Inde sont devenus plus puissants.
«L’approche qu’ont actuellement les gouvernements par rapport au crime organisé n’est pas claire, déplore le président de l’OCO. Parfois ils ont besoin de ces groupes et parfois ils les combattent. Cela constitue une invitation à toutes sortes de mauvaises appréciations et d’arrangements douteux.»
Financement du terrorisme
Le financement du terrorisme est l’un des thèmes centraux de la conférence. Professeur de finance au Swiss Banking Institute de l’Université de Zurich, Mark Chesney reconnaît qu’il y a eu des progrès significatifs pour enrayer le financement des groupes armés. Ce qui est maintenant nécessaire, c’est de contrôler les marchés financiers.
Le professeur va présenter durant la conférence un document qui détaille ce qu’il nomme les opérations «inhabituelles» qui ont eu lieu à la Bourse de New York la veille des attentats du 11 septembre. Mark Chesney va utiliser ces découvertes pour démontrer que si bon nombre de nouvelles réglementations régissent le domaine bancaire, il y a encore un manque de transparence et de responsabilité en ce qui concerne les marchés financiers.
Le professeur croit donc qu’il est temps que les gouvernements agissent contre les réseaux secrets des groupes offshores. A cause d’eux, il est en effet difficile de suivre à la trace les criminels qui opèrent sur les marchés. «Ma conclusion est que nous devrions être beaucoup plus prudents», dit Mark Chesney.
swissinfo, Adam Beaumont, Genève
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)
– Le second Forum de Genève sur le crime organisé se déroule les 29 et 30 septembre. Les thèmes abordés incluent le terrorisme, la mafia, le trafic de drogue, le racket et l’impact du crime organisé sur le monde des affaires.
– Les experts craignent que les gouvernements aient perdu leur ligne directrice dans la lutte contre le crime organisée, car ils sont actuellement trop obnubilés par la lutte contre le terrorisme.
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